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20 octobre 2012

TT Speaches: rentrée 2012

Illustration: Guillaume Dénervaud
Retour à la normale pour l'article mensuel de recensement, Speaches, après avoir relâché la pression éditoriale cet été. "Summertime: 3 x 3 albums pour l'été" proposait du R'N'B de qualité avec Cooly G et Frank Ocean, du lo-fi scintilant (John Maus), de l'historique (CAN) et d'éventuelles soirées torrides avec Com Truise ou "This Ain't Chicago". En automne, c'est différent, ambiance de crise sur des morceaux en mode mineur, “émotionnellement ambigus"; le zouk à l'envers, l'expérimental gaillard et la pop syncopée s'érigeront en ultime rempart du consensus.

Julien: La revue Psychology Of Aesthetics, Creativity And The Arts affirme en effet, dans une étude récente sur la pop music occidentale, que cette dernière ralenti son tempo au fil des décennies. Et revendique sa sophistication, moins naïve, moins juvénile. C'est un fait. Mais au fil de ce Speaches, nous pourrons relever d'autres observations avérées, entre les productions de plus en plus barrées, la frontière sensible entre musique de masse et alternative se rétrécissant sciemment, et, ce qui nous ravira, une nouvelle génération qui a délibérément cessé de regarder dans le rétroviseur - forcément, il faut toujours faire l'inverse de ses aînés. Ainsi, on fête les 10 ans officiels de la vague en "The" ou "New-Rock" avec quelques albums séminaux (UP THE BRACKET des Libertines, tout de même, entre autres), et tellement de formations et de managers opportunistes, pour un mouvement n'ayant au final pas grand chose pour lui, surtout pas le nom. THIS IS HARDCORE avait tiré un trait définitif sur la Brit Pop des 90's; XX du groupe éponyme londonien, fit de même 10 ans plus tard avec ses semblables. A priori, je n'y croyais pas tellement. Dépouillement total pour un R&B minimal ou un Velvet Underground contemporain? Le temps a apporté ses réponses, avec l'activisme du faiseur de son des xx, Jamie Smith (remix du dernier album de feu Gil Scott Heron et de divas pop, EP personnel, DJs sets). Empreinte sensée dans le paysage actuel de la musique occidentale. Et premier album one-shot quasi-irréprochable, surtout non criticable quant aux intentions, ce qui est assez rare pour des jeunes gens. La suite, COEXIST, sortie mi-octobre, donnait des grands espoirs avec le premier morceau s'en échappant, "Chained". Raphaël, je sais que tu trouves à redire sur ce LP assez inégal, pas forcément décevant, mais certainement moins décisif.

 


Raphaël: C'est vrai. Méfiant à l'époque de la sortie du premier album, je m'étais finalement laissé séduire par cette étrange et finalement assez fascinante morphologie pop. Sans attentes. J'ai malgré tout suivi l'évolution assez fulgurante de Jamie XX qui, sans pour autant me convaincre entièrement, a renforcé ce qui m'a semblé confirmé par COEXIST: Jamie Smith porte à lui tout seul le projet. A l'exception de son travail rythmique, on retrouve ici basiquement la même formule, mais sans magie du premier jet. C'est alors que sensualité lascive et nostalgie adolescente deviennent fadeur. On pouvait s'en douter dès le début, mais le seul talent d'un beatmaker ne suffit pas à réveiller la passion. Ca n'était donc qu'un flirt. Qu'en penses-tu, Julien?



Julien: COEXIST n'est pas une déception mais il ne en effet possède pas la même aura que son prédécesseur, en se décloisonnant, rendant perméables ses constructions aussi énigmatiques qu'inflexibles, réaffirmant la culture club sous-tendant le projet musical xx. La méthode reste la même, en apparence, avec, peut-être, moins d'emphase et, dans tous les cas, une séparation nette avec l'indie-pop, catégorie fourre-tout. On sent le trio plus lucide et plus sûr de son fait – surtout au chant – jouant de ses propres gimmicks ("Tide" ou "Reunion"), retenant des envolées lyriques au profit de beats fringants ("Swept Away") ou alors dégageant toute voie d'accès aux machines pour laisser Romy Madley Croft et Oliver Sim avancer conjointement en duo vocal évasif mais assuré ("Angels", "Our Song", "Try"), sur une mesure impassible ou poussive en certains cas. The xx fonctionne  sur le fil, comprenant parfaitement ce qu'on peut faire sur la durée d'un album, pensant les morceaux en série plutôt qu'en assemblages hétéroclites; reste une excitation moindre, malgré les deux excellents titres "Chained" et surtout "Fiction", sensuels et adéquats, et un sentiment de torpeur vécu sur le premier LP quasi inexistant ici. COEXIST n'est pas un disque raté, il demeure brillant, excessivement cool et contemporain certes, mais splendidement arrangé. Et d'annoncer justement Jamie Smith comme probable beat maker le plus influent de la décennie parmi d'autres candidats de haut-vol (Flying Lotus notamment, nous en reparlerons plus loin). On reste dans le cool:



