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04 février 2015

Speaches: janvier 2015

Illustration: Maulde Cuérel
Premier Speaches en 2015 après une fin d'année sur les chapeaux de roues. Les frimas de janvier n'ont toutefois pas tétanisé la petite équipe de Think Tank pour ce nouveau recensement des hauts faits culturels des 30 derniers jours. Pas nécessairement obsédée par l'actualité, cette liste promet des incursions du côté de la Halle Saint-Pierre et de quelques sorties musicales estampillées 2014. Malgré tout, du tout chaud avec l'arrivée des derniers LPs de Panda Bear ou de Belle & Sebastian, un festival de cinéma indépendant ou encore une installation XXL historique. 

LA CREME DU MOIS

Maxime Morisod: Black Movie
Sur 10 jours, le festival genevois a contribué à diffuser du mieux qu'il peut le cinéma d'auteur mondial dans la cité du bout du lac. Entre thriller coréen bluffant (Hard Day), portrait queer touchant (Castanha), films d'animation étonnant (Até que a Sbórnia nos Separe, O Menino et o Mundo), surprise brésilienne (Casa Grande) ou encore claque ukrainienne (The Tribe), la manifestation a su encore une fois offrir sa dose de cinéma de qualité. Sans parler des nuits blanches.

Colin Pahlisch: « Les cahiers dessinés » à la Halle Saint-Pierre
La Halle Saint-Pierre, j’y étais jamais allé. C’est un grand bâtiment juste au-dessous de Montmartre façon ancienne usine parcourue de soupentes en fer forgé. On y montre régulièrement des expositions en lien avec l’Art Brut, et l’actuelle, il faut la voir. L’ambition curatoriale y consiste à entrecroiser des œuvres sur papier : des crobards de bas de pages comme des fusains monumentaux. Tous témoignent d’une certaine « folie », celle de vouloir opposer à la froideur du monde une vision singulière. Tous nous parlent, en ce qu’ils montrent que de l’autre côté des habitudes, il y a une forme d’art par laquelle chacun peut être appelé. À voir encore jusqu’au 14 août.

Pierre Raboud: Des bons albums pour commencer l’année : Nicki Minaj et Panda Bear
Si 2014 commence pour l’instant tranquillement niveau découvertes et concerts, le mois de janvier compte déjà deux albums, peut-être peu surprenant, mais d’excellente facture : THE PINK PRINT de Nicki Minaj et PANDA BEAR MEETS THE GRIM REAPER de Panda Bear. Le premier fait preuve, comme d’accoutumée avec Nicki Minaj, d’abondance avec pas moins de 16 titres (22 sur la version deluxe). A rebours des derniers tubes polémiques qui ont précédé sa sortie, la plupart fait preuve de douceur et de tendresse à l’instar de "I Lied" et "The Crying Games", sans pour autant que Minaj oublie les titres plus rapide à la production soignée comme "Four Door Aventador". Sans oublier une liste d’invités impeccables (Ariana Grande, Jeremih, Beyonce, …). Le second nommé est évidemment moins dans l’extraverti : Panda Bear susurre des presque-mots en boucle sur des nappes sonores et battit, à partir de ces mélodies fragiles, des cathédrales (de sable) sonores, revenant presque au niveau de PERSON PITCH. Avec des grandes chansons dedans, dont "Boys Latin" et "Selfish Gene".

Julien Gremaud: Du mur au plafond, contre les cimaises ou les vitres
Presques synchros, les expositions au Café des Mouettes à Vevey et au Centre d'art contemporain de Genève mett(ai)ent à l'oeuvre deux séries de travaux portés non seulement sur la matière, celle pas franchement de luxe, mais aussi sur l'occupation stratégique de l'espace. Camille Besson, Vianney Fivel et Gilles Furtwängler investirent l'ancien restaurant veveysan pour une partie fantômatique, les uns structurant subtilement l'espace, Furtwängler leur répondant par des drôles de bouts de textes réappropriés et apposés bout à bout. De l'autre côté du lac, c'est Raphael Hefti qui arrangeait le premier étage de l'institution dans une odeur d'atelier métallurgique fraîchement délaissé. Pliées, croisées, en série, ses barres opèrent de somptueuses diagonales. Et quelles couleurs!


