Illustration: BoJack Horseman, Horse under the water, Netflix (still) |
Arrivé au bout d’une année 2016 avare en réjouissances mais généreuse en drames et déprimes, Think Tank rassemble les bons moments en une sélection non-hiérarchisée, libre et toujours curieuse de ce que l’actualité a à nous offrir. Tout n'est pas à jeter!
« 2016 en dix combos parfaites »
Grime x architecture
Déjà auréolé en 2015, le grime a paradé toute l’année 2016 : du sample de Kyla sur "One Dance" au meilleur album de l’année KONNICHIWA de Skepta, en passant par un nombre hallucinant de tubes, signé Belly Squad, Nadia Rose ou Elf Kid. Ce genre a réussi à conquérir un public plus large, tout en jouant sur ses qualités reconnaissables à l’accent et aux samples. Cette identité britannique se retrouve visuellement dans les clips qui font la part belle au meilleur du brutalisme et des tours, Skepta se royaumant dans le Barbican quand les autres se pavanent devant leur bloc d’habitation.
Filles x guitare
2016 aura été une fois de plus une année où la musique à guitare a eu très peu de choses à proposer, d’excitant ou de tranchant. Il fallait se tourner vers des artistes féminines pour trouver de grandes chansons et des mélodies à couper le souffle. La preuve en 4 titre : « Your best american girl » de Mitsky, « Shut Up and kiss me » de Angel Olsen, « Chinatown » de Girlpool et « Septembre » de La Femme.
Des ado x des zombies
Grâce au festival Black Movie, j’ai vu mon film préféré de l’année : « Mate-me por favor ». On y suit des adolescents brésiliens découvrir la sexualité en même temps que des corps à moitié dévorés dans les terrains vagues de leur banlieue balnéaire. Musique originale improbable, actrices fascinantes, réalisation superbe : ce film possède tous les atouts pour reprendre un genre classique et en faire quelque chose d’à nouveau mystérieux.
Chansons x chansons = album
Cette année, on aura une fois de plus crier à la fin du format album, toujours plus longs et lassant. Drake et Beyonce ont ainsi déçu de nombreuses attentes. Pour autant de grands disques sont bien sortis, mêlant ambitions et verve d’écriture. Impossible ici de ne pas citer BLONDE de Frank Ocean. Hyper attendu, écrit avec une volonté assumée de faire quelque chose de grand, BLONDE surpasse les attentes avec une cohérence magistrale et des chansons époustouflantes. Je mentionnerai encore JEFFERY de Young Thug. Cette année encore, ce dernier a parvenu à surprendre continuellement et sort un album abouti à la technique toujours aussi imparable.
Bouffe x aventure dans les mangas
Cette année, j’ai lu plusieurs mangas. Mon préféré est la série des Golden Kanui, qui situe les aventures dans le décor de forêts hivernales et entrecoupe les scènes d’actions de présentation de la culture aïnou. Les dessins de forêts splendides et d’actions reviennent de façon cyclique vers les repas partagé décris et dessiné avec détails et gourmandise. De leurs côtés, Taniguchi et Kusumi ont fait de la nourriture l’aventure même dans le recueil titré « Les Rêveries d’un gourmet solitaire ». Chaque histoire raconte la quête d’un repas au japon, de la recherche du lieu à la promenade digestive en passant par les hésitations face aux menus et aux codes du lieu. Un livre splendide.
Pain x fromage
Cette année aura été marquée pour moi par la mise sur pied d’une équipe de foot amateurs : le FC Pain Fromage. Avec une bande de potes, on a ainsi découvert les joies de la league romande de football, affronté des clubs d’entreprise, partagé un nombre impressionnant de fondues bourguignonnes, débattu les matchs pendant des heures, beaucoup ri et gagné parfois. Avec de surcroit un maillot et un logo super, une page facebook pour les interviews d’après-match, c’était vraiment un moment fort de cette année.
Textes x illustration : les Editions de la Marquise
Les Editions de la Marquise, lancée à Lausanne cette année, ont déjà offerts trois livres alliant textes et illustrations rafraichissant. C’est surtout la qualité de la réalisation et des textes qui font de cette édition une nouveauté réjouissante de 2016 et dont on se réjouit de connaitre les suites.