Pierre: Think Tank en fera l’after au Romandie, le 17 novembre prochain. Néanmoins, pas sûr d’être convaincu par cette formation qui pille la musique hantée (voix ralenties, basses lo-fi). Pas que je sois contre le pillage. L’important c’est ce que l’on en fait. Purity Ring gâche le métier en restant à un niveau de soupe pop indé dans tous ses travers : chansons efficaces mais sans véritable mélodie, album peuplé de titres très similaires. Il y a quelque chose de vraiment terrifiant à se trouver face à une musique mielleuse et sans relief et y entendre des copies de Salem ou de The Knife. Les quelques titres efficaces ("Ungirthed") ne pardonneront ce gaspillage.



Julien: Tout mouvement se caricature une fois qu'il se voit être légitimé, ses barrières pénétrables et le numerus clausus inexistant. Néanmoins, la musique hantée possède encore de beaux arguments, novateurs ou, au moins, captivants, avec les deux formations Holy Other et How to Dress Well dont Pierre nous parlera en article séparé d'ici la fin du mois. J'en profite juste pour relever que la seconde vient de livrer un LP – TOTAL LOSS – définitif, moderne et galant. Sorti de Tri Angle, Tom Krell cite encore plus le son chaud d'outre-Atlantique, entre R&B traditionnelles (Stax) et récents (Frank Ocean). Il me rappelle en certains points les productions de Teddy Riley, vu comme fondateur du R&B moderne (affilié à Interscope), notamment celles pour l'album DANGEROUS (1992) de Michael Jackson ("In the Closet", "Remember the Time"), les pads électroniques, les claquements de doigts, le fameux gimmick jacksionnien (un souffle, un soupir ou une plainte, suivant les interprétations). On pourrait associer à Tom Krell d'autres actes musicaux sur cet album de gringue chic, ici aussi trendy et "émotionnellement ambigu". Honnêtement, que la musique ralentisse, on n'y voit pas de péril.





Raphaël: J'en profite pour parler une fois encore d'une sortie de la maison Tri Angle, que l'on retrouve inlassablement dans les colonnes Think Tank. Il ne s'agit pas d'un statement, mais chaque sortie semble pousser encore plus loin le parcours presque sans-faute d'un label au sens originel du terme. Alors on s'incline. ORDER OF NOISE, premier album faussement pompeux du Bristolien Vessel, s'impose sans aucun doute comme un essentiel de cette rentrée, voire de cette année 2012. A l'instar de l'excellent RIP d'Actress paru un peu plus tôt, ORDER OF NOISE est symptomatique d'une génération d'artistes puisant allègrement dans les codes de l'électronique pour finalement délivrer le genre de morceaux que je te défie de passer dans une fête. Plus que de morceaux, il s'agit d'un album dense dont l'apparente brutalité n'a d'égal que la précision chirurgicale qu'elle dissimule. Esquisses hantées, dub caverneux, post-AFX processionnel ou dance indansable cohabitent dans cette brumeuse célébration à la dévotion tout ce qu'il y a de plus païenne. Sans crescendo apparent ni d'autres artifices que sa sensualité glaciale, jamais poussif, ORDER OF NOISE se révèle à chaque instant d'une beauté effarante. Grand.



Julien: Sur ta recommandation, j'ai acquis le disque et l'ai directement placé entre Jan Jelinek, Deadbeat, Andrew Peckler et même Nathan Fake (les synthés de "Image of Bodies"!). Un jour, nous ferons danser les gens sur cette électronica sépulcrale, promis. On y passerait aussi, sans doute, le tube dépouillé d'Andy Stott, "Numb" ou "Waxman And The Sunchild" de The Mole (nouvel EP, IF I HAD A NICKEL, aux deux titres essentiels, l'un 80's – "I Twist Your Turn" – et la House old school "If I Had A Nickel". Ensuite, pour reloger de la chaleur dans les corps, "Getting There (feat. Niki Randa)" de Flying Lotus serait légitime. Et rendrait hommage à l'un des artistes électro le plus influent de ces dix dernières années, sans exagération. UNTIL THE QUIET COME est seulement le quatrième album de ce descendant des Coltrane, et succède à l'unanimement salué COSMOGRAMMA. Moi qui aime davantage quand ça swingue que quand ça breake, je vous raconterai d'ici la fin du mois en quoi cet album est honorable. En attendant, je l'accroche comme "disque de la rentrée".





