Illustration: Julien Gremaud / Canal + |
L’histoire de Ted paraît risquée pour le spectateur européen : un trentenaire qui n’arrive pas à se séparer de son Teddy Bear et qui, lors d'un réveillon de Noël de sa tendre enfance, s’est transformé en une peluche vivante. Le petit ours devient alors la coqueluche d’une Amérique à la recherche de tout ce qui fait rêver, baignant dans le cosmos Amblin des 80s, mêlant l’idolâtrie pour l’univers de Star Wars et celui des Goonies. Mais le film, en lui-même, ne fait à cette période dorée que des appels étroits répondant à l’univers dans lequel grandit le jeune John Bennett (Mark Wahlberg). Le style du film lui, en est bien loin. Mais ce n’est pas vraiment ce qui importe.
Pourquoi Ted fait rire ?
Ted commence sur de bonnes bases aux allures de contes pour enfant. On y
découvre, narré par la voix réconfortante et paternelle du Capitaine Jean-Luc
Picard de la série Star Trek, une banlieue enneigée de Boston dans laquelle vit
le jeune John. Le prologue, certainement la meilleure partie du film,
joue très bien sur un humour pince-sans-rire qui fait très vite mouche. Réalisé
à la baguette (comme le plan d’ensemble en légère contre-plongée de la maison
de James), le film débute avec intelligence et stratège. Le seul fait de partir
en un faux plan-séquence du logo Universal à la petite maison où vit John,
confirme ce décalage qu’il y aura durant tout le film entre « l’Amérique
est un pays génial où l’on peut tout faire croire » (Hollywood) mais « peuplé de crétins cool » (on va taper un petit juif dans la neige).
Le Teddy Bear – Ted, qui porte le nom du film – est une autre
métaphore facile : le monde de l’enfance qui s’attache au gamin
trentenaire qui recherche le sérieux de la vie d’adulte (mais qui n’y arrive
pas). Car la plate morale du film n’aura finalement rien fait avancer du tout.
Alors disons-le, les trois
premiers quart d’heure sont vraiment hilarants et Seth MacFarlanene veille à ne
pas gâcher dans tous les sens les nombreuses blagues imaginables avec son
personnage unique. Il invoque ainsi simplement son ours vivant au sein d’une
société où tout le monde l’a (déjà) oublié devenant une gloire du
temps passé qu’on ne reconnaît même plus dans la rue. C’est ce décalage entre la
forme et le fond, entre ce que représente cet ours pour l’enfance et ce qu’il
est devenu : son évolution l’a naturellement élevé, comme John, au statut
de l’adulescent attiré par la défonce, le cul et les séries télé. Comme deux colocs qui
s’aiment trop, la vie sérieuse – et donc celle primairement pensée du mariage –
doit passer par une séparation entre l’ours (l’enfance) et John. Et donc avec
la rigolade.
Pourquoi Ted fait chier ?
Alors on se peut se demander si c'est vraiment voulu que, une fois que John doit faire son choix
entre Ted et les adultes et sa copine (Mila Kunis quand même), le film ne soit plus rigolo du tout ? Ben oui,
forcément, il fallait une histoire là-derrière, une histoire que l’Américaine
moderne aime voir au cinéma, refusant d’admettre qu’elle se voit elle-même. Car
l’ours n’est qu’un personnage rigolo finalement, qui invite le Flash Gordon de 50 piges à une
fête où tout le monde se défonce dans une scène semi-drôle et plus endormante qu'hilarante. A la
différence d’une comédie des Farrelly où même lorsque l’amour rentre en jeu il
se passe toujours quelque chose de drôle, ici l’amour vient gâcher ce qui
était pourtant excellemment bien mis en jeu dès les premières secondes du film.
On regrette alors les dialogues quasi allenien de la première séquence sur la
canapé ou les scènes de l’entretien d’embauche de Ted au supermarché – satyre probante de la réussite qui attire les pervers.
Le film pêche donc par son manque
de piment dès la seconde partie de l’histoire, où Mila Kunis endosse le rôle de
la copine chiante qui vient briser l’enfance heureuse de son compagnon. Quelle finesse
et quelle rôle pour la copine de ses garçons qui passe pour l'image de la vie adulte où la déconne et le monde de l'enfance sont définitivement mis sous clefs dans un placard. Et puis, franchement, qui est
assez con pour choisir un ours en peluche quand Mila Kunis attend sur le
divan du salon ?