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04 septembre 2014

Speaches: Août 2014

Illustration: Johanne Roten



On s'y croirait, on finissait par presque la souhaiter: la rentrée, les alarmes d'écoles, les matinées fraiches, le surf au Pays-Basque, l'été indien encore plus attendu pour les raisons que l'on sait. Et puis non, tout de même, un bel été, le Midi Festival, toujours aussi incontournable, Locarno pas nécessairement la chose à louper du côté du cinéma (et des à-côtés dont on ne se lassera jamais) et puis, oui, on l'oublierait presque, les grandes vacances, les voyages et les belles routes. Speaches août 2014, c'était la belle échappée libre, sans trop de soucis. De quoi se laisser glisser dans de nombreuses distractions.


LA CREME DU MOIS

Pierre Raboud: Ex-aequo : Panda Bear au Midi Festival et Verveine au For Noise
Dans le cadre splendide de la Villa Noailles à Hyères, avec ses petits coins pour se prélasser entre deux arbres, il ne manquait plus que de la bonne musique. Après plusieurs concerts soporifiques, le set de Panda Bear vint enfin réveiller nos oreilles avec presque uniquement des nouveaux titres, où la volonté plus pop côtoyait le talent de mélodies en tourbillon. Finissant sur un magnifique "Last night at the jetty". Dans le cadres très cattering du For noise, avec ses burgers à accompagner de crazy chips, il ne manquait plus qu’un bon concert. Au milieu de plusieurs concerts difficiles, heureusement qu’il y a eu Verveine. Un concert profitant du bon son du Demovie Salon pour enchaîner les chansons alliant finesse de la construction et enjaillement de l’écoute, que ce soit pour ses propres titres ou dans la superbe reprise de "Romeo" de Donna Summer.

Colin Pahlisch: Relire Par-delà bien et mal
Comme se remettre à la course en voyant qu’on prend du gras ou reprendre les armes après des années de paix pour venger une famille décimée, se replonger dans l’histoire de Nietzsche (1886) tient de la claque et de l’épreuve, du plaisir et du grandiose. Rédigé pour faire suite au Zarathoustra et expliquer l’idée de la Volonté de Puissance (que toutes forces composant le monde, du moi au brin d’herbe sous le pavé du trottoir, cherche l’extension de ses possibilités d’être, l’augmentation de sa présence au monde) Par-delà n’est pas un livre de philo, c’est une machine de guerre contre la mollesse, les idéologies et la haine.

Julien Gremaud: ”Barragàn” de Blonde Redhead
On les croyait disparus, ou plutôt égarés dans les limbes new-wave. Blonde Redhead, c'est un trio new-yorkais fondé dans les années 1990. Le comble du chic, c'est que cette formation aux origines italiennes et japonaises s'est rapidement imposée comme l'un des plus fiers remparts aux frivolités britanniques d'alors avant de devenir un groupe de scène créant des albums… pour la scène, au point de s'oublier quelque peu. Sorti en 1995, ”La Mia Vita Violenta” figure parmi mes disques préférés. En 2004, ”Misery Is A Butterfly” place le groupe en haut de l'affiche. Dix ans plus tard? ”Barragàn” pourrait bien replacer Blonde Redhead à la place qui lui revient de fait. L'album n'est pas aussi essentiel que les susnommés et comporte toujours les défauts habituels au groupe – et quelques maniérismes  qu'on adorera détester. Mention spéciale au dipytique ”Mind to Be Had” / ”Defeatist Anthem (Harry and I)”. Après ”Lese Majesty” de Shabazz Palaces, mon premier disque de trentenaire. Le 4 octobre au Fri-Son de Fribourg.

Maxime Morisod: La série Fargo
La série Fargo raconte l’histoire de Lorne Malvo, personnage sombre et étrange qui débarque dans le Minnesota. En quelques jours, la petite ville tranquille de Bemidji se transforme en un spectacle de meurtres inattendus et met la police locale sur les nerfs. En reprenant le décor du long-métrage du même nom réalisé par les frères Coen en 1996, la force de cette série imaginée par Noah Hawley réside dans ses personnages, loosers jusqu’au bout des ongles dont seule la jeune adjointe de police Molly Solverson semble vouloir déjouer les tactiques vicieuses du tueur. Casting cinq étoiles, réalisation chirurgicale, photographie glaciale et somptueuse embellie par une bande musicale parfaitement maîtrisée, Fargo se hisse à la hauteur des meilleures séries policière du moment ; à ranger sans gêne entre Breaking Bad et True Detective.