Raphaël:
Un autre potentiel disque de la rentrée avec Lukid, ovni toujours présent mais rarement mis en avant. Pour un quatrième album sur Werk Discs (le label d'Actress, tout de même), des accointances avec Ninja Tune, on peut bien s'étonner que Lukid n'ait pas pris une place prépondérante dans la galaxie électronique. Plutôt que d'essayer de comprendre pourquoi ça n'est pas le cas, essayons de comprendre pourquoi ça devrait l'être. L'observation de sa carrière a quelque chose de finalement réjouissant : chacun de ses albums est meilleur que le précédent. L'évolution de ses productions, depuis ses débuts lorgnant vers hip hop et broken beat, jusqu'à cette indéniable réussite qu'est LONELY AT THE TOP, le prouve. En plein trip simili-house syncopée et ouateuse, ce disque bien perché est sans doute l'objet l'un des plus étranges que la scène actuelle ait à offrir. Entre absence de formes et fausses évolutions, il conserve, du premier au dernier morceau, une fabuleuse intensité. A nouveau, on se retrouve bien loin du clubbing et plus près du dimanche hagard d'après-soirée. Les rythmiques roulent, les kicks se font évanescents et jamais une longueur n'est trop longue. A la fois boiteuse et magnifique, la musique de Luke Blair est un piège tendu, sous ses airs simples.

Lukid ne semble pas avoir pour ambition de faire suer les oiseaux de nuit, ni de se retrouver remixé par le gotha l'électronique. Plus simplement, il marque une carrière de discrétion par un album d'une beauté rugueuse, sans grandiloquence aucune. Lukid s'en branle, probablement. Sa musique continue à me faire chialer et lui continue de parler de joueurs de foot et de chiens à chaque fois qu'il en a l'occasion.


Julien: Lukid me fait penser par moment à certaines productions de Shed (notamment "The Bot"), signé chez les berlinois d'Ostgut Ton, et aussi, pour coller l'actualité, à l'Ecossais Dam Mantle (nouveau titre, "Canterbury Pt.1") que l'on retrouvera dans le cadres de huit ans du label Creaked Records – et aussi un proche du label est-lémanique Rowboat Records. Dans tous les cas, il regroupe des titres aussi inmixables que ceux de Vessel, te fuyant entre les mains, trop rond quand il devrait kicker, trop glacial quand il devrait soulever le public ("Riquelme"). Dans tous les cas un grand disque de solitude. A l'inverse, on hésitera devant le nouveau projet House de Dan Snaith (Caribou), Daphni, signé sur son propre label, au nom identique que l'album: JIAOLONG. "Yes I Know" introduit le propos a priori enjoué, samplant à tout-va, entre tech-house donc et simulacres 80's. Oui, Snaith "took the plunge", le succès du multi-remixé "Sun" aidant à la décision, peut-être, démontrant le potentiel possible du gaillard, sans doute. Au final, on est plus convaincu par du teigneux ("Ahora") que par les tentatives un peu clubbesque sur fond d'IDM. C'est assez peu cohérent, et par moment indigne des deux autres projets précédents – Manitoba à l'époque et Caribou, qu'on espère retrouver rapidement. Dans ce glissement électronique, on retient tout de même "Ne Noya" de Cos-Ber-Zam (d'Analog Africa) en version parfaitement putassière. Allez, ça on passe en soirée.

 


Pierre: Dan Deacon, malgré sa barbe un peu trop jovial et son côté G.O., reste musicalement quelqu’un dont l’indépendance et la singularité nous inspire beaucoup de respect et d’admiration. Avec son nouvel album, AMERICA, il parvient à incarner au niveau sonore le mythe même de son album. Partant de presque rien, de quelques bouts de ficelle, d’instruments bricolés, de boucles rafistolée, il parvient à atteindre la grandeur. Sans sortir de son style électro habituel, Dan Deacon possède une sincérité qui lui permet d’exprimer aussi bien l’excitation ("Lots") que l’émerveillement ("Prettyboy"). Cette fois, il pousse l’audace jusqu’à se prendre au sérieux sur un quadriptyque mêlant le tout grand n’importe quoi à la plus exquise qualité. En toute simplicité, un modèle d’indépendance à une époque où ce concept est de plus en plus dévoyé.



