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15 octobre 2012

Ted, Mila Kunis et le fantasme de l'adulescent

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Illustration: Julien Gremaud / Canal +
Le créateur des dessins animés Les Griffin et d’American Dad sort sa première comédie pour le grand écran en tant que réalisateur et scénariste. Un film qui a ses faiblesses et ses hauts, ses moments franchement drôles et ceux où l’on préférerait zapper sur un vieil épisode de Friend’s. La comédie pour adulescent ne peut vraiment décevoir un public de trentenaires encore lovés dans le confort réconfortant des années 80.

L’histoire de Ted paraît risquée pour le spectateur européen : un trentenaire qui n’arrive pas à se séparer de son Teddy Bear et qui, lors d'un réveillon de Noël de sa tendre enfance, s’est transformé en une peluche vivante. Le petit ours devient alors la coqueluche d’une Amérique à la recherche de tout ce qui fait rêver, baignant dans le cosmos Amblin des 80s, mêlant l’idolâtrie pour l’univers de Star Wars et celui des Goonies. Mais le film, en lui-même, ne fait à cette période dorée que des appels étroits répondant à l’univers dans lequel grandit le jeune John Bennett (Mark Wahlberg). Le style du film lui, en est bien loin. Mais ce n’est pas vraiment ce qui importe.


Pourquoi Ted fait rire ?
Ted commence sur de bonnes bases aux allures de contes pour enfant. On y découvre, narré par la voix réconfortante et paternelle du Capitaine Jean-Luc Picard de la série Star Trek, une banlieue enneigée de Boston dans laquelle vit le jeune John. Le prologue, certainement la meilleure partie du film, joue très bien sur un humour pince-sans-rire qui fait très vite mouche. Réalisé à la baguette (comme le plan d’ensemble en légère contre-plongée de la maison de James), le film débute avec intelligence et stratège. Le seul fait de partir en un faux plan-séquence du logo Universal à la petite maison où vit John, confirme ce décalage qu’il y aura durant tout le film entre « l’Amérique est un pays génial où l’on peut tout faire croire » (Hollywood) mais « peuplé de crétins cool » (on va taper un petit juif dans la neige). Le Teddy Bear – Ted, qui porte le nom du film – est une autre métaphore facile : le monde de l’enfance qui s’attache au gamin trentenaire qui recherche le sérieux de la vie d’adulte (mais qui n’y arrive pas). Car la plate morale du film n’aura finalement rien fait avancer du tout.

Alors disons-le, les trois premiers quart d’heure sont vraiment hilarants et Seth MacFarlanene veille à ne pas gâcher dans tous les sens les nombreuses blagues imaginables avec son personnage unique. Il invoque ainsi simplement son ours vivant au sein d’une société où tout le monde l’a (déjà) oublié devenant une gloire du temps passé qu’on ne reconnaît même plus dans la rue. C’est ce décalage entre la forme et le fond, entre ce que représente cet ours pour l’enfance et ce qu’il est devenu : son évolution l’a naturellement élevé, comme John, au statut de l’adulescent attiré par la défonce, le cul et les séries télé. Comme deux colocs qui s’aiment trop, la vie sérieuse – et donc celle primairement pensée du mariage – doit passer par une séparation entre l’ours (l’enfance) et John. Et donc avec la rigolade.


Pourquoi Ted fait chier ?
Alors on se peut se demander si c'est vraiment voulu que, une fois que John doit faire son choix entre Ted et les adultes et sa copine (Mila Kunis quand même), le film ne soit plus rigolo du tout ? Ben oui, forcément, il fallait une histoire là-derrière, une histoire que l’Américaine moderne aime voir au cinéma, refusant d’admettre qu’elle se voit elle-même. Car l’ours n’est qu’un personnage rigolo finalement, qui invite le Flash Gordon de 50 piges à une fête où tout le monde se défonce dans une scène semi-drôle et plus endormante qu'hilarante. A la différence d’une comédie des Farrelly où même lorsque l’amour rentre en jeu il se passe toujours quelque chose de drôle, ici l’amour vient gâcher ce qui était pourtant excellemment bien mis en jeu dès les premières secondes du film. On regrette alors les dialogues quasi allenien de la première séquence sur la canapé ou les scènes de l’entretien d’embauche de Ted au supermarché – satyre probante de la réussite qui attire les pervers.

Le film pêche donc par son manque de piment dès la seconde partie de l’histoire, où Mila Kunis endosse le rôle de la copine chiante qui vient briser l’enfance heureuse de son compagnon. Quelle finesse et quelle rôle pour la copine de ses garçons qui passe pour l'image de la vie adulte où la déconne et le monde de l'enfance sont définitivement mis sous clefs dans un placard. Et puis, franchement, qui est assez con pour choisir un ours en peluche quand Mila Kunis attend sur le divan du salon ?