LE PETIT LAIT DU MOIS

Maxime Morisod: l'article de Vice sur Lausanne
Le site Vice a publié le 16 janvier un article sur Lausanne où l'on y apprend que "Lausanne est un petit bout de paradis" composé d'étudiants "fainéants et de grandes fortunes" où les week-ends commencent le mercredi soir et où les politiques ont "serré la vise sur les petits clubs en raison de la sécurité". Le troisième paragraphe de ce texte incroyablement critique et recherché, se termine par deux phrases qui rappellent que la cité vaudoise est la capitale olympique (merci pour cette info du tonnerre!) mais aussi un lieu où le deal est monnaie courante. Cette chronique a été reprise par les médias suisses, comme Le Temps et le 24 Heures, sans compter les nombreux partages sur Facebook accompagnés de LOL et emoticons souriants. Il est en effet très drôle de voir comment un petit texte insignifiant et vide de sens a réussi à créer un petit buzz dans les contrées romandes simplement grâce au label "Vice". Une preuve qui confirme bel et bien la hauteur linguistique et intrinsèque du média ainsi que du niveau où se situe le journalisme aujourd'hui. Ah, si j'étais caricaturiste...

Pierre Raboud: Rien à voir
Avec le début du froid, on se ferrait bien un bon film au cinéma ou une bonne série. Mais rien à l’horizon d’un côté comme de l’autre. La série parfaite pour l’hiver, la saison 2 des « Revenants » est repoussée à cet automne. Dur.

Colin Pahlisch: Pasolini
À ne pas voir, cette fois, à fuir, même, le dernier film d’Abel Ferrara. Consacré à l’écrivain et metteur en scène italien Pier Paolo Pasolini, l’opus, intitulé « Pasolini » relate, sans vigueur ni intérêt, les derniers jours de l’artiste. On tente de nous le présenter comme visionnaire, génie incompris, et c’est tout juste si on nous le rend sympathique en lui faisant tenir des propos mélancoliques et limite réactionnaires. Même Defoe n’y croit pas. Alors, au bout de dix minutes, nous non plus.


LE PAIN SURPRISE DU MOIS

Maxime Morisod: Girls in Peacetime want to dance de Belle & Sebastian
La bonne surprise du mois, c'est le dernier Belle & Sebastian. Double surprise puisque non seulement une sortie d'un nouvel album de B&S garantit la découverte d'un ou deux très bons singles pop, mais aussi car ce dernier opus démontre un réel tournant chez le groupe anglais. Moins de ballades et beaucoup plus de "dance", comme le précise le titre du disque. A écouter, l'excellent single Nobody's Empire ou The Power of Three pour s'en rendre compte.

Colin Pahlisch: Les nouveaux sauvages ! 
Par contre la bonne surprise, c’est la découverte d’un film argentin : les Nouveaux Sauvages. Le film explore, sous forme de petits sketches, une dizaine de pétages de plombs différents, aux fins tantôt heureuses, tantôt tragiques. En sous-main, et de manière subtile, la question qui se pose est celle du droit à la colère, à la révolte, et des espaces que le quotidien laisse encore à ceux-ci. Moralité : toute interaction sociale n’est qu’une progression vers l’explosion. La question, cependant, est moins « quand » que « comment ». Et en cela, c’est jouissif.

Pierre Raboud: Séances de rattrapage 2014 
Les tops de fin d’années constituent un exercice plein de limites. Il n’empêche qu’en s’appliquant un peu, on peut en tirer une séance de rattrapage express de plein de bonnes choses. Pour ma part, les trouvailles tardives sont l’excellence R’N’B d’Abra, les excellentes mixtapes de Travis Scott et de Miloh Smith, enfin Derek King et son appropriation R’N’B d’Oasis devenu "Wondercall", ainsi que le label Lo Motion. A suivre en 2015.

Julien Gremaud: ”Fin de Siècle” de General Idea
300 panneaux de polystyrène fraîchement livrés pour recouvrir une surface de plus de 600m2. Au centre, trois faux phoques: la petite (mais pas inintéressante) foire d'art de Genève ne possède pas la place de sa grande soeur bâloise pour y consacrer des oeuvres XXL. Toutefois, avec ”The Estate Show”, Artgenève vise juste et sans fioritures en réactivant une installation du collectif canadien General Idea, trio majeur de l'art contemporain (1969 - 1994) . « Parodie d'un diorama de musée d'histoire naturelle », Fin de Siècle se veut comme un spectacle pathétique ou, au choix, une explosion constructiviste de rectangles selon Samuel Gross, curateur du programme non-commercial.