Julien: Des qualités comparables à Flying Lotus. Ou à Animal Collective, dans une certaine mesure. Pierre, tu l'annonces disque du mois, enfin, de la rentrée. Si l'on en reste à MERRIWEATHER POST PAVILLION grand disque d'espaces extravagants et le EP lui succédant, l'intime quoique toujours déraisonné FALL BE KIND, tous deux parus en 2009, CENTIPED HZ décevra: le grandiloquent demeure, mais il faut le lire la tête à l'envers, passer entre les obstacles abstraits, les partitions rayées et les boucles bizarres. Il semble qu'à chaque nouvel album Animal Collective ajoute un style musical à ses partitions idéales, hymnes d'un sport qui n'existe pas encore, chansons à double fonctions (de chant, de danse) pour autant de réceptions possibles (tant exigeantes qu'excessivement pop); sous de multiples couches se lit en effet une piste extrêmement proche du R&B ("Rosie Oh", tellement lyrique, "Father Time" et surtout le dégoulinant "Mercury Man"). CENTIPED HZ est un disque de transe, proche de STRAWBERRY JAM, fastidieux, à l'ouverture ("Moonjock") presque dissuadante, aux attaques perçantes et incessantes, aux référents fantasques et quasi antinomiques (Genesis rôde,  le RZA période Wu-Tang, le genre glitch aussi), parfois opaque et pourtant lisible de bout en bout. Animal Collective ne s'amuse pas, il aurait pu devenir le Radiohead nouvelle génération, il consolide sa position en y rajoutant encore des couches. C'est un peu ce drôle de paradoxe du quatuor que tout le monde comprend  (on le nomme même groupe cool tout en le détestant aussi): peu nombreux sont cependant ceux qui réussiraient (ou oseraient plutôt) rentrer dans l'expérience et livrer de telles pièces. Certains ont parlé de "zouk à l'envers". J'aime bien le terme.


Pierre: C’est l’automne. Il pleut et fait froid. Quoi de mieux que de fumer nerveusement en écoutant du post-punk irlandais. Le label Finder Keepers simplifie la tâche en sortant, STRANGE PASSION, où il n'y a surtout pas du U2. S’étalant entre 1980 et 1983, tous les enregistrement ont en commun une même rage froide et métalique. Les musiciens de l’île font se lever les océans pour rejoindre le monde de l’avant-guarde musicale. Cela passe parfois par des guitares post-punk ("Just Friends" de Dogmatic Friends), de la no-wave (Threat), de la grande new wave féminine (Choice) ou des trucs plus barrés indus avec Tripper Humane et PH. Que des formations inconnues pour des titres magnifiques pour envoyer tout faire foutre avec grâce. Y a même un groupe qui s’appelle SM Corporation qui m’a ému.





Pierre: Pour ceux qui adorent Peaking Lights, voici un déjà un rejeton de qualité : Group Rhoda. En solo plutôt qu’en duo, on retrouve la même intelligence dans les boucles et les influences. Une sorte de musique électronique ré-instrumentalisée via l’usage de sample d’instruments non-électroniques, des claviers assez clairs pour une production qui s’approprie le lo-fi du post-punk. Au coeur du EP, OUT OF TIME – OUT OF TOUCH, on trouve une suite de trois titres parfaits : "Hi Rise", son gros dub enfumé et ses basses des tropiques ; "Work", son martèlement et sa voix qui monte crescendo ; "At the Dark", ses mélopées et sa grandeur assumée.



Julien: On reste dans les envies de grandeurs et autres prétentions ici à moitié voire aucunement atteintes. Cat Power, hum, bon, on connaît le(s) problème (s), les fans, les égarements, et les hauts-faits. Sinon, SUN promet une demoiselle Marshall en grande forme; "Cherokee", ultra-indé, et le vaguement rétro "Sun" suivent l'annonce. Pas vraiment d'effet post-annonce. "Human Being", maussade comme il faut, et "Ruin" sauve ce disque, justement, de la ruine (je m'excuse), Cat Power FM oui oui. A l'inverse, on s'est pris d'adoration pour THE SCARLETT BEAST O'SEVEN HEADS de l'Allemand Get Well Soon. Instantanément, peut-être un peu trop. Vu en concert dernièrement pour défendre ledit LP, on revoit notre jugement devant cette formation pêchant par excès conservateurs, par prétentions digne d'Arcade Fire et par un certain manque, de fait, d'originalité. L'album n'est de loin pas mauvais, avec des morceaux de grande envergure quand ils dévient sur le glam (le coup de tonnerre proto-gay "Roland I Feel You" et l'impeccable "The Kids Today"), même si leurs plagiats canadiens et de tout ce qu'adore Pitchfork ("The Last Days of Rome", "Courage, Tiger!") pourraient les mener droit au tribunal, du moins desservir des intentions plus qu'honnêtes.