Kitsch x douceur en tube
En ce qui concerne les chansons qui m’ont entêté cette année, mes tubes, si je devais déterminer un motif récurrent, ce serait celui de l’alliance du kitsch et de la douceur. « GF BF », titre sorti par le producteur indien Gurinder Seagal, accompagné par le duo de chanteurs all star Jacqueline Fernandez et Sooraj Pancholi, commence comme une baston pour tout de suite s’adoucir avec des accords de piano et déployer un déluge de sentiments et de sensualités. Le miel sent plus directement le sexe dans « Tu senora » de Tomasa del Real et Talisto, et l’espagnol convient parfaitement à cette ode à l’amour serré. Moins dans l’actualité sonore, la compilation des titres de la chanteuse chinoise Lily Chao m’a fait découvrir ce titre magnifique « Who Can Know My Hearth », à pleurer.
Think tank x Les Urbaines
Dans le cadres des 20 ans des Urbaines, Think Tank a eu le plaisir de collaborer à l’édition d’un livre regroupant textes et photos. C’était vraiment une super expérience de travailler sur un tel projet, qui se voulait à rebours de toute forme de nostalgie ou d’opération de comm', dans un esprit commun à Think Tank et aux Urbaines. Le résultat est juste hyper beau et cela m’a permis de mieux connaitre ce festival, son histoire et sa politique culturelle.
Séries x épisodes thématiques
Les séries restent le lieu d’expérimentation visuelle le plus libre. Rien de neuf mais cette année a de nouveau été marquée par des épisodes thématiques grandioses. La série génialement drôle BoJack Horseman s’est essayé à un épisode entièrement muet sous l’eau, tandis que Mr Robot a fait d’un des délires de son héros un pastiche de série des années 1990, aussi bien réalisé qu’angoissant. Dans les deux cas, ce sont de véritables coups de maitres.
Kakukicho Love Hotel de Ryuichi Hiroki (Black Movie)
Réalisé en 2014 et ne bénéficiant d’aucun circuit de distribution en-dehors de l’Asie, Black Movie déniche chaque année des films qui volent à 1000 km au-dessus de ce qu’on peut visionner en salles. Kabukicho Love Hotel en fait partie. L’action du film dure 24 heures et suit des protagonistes dont le destin est lié à l’hôtel Kabukicho vraisemblablement à Tokyo. Entre tensions soudaines, nostalgie intense, courses amoureuses et désillusions du lendemain, Ryuichi Hiroki réussit un coup de maître dans ce long métrage aux airs de vaudeville qui se conclut par une berceuse acoustique qui tire les larmes. Grandiose.
Radio Vinci Park de Théo Mercier (La Bâtie)
Théo Mercier présentait en septembre la performance Radio Vinci Park à La Bâtie de Genève. La « performance » fut surtout celle de son danseur fétiche, François Chaignaud, sublimement transformé en femme, qui se livre à une parade amoureuse avec un motard, ou plutôt sa bécane. La délectasse de la danse face à la bruyante moto sombre se met en scène devant nos yeux brillants et nos oreilles abasourdies.
Love (saison 1)
Véritable série de trentenaires sur la relation entre deux êtres à Los Angeles, Love s’articule autour de cette émotion étrange, celle qui vous submerge et qui vous berce, qui vous hante et vous fait faire n’importe quoi. Autour de ce thème universel, Jude Apatow, Paul Rust (Gus dans la série) et la scénariste new-yorkaise Lesley Arfin (épouse de Rust) ont créé une éblouissante saison de 10 épisodes avec ce format compact de 30 minutes par épisode qui sublime cette histoire simpliste et profonde, ridicule et grande, belle et triste.
Toni Erdmann de Maren Ade
Au top de tous les tops de fin d’année, Toni Erdmann mérite ce succès critique. Malheureusement passé sous silence à Cannes alors qu’enfin on aurait pu avoir une comédie primée, cette négligence de la part du jury est un nouveau coup d’arrêt pour ce genre si heureux. Ici la comédie joue sous tous les angles, entre méchanceté, moquerie, honte et tendresse. Comètes spéciales pour la séquence du bar où Toni apparaît dans son nouvel accoutrement, déclenchant ainsi la seconde partie du film.
Better Call Saul (saison 2)
On en a peu (re)parlé et sa présence n’apparaît dans aucun classement de séries de fin d’année. La raison se trouve peut-être dans la lente progression narrative de la série, où les personnes peinent à évoluer pour prendre le temps de se comprendre. Ce spin-off de Breaking Bad ne s’accélère pas (si ce n’est dans les deux derniers épisodes de la série avec cette fameuse scène chez l’imprimeur) et grandit petit à petit. Bob Odenkirk est toujours aussi empathique en attendant l’élément déclencheur de sa folie que le public pense déjà connaître.
