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09 juin 2014

Speaches: Mai 2014

Illustration: Johanne Roten


Seconde édition du Speaches nouvelle formule, recensement mensuel des hauts faits culturels (sur)vécus par les rédacteurs de Think Tank, entre deux épreuves sonores (le Kilbi et Hautes Fréquences), sessions de visionnages et autres voyages exotiques. De Hong Kong à Bex, du monstre (Godzilla) au… monstre (Gérard), de la disco 70s aux bizarreries contemporaines de Al Qadiri  du jeu de dupes artistique aux élections européennes, le joli mois de mai 2014 condensé en 12 mini-chroniques.

LA CREME DU MOIS
Julien Gremaud: Silver Apples à Hong Kong
L'artiste local Nadim Abbas explore les espaces psychologiques et n'hésite pas à parler de bunkers, de guerre et de technologie là où la plupart des artistes pensent grands formats et inscription conceptuelle. Avec Apocalypse Postponed, la marque de vodka Absolut met à disposition un étage en friche dans un des 2500 buildings de la mégalopole asiatique au profit d'un bar / zone de conflit. Bonne idée, Abbas y invita Simeon Coxe III pour un concert du groupe pionnier de l'électronique Silver Apples. Une cinquième décade d'activité psychédélique  devant un parterre métissé de spectacteurs, une paille dans le Bloody Mary.

Maxime Morisod: Depardieu dans SoFilm
Le dernier numéro de SoFilm a décidé d'honorer le plus grand acteur français du cinéma où l'on découvre ses histoires cachées avec Dewaere, sa relation avec Maurice Pialat, ses escapades avec Pierre Richard et ses discours amour-haine envers Godard. Le mensuel s'est rendu dans le quartier parisien de Gégé à la rue du Cherche-Midi pour rencontrer son ami poissonnier, son coiffeur et ses restaurants. L'interview inaugurale du numéro dévoile un Gérard qui mélange Poutine, histoire de bite et littérature. On se marre.

Pierre Raboud: ASIATISCH de Fatima Al Qadiri
Même si ce premier vrai album de la talentueuse Fatima Al Qadiri claque moins tout en répétant un peu ses premiers EP, ASIATISCH reste au-dessus du lot en termes d’intelligence musicale. En l’écoutant, on perçoit dans un même élan la qualité de composition et ce qu’il faut bien nommer une réflexion sur la musique et le monde contemporain (elle organise d'ailleurs ce mois à Londres un showcase nommé "Marxist Chillwave"). A nouveau, l’exercice de style, ici l’Asie et son poids dans la pop, débouche autant sur la grâce ("Shanzai"), la bizarrerie ("Loading Bejing") que des titres de l’année ("Dragon Tatoo"), le plus souvent les trois à la fois.

Colin Pahlisch: L'exposition "Fool for April"
C'était l'exposition du printemps, et elle vient de se terminer. Le Collectif veveysan RATS a investi une fois de plus le lieu mythique du grand Café des Mouettes, avec une exposition tout en explosion et en couleur. Partial ? Peut-être. Convaincu ? Surtout.

LE PETIT LAIT DU MOIS
Julien Gremaud: Bex & Arts
On garde notre jugement en suspens, mais une première visite frustrante et de fortes craintes ressenties ont dores et déjà été confirmées par d'autres. Alors que nous nous enthousiasmions en 2011 de la triennale vaudoise d'art en plein air, édition appelée "Territoires" qui « (éclatait) cette bulle critique » de rigueur dans les espaces d'arts traditionnels, "Émergences" semble ne pas (plus?) y arriver. Des revenants, mais aussi beaucoup d'artistes reconnus et en pleine actualité. Trop de noms au détriment de la subtilité? Cela méritera une nouvelle visite une fois les chaleurs passées.

Maxime Morisod: Godzilla (Gareth Edwards)
S'inscrit parfaitement dans le mode "petit lait", Godar... pardon, Godzilla, le nouveau blockbuster US, impressionne par ses scènes de monstres géants qui se cassent la gueule ensemble. C'est sympa, on rigole bien, mais encore une fois, Hollywood n'arrive plus à allier "monstre" et "scénario", ou plutôt "mise en scène", "discours" et "message". Tout ce qu'avait réussi à faire The Host en 2006. Un film coréen donc, à voir de toute urgence

Pierre Raboud: Les européennes
Il y a aucun film ou album qui m’a laissé un mauvais gout dans la bouche comparable aux derniers résultats des européennes avec des listes europhobes, identitaires et anti-immigration à plus de 20% dans plusieurs pays.

Colin Pahlisch: Manon Bellet au Musée Jenisch de Vevey
Elle y était depuis longtemps, il a fallu aller la voir, Manon Bellet à Vevey... l'onde d'une ombre, ou l'onde d'une onde, d'une ombre, d'un fantôme...? À force de jouer sur le presque rien il en reste plus grand chose, et c'est peut-être justement le problème ici. Bien que touchante, tout en subtilité et en transparence, l'exposition peine à décoller et stagne dans les brumes de l'entre-deux esthétique. Dommage.


LE PAIN SURPRISE DU MOIS 
Julien Gremaud: Cartsten Nicolai, Alpha Pulse à Hong Kong
L'artiste originaire de Karl-Marx-Stadt en ex RDA (désormais Chemnitz) aime (se) rappeler que la musique électronique n'a pas de secret pour lui. Pas de Alva Noto au platines cette fois-ci, mais bien le plasticien aux commandes d'une installation XXL, son mix résolument techno réagissant avec une série de panneaux de LED installés sur un pier et, en face, les presque 500 mètres du gratte-ciel  International Commerce Centre. Hormis l'applications pas franchement convaincante, un jetlag spatio-temporel dans la moiteur et la brume de la baie.

Maxime Morisod: P'tit Quinquin de Bruno Dumont
Un mélange entre Bienvenue chez les Ch'tis et Twin Peaks, Bruno Dumont se lance dans la série avec P'tit Quiquin, une histoire de meurtre qui se passe dans le nord de la France. Présenté au Festival de Cannes, les premières critiques sont enthousiastes pour celui qui a réalisé des films à  part entière dans le paysage cinématographique français (Hors Satan, Camille Claudel 1915). Le trailer fait méchamment saliver.

Pierre Raboud: Too Slow To Disco
Un peu l’équivalent musical de mon choix du mois dernier (le film American Huslte) : tout en paillette et palmiers, la compile Too Slow To Disco réunit 19 titres pop de la fin des années 70 de disco sur laquelle on pourrait presque danser. La plupart des titres viennent d’artistes peu connus (à l’exception de Fleetwood Mac et Chicago) et viennent donner à entendre un son à forte identité : sensuel, doux, luxuriant. Près de 40 ans après, même sans yacht, cela reste parfait pour siroter au soleil.

Colin Pahlisch: Norbert Elias, "L'Utopie"
Une lecture, pour terminer ce classement, celle d'un volume qui vient tout juste de sortir (ou de re-sortir), c'est intitulé "L'utopie" aux éditions "La Découverte", et c'est de l'ami Norbert Elias, bien connu pour sa "Dynamique de l'Occident". Surprise ? oui, parce que là ou on attendait un livre académique, un texte barbant, on trouve une brèche, lumineuse et franche, ouverte par un théoricien qui, bien que passé de l'autre côté, n'en a pas fini de nous étonner.