Julien: Je ne lâche pas l'affaire avec d'autres postulants vus parfois comme d'affreux pédants en velours côtelé. Grizzly Bear, que 97, 5 % des pointeurs musicaux et critiques sérieux chérissent dans des écrits exaltés, traînent aussi des casseroles dans les quartiers des sceptiques. A l'instar de Beach House, le quatuor de Brooklyn possède les défauts de leurs qualités: luxuriante, bien ficelée, leur folk précieuse (et sérieuse) devrait cesser de se risquer à la consécration lyrique et au plaisir du geste. VECKATIMEST (2009) avait de retenue et d'incisif ce que SHIELDS a de célérité et d'emphase bien américaine. C'est la rentré, on y met la grosse sauce. Grizzly Bear semble s'être engrossé – c'est le risque pour ce genre de formations ultra-douée et plus qu'encensée – et cherche un tragique qui lui allait si bien jadis. "Gun Shy" est un grand morceau pop – rappelant "Melody Day" de Caribou (bien vu Gaspard Turin!) – certes, tout comme le final "Sun in Your Eyes" un sommet du groupe (encore bien vu Gaspard Turin!). Est-ce que cela suffit pour pouvoir comparer le cotonneux et assuré SHIELDS à son prédécesseur, fin et toujours d'époque?  Tame Impala, groupe aussi cool que Grizzly Bear, tente lui aussi de survivre à son dernier LP (et dans son cas, premier), INNERSPEAKER. Notre chroniqueur cinématographique Maxime s'épanchera prochainement sur le traité loner du groupe australien. LONERISM (quel nom! quel programme!) possède dans tous les cas les bonnes influences (l'arrivée de sons électroniques dans ce régal psyché), les morceaux définitifs ("Apocalypse Dream", "Feels Like We Only Go Backwards") et d'extase scénique promise ("Why Won't They Talk To Me?"). Sans émettre de jugement hâtif – le disque est encore récent – Tame Impala réussit à surprendre dans un style presque aussi vieux que nos parents, avec des "cadavres exquis" plus que gonflés.





Julien: Ce Speaches de "compromis de la rentrée" se fait plaisir pour terminer avec deux belles sorties. De Stereolab, Laetitia Sadier ne sort que son deuxième album personnel, après avoir œuvré presque deux décennies pour cette formation aux ventes inversement proportionnelles à son aura. SILENCIO démontre l'étendue du talent de la Française, avec des lignes directes tendues entre les deux continents musicaux. Bien entendu, c'est "Find Me the Pulse of the Universe" qu'on préfère, parfaite pop song mélancolique, même si le fantasque "Moi Sans Zach" replace brillamment la langue française dans cette longue chronique. Autour de l'album se déploie le concept du silence, avec des pièces vaporeuses semées tout au long du LP ("Silent Spot", "Lightning Thunderbolt"), et un final sous forme de workshop. "Invitation au silence", comme une résonance sourde aux morceaux grandiloquents d'artistes sus-nommés. Aussi comme une purification auditive avant de boucler avec THE BOOMBOX DIARIES VOL. 1 (EP) de la vive Nitty Scott, MC, franc et brûlant. Une ouverture triomphale, plein de gouaille et dans une sorte d'antithèse d'une Nicky Minaj. De quoi toutefois la placer dans les artistes Hip Hop à suivre de près pour l'avenir d'un genre actuellement dominé par des kids sous codéine. Les grands morceaux ne sont pas encore là, l'écriture devant encore s'affiner, mais on relèvera les classieux "Planes, Trains and Automobiles" et "Flower Child (Feat. Kendrick Lamar)", frappeurs mais réguliers dans le geste. 


Disque du mois
Pierre: Animal Collective, CENTIPED HZ
Raphaël: Vessel, ORDER OF NOISE
               Lukid, LONELY AT THE TOP
Julien: Flying Lotus, UNTIL THE QUIET COME
            Nitty Scott, MC, THE BOOMBOX DIARIES VOL. 1

Singles du mois 
Pierre: Flume, "Insane"
            Zsa Zsa, "Something Scary"
Julien: Andy Stott, "Numb"
            Laetitia Sadier, "Find Me the Pulse of the Universe"
            Get Well Soon, "Roland, I Feel You"
Raphaël: Fatima Al Qadiri, "Ghost Raid"