Mystère de La Femme
La Femme s’est fait attendre. La Femme a présenté trois titres avant de sortir Mystère, son deuxième album. Ces trois titres représentent le parfait parcours de La Femme qui lie Psycho Tropical Berlin (leur premier LP) et Mystère : du génial Sphinx au tubesque Où va le monde, le groupe se dévoile en une avalanche pop acoustique qui apporte un vent d’air frais nécessaire à l’univers musical français. Merci pour ces chansons qui ne révolutionnent rien mais qui amènent beaucoup de plaisir. Des hommes apprécient.
South Park (saison 20)
La spécificité de la saison 20 de South Park est qu’elle possède des épisodes qui ne font pas rire. Etrangement, les scénaristes semblent vouloir se diriger dans un nouveau type de série (déjà intelligemment testé dans la saison précédente), où le rire fait place à la méchanceté et à l’horreur enveloppé dans la folie de l’histoire américaine. Nous suivons dans cette saison 20 les élections présidentielles américaines et les effets qu’elle présente sur nos protagonistes préférés, un Cartman sain et inoffensif qui fait écho aux fameux « M’emberries » gobés par les parents qui recherchent le plaisir du passé.
Five Easy Pieces de Milo Rau (La Bâtie)
A La Bâtie toujours, Milo Rau présentait son nouveau spectacle avec le génial Five Easy Pieces dans lequel nous retrouvons cinq exercices mettant en scène des enfants qui racontent et revivent, à leur façon, la tragédie de Marc Dutroux. La présence des enfants engagent inquiétude, mal-être mais aussi beaucoup de tendresse.
Ma Vie de Courgette de Claude Barras
Il y a le film - sa poésie, sa cruauté et son animation heureuse - et il y a le parcours. Il y a 10 ans, une boîte de production genevoise fait confiance à un réalisateur valaisan qui leur propose une adaptation pas si évidente que ça basée sur le roman de Gilles Paris. Au-delà du résultat, la vie du film en festival est jusqu’ici une réussite : Cannes, Annecy, Golden Globe, European Award pour arriver à la plus haute distinction dans le domaine : une pré-nomination aux Oscars. Si 2016 fut Courgette, 2017 sera peut-être la consécration. Réponse fin janvier.
Requin Chagrin de Requin Chagrin
Faisons un petit tour vers les découvertes 2016 frenchy car avec Requin Chagrin, l’Hexagone tient une belle surprise. Dans leur premier LP de 9 titres, on retrouve un étonnant mélange de Deerhunter et d’Indochine où les guitares avalent la voix et où l’écho marie le tout. Un peu comme si les frontières se tuaient, l’espace d’une respiration pop et de riffs bienvenus.
Myriam Ziehli, Hieroglyphs _la nef des fous, Standard Deluxe Lausanne |
Colin Pahlisch, correspondant littéraire
Décliner, c’est créer.
À la galerie Standard Deluxe s’est tenue une petite exposition qui mettait à l’honneur, il y a juste plus d’un mois, le travail de Myriam Ziehli. Au mur, des photographies égrenaient le parcours du visiteur et structuraient l’espace. Parfois c’étaient des détails de maîtres Renaissants ou d’idoles du dix-neuvième : jambes de Christ, procession de croyants, paysages de Lorrain. Parfois, c’étaient simplement un morceau de vie volé à un réel d’apparence banal, comme un badaud le ferait avec son téléphone. Au fur et à mesure, le regard décline, associe, rattache, recoupe, ravaude, compose. Et on se surprend à voir dans le déhanché d’un martyr, le mouvement gracieux d’un chien roulant dans l’herbe, dans l’ombre de lignes téléphoniques sur le sol d’un pâturage en été, les zébrures sanglantes griffant les mollets d’un Christ en Croix. D’une élégance et d’une délicatesse renversantes, le regard de Myriam Ziehli épingle et révèle l’un des traits définitoire de la sensibilité contemporaine. À l’heure du tout reproductible, de la capture instantanée d’un réel publiable à la seconde, l’esthétique change de priorité : accessible à tous, elle se fait choix avant d’être production, association plutôt que distinction. L’art appartient-il à tous ? demande Myriam avec finesse. Peut-être, mais pas le regard.
Comique de masques.
Maman, c’est quoi le théâtre ? Question insoluble, car trop vaste. On s’en tire par une pirouette, d’habitude, des grands mots, des pitreries. Deux artistes ont proposé de répondre, c’était en début d’année. Ça venait de Belgique, s’appelait la Trilogie comique (ou Trilogie sur le théâtre), à Kléber-Méleau. Le spectacle n’avait l’air de rien, un monologue entre réalité et rêve, un comédien parle de « son acteur »... et puis nous le montre. Malingre, craintif, à l’affût derrière le masque du jeu. Alors le monde se déchire, la réalité perd pieds, où est le conte, ou le compte-rendu ? Qu’est-ce qui est la scène, où, la salle ? Au fil d’une longue quête drôle, tendre et lyrique, personne n’a eu la réponse. Trop vaste, encore, la question. Mais, à la sortie, on est sûr d’une chose. L’enfant qui demandait n’a pas disparu, on lui a donné de nouvelles forces.
Micro – macro
Eugen Gabritchevsky est le nom d’un biologiste russe de génie que la compétitivité inhérente au monde de la recherche académique a rendu fou, dans les années vingt. Il a passé plus de cinquante ans en asile psychiatrique. Gabritchevsky, c’est alors le nom d’un auteur d’Art Brut, à l’orgine d’une œuvre immense qui fouille les entrailles du visible pour en retirer, entomologiste mystique, les linéaments spirituels. À quoi ressemble un médecin, sous un microscope ? Quel insecte se cache dans cette tache d’encre, où quel être humain ? Ouverte récemment, la nouvelle exposition de Lausanne (à la Collection, évidemment) présente les travaux du génial scientifique. On découvre chaque dessin, à la façon d’une espèce rare. Et ce faisant, c’est notre œil qui s’éduque, notre certitude qui s’étiole. Décalez ! Scrutez ! Explorez... semble dire Gabritchevsky. Un mot d’ordre pour l’année à venir.
Disparition(s)
On l’a beaucoup dit, et jusqu’au type dans cette vidéo humoristique partagée sur internet, avec son chapeau melon et son accent anglais. La Faucheuse n’a pas chômé dans le monde de l’art et des lettres et des sciences en 2016. Mais tous les disparus ne finissent pas absents. Leurs présences restent, fantomatiques et inspirantes, comme le père de Hamlet parti injustement, trop tôt arraché au sol des vivants pour l’éther paisible. C’est la mémoire des restés qui fait barrière, et loi. À eux, les regrets, les doutes, les hommages, à la fin. À nous, en somme, de continuer à converser à travers les âges et les dimensions. Qu’en dirait-il, de ce dessin, de ce texte, de ce morceau ? Me gratifierait-il d’une critique, d’un rire, d’une bourrade dans le dos ? Ainsi, pour 2016, aussi. Se souvenir, et rappeler la valeur d’un titre de Bowie, d’un croquis génial de Mix et Remix.
WestWorld et consors : prégnance de la SF
Que veut dire le mot contemporain ? Peut-on jamais vivre dans son temps ? Selon Agamben, dans un court opus paru cette année encore (Qu’est-ce que le contemporain ?) cela signifie être attentif à l’obscurité du monde qui nous entoure, et qui n’est, d’un point de vue cosmologique, qu’une façon de percevoir cette lumière qui ne cesse de tenter de nous parvenir, depuis le futur, les galaxies lointaines, pour nourrir le présent. Être contemporain, c’est être en décalage, c’est orienter son regard différemment pour acquérir de l’expérience et travailler une vision critique. Parmi d’autres techniques de l’art, la science-fiction procède comme ceci, en distanciant le regard, en construisant un monde autre pour mieux interroger le nôtre propre. Cette technique a essaimé durant 2016, au travers de textes et de séries, des intrigantes Affinités de l’Américain Wilson, au troublant WestWorld, sur HBO. Gageons que, dans l’année qui s’amorce, la SF sortira de son carcan « para » (pour « paralittérature ») et saura gagner les esprits vifs, conquerra plus loin, et à juste titre, une nouvelle noblesse. « Attention à la SF » dirait Citton. Exemple à suivre...
À Helen Marten le prix de l'élégance
Pour celles et ceux qui, le plus souvent, ne voient se refléter que les artefacts de Jeff Koons ou de Damien Hirst dans les mots «art contemporain» ou pour les autres qui avouent ne rien y comprendre, le travail de Helen Marten pourrait agir comme un repoussoir efficace. Et pourtant, c'est justement peut-être dans cette poésie concrète fait d'assemblages abstraits et d'une plastique exigeante qu'il faut trouver le sens de tout ce barnum mondialisé. Mieux: en partageant ses prix du Hepworth Prize for Sculpture et du Turner Prize avec les autres nominés, la jeune artiste britannique a joint la classe à l'intelligence : «Je ne me sens pas obligé de politiser ce geste». Respect.
À Basile Mookherjee le livre à posséder
Nous avions eu la chance de publier une des images de Basile à l'occasion d'un des épisode d'A Mort la World Music (Euphorie populaire) en 2014. Deux ans plus tard sort l'ouvrage «Fully Fueled» issu du même projet débuté en 2012: une plongée de 172 pages dans les nuits des jeunes Emiratis, entre Fête nationale des Emirats Arabes Unis et errance dorée dans les rues de Dubaï et d'Abu Dhabi. Une jeunesse vêtue de dishdasha (pour les hommes) et d'abaya (pour les femmes) presque toujours photographiée à travers le pare-brise ou quand les vitres teintées sont baissées avec, en filigrane, cette ambiguïté des rapports symboliques entre l'Orient et l'Occident. Un nouveau joyau aux éditions zurichoises Patrick Frey.
À Frank Ocean le disque de l'année
On s'était fort bien senti avec Channel Orange, le premier disque de Frank Ocean, en cet été 2012. L'ex-membre d'Odd Future avait placé la barre tellement haut qu'on craignait pourtant une dérive pop. Il aura fallu attendre 2 + 2 ans (une première annonce de sortie fut faite en 2014) pour que la suite vienne confirmer un potentiel artistique énorme. Ou plutôt 2 + 2 ans + 2 jours, avec la parution du LP Endless uniquement sur le web, 48 heures avant le combo Blonde (le disque) et Boys don’t cry (le magazine). Vous n'y comprenez rien? Laissez-vous alors flotter par les limbes R&B, les itérations et les quelques merveilles mélodiques disséminées dans Blonde. Vous pourrez également mettre "Seigfried" en loop-play.
À Thomas Bayrle l'exposition surprise
Dans la fournaise–hivernale–du blafard Design District de Miami, l'Institute of Contemporary Art (ICA) nous extirpe de notre torpeur le temps d'une visite de "One Day on Success Street", la première exposition d'envergure de l'artiste allemand, pionnier de l’art Pop, sériel, et des nouveaux médias. L'exposition retrace 50 ans d'étude sur l'impact profondément complexe de la technologie sur l'homme et son environnement. La gamme de médiums utilisée est large, mais ce sont les peintures et les collages qui frappent et qui donnent toute son envergure aux répétitions des motifs de villes modernes, de sillons autoroutiers et des vagues de piétons. Toujours captifs dans ses interminables réseaux, les humains–minuscules–et les figures populaires–immenses–se démènent silencieusement dans un monde saturé par les médias. Laissez-vous happer par la grille.
À Peter Sagan le doublé, et le reste
Cette fois c'est clair, vous n'aurez pas pu passer à côté du miracle slovaque. Ultime rempart contre un sport certes devenu global mais qui lutte malheureusement contre son aseptisation (des courses toujours plus cadenassées et millimétrées), se cherche une véritable direction (la guerre sans merci entre l'Union cycliste internationale et les grands organisateurs–privés–de courses tels ASO ou Flanders Classics, la réduction du nombre d'équipes ou de coureurs) et tergiverse face aux innovation (l'oreillette, les freins à disque, et tout le reste), Sagan réunit tout le monde dans un feu d'artifice qui dura presque 6 mois (le Tour des Flandres, le Tour de France, le Mondial, etc.). L'équation est simple: tactique+décontraction+coup de force. Motifs d'espérances: dans son sillon, d'autres prétendants passionnants comme Romain Bardet, Greg Van Avermaet ou les Colombiens Jarlinson Pantano et Esteban Chaves. Et bonus pour 2017: le grand retour des routes non goudronnées.
À Carmen Herrera et Agnes Martin New York
«Une artiste de 101 ans (qui) finit par obtenir son dû» au Whitney Museum of American Art et «la joie de lire entre les lignes» au Solomon R. Guggenheim Museum. New York s'offrait cet hiver à deux femmes prodigieuses, figures majeures de l'abstraction, au destin qui semble s'entrecroiser et à la carrière fortement sous-estimées. Au coeur de l'exposition de Carmen Herrera (encore en activité!), la série Blanco y Verde (1959 – 1971), qui conceptualise les peintures de cette native de Cuba comme des objets, «utilisant la structure physique de la toile comme un outil de composition et intégrant des éléments aux alentours». Au centre de celle de la Canadienne Agnes Martin, le mythique bâtiment cylindrique de Frank Lloyd Wright, qui donne tout son sens à l'expérience de lecture de ses tableaux de format carré au motif incontournable: la grille (encore elle!), complète ou incomplète. La jeune génération n'a qu'à bien se tenir.