LE PETIT LAIT DU MOIS

Pierre Raboud: Blondie au For Noise
C’est un peu tirer sur l’ambulance et il est vrai que Debbie Harry chante encore pas trop mal pour ses 69 ans. Mais difficile de trouver un concert qui tend autant de bâtons pour se faire battre : des guitares trop en avant sur "Heart of Glass" ; des images du groupe jeune projetées presque en permanence ; un duo avec un groupe colombien la tête dans l’eau; des medley de ses propres tubes : "The tide is high" vs "Groove is in the hearth", "Heart of Glass" vs "Anarchy in the UK". Ca fait quand même beaucoup.

Colin Pahlisch: ”Lucy”
Au Tessin, du côté de Locarno, il y a un festival pour le cinéma. Mais pas que. On y est allé voir le dernier Besson. Et, bon. On pouvait s’attendre à beaucoup, le film surfant sur le mythe urbain des 10% de ce cerveau que l’être humain n’utilise pas assez, soi-disant. Besson, peut-être, et pour oser la blague lourde attention, aurait pu en prendre un peu, de cette drogue bleue que la belle héroïne ingère avant de se lancer dans l’écriture du script. Un bémol optimiste, cependant : là où un film comme Limitless branché sur la même artère, donne à l’intelligence humaine le but suprême de devenir président des Etats-Unis, le plus américain des réalisateurs frenchies lui, en rend une image purement physique : le cerveau, ça sert à sentir, et le sentir, c’est la vie, c’est l’évolution. On pourrait aller plus loin et s’épargner les palabres : l’évolution, c’est Scarlett.

Julien Gremaud: Un été sans musique
J'en parlais le mois passé, le Mexique n'offre pas ce que la plupart des pays européens peuvent le faire le temps d'un été. Et l'on ne parle même pas des programmes des saisons automnes-hivers. On en vient presque à regretter de ne pas pouvoir s'enduire les bottes de terres du côté de Nyon ou de finir empoussiéré à Belfort, entre deux rails de chemins de fer. Le dépaysement a toutefois du bon, rassurez-vous, la musique y est omniprésente, mais différemment. De quoi vous inviter à refaire un tour du côté d'un vieille article de grands airs ("Au coeur de la matrice").

Maxime Morisod: De l'art du teasing
Deux trailers à découvrir. Celui du premier film du réalisateur islandais Benedickt Erlingsson, Des Hommes et des Chevaux, curieux objet filmique qui donne l’eau à la bouche (film à voir) et un trailer plus particulier, celui du (soi-disant) nouveau film de Quentin Tarantino : un fan a filmé la chose en avant-première de Sin City 2 aux Etats-Unis. Pour la petite histoire, Tarantino avait failli ne pas tourner ce film car le scénario avait été dévoilé à quelques personnalités d’Hollywood sans qu’il le veuille. On aimerait tous voir la tête de Quentin quand il est tombé sur cette vidéo. Anecdote : il s’agit d’un teaser avant même que le tournage du film en question n’ait commencé.



LE PAIN SURPRISE DU MOIS

Pierre Raboud: Le mix signé DIS et PC Music pour Rince FM
Pas vraiment une surprise, étant donné tout le bien que je pense de ce que font respectivement le magazine DIS et le label PC Music (voir l’article paru à son sujet sur Think Tank : ici). C’est plutôt le mix coup de cœur de cet été : un condensé de crème (emotive beats made in PC Music, Tinashe, Will Smith) fouettée (transe, gabber, dancehall). Avec aux manettes Sophie, Danny Harle, Finn Diesel et Soda Plains.

Colin Pahlisch: Festival du film Alpin des Diablerets
À des kilomètres du Tessin, y a les Ormonts. C’est sur le Dessus que ça se passe, ce qu’on dit pour finir. Terre de pentes et de pâturages. Ben, là aussi y a un festiv’, un de ces trucs consacré au 7ème, de ces arts, mais centré montagne, ‘tention, exploits et aventure. C’est le FIFAD, ça s’appelle, pour Festival du film Alpin des Diablerets. Et purée, c’est toujours aussi bien, même avec plus de monde cette année, plus de people, et du bon. Faut y venir, la c’tannée c’est les Britiches qui ont gagné, avec un film sur les moutons et la montagne. Sont quand même forts ces Roastbeefs, à nous faire marrer avec des moz’ons alors qu’on en a chez nous. C’est pour ça que c’est surprise, ce mois-ci, le pain, et qu’c’est là-dessus que c’est consacré. Parce qu’une surprise, c’est plus fort quand ça s’renouvelle. Allez, j’ai fini, j’mebrouille les pinceaux. Tchô bonne.

Julien Gremaud: Le dépaysement ou les nouvelles joies colorées
Presque tout entendu, tout vu, tout cru sur le Mexique. Et pourtant; deux mois de résidence dans une institution de la capitale, quelques sorties ici et là, un gros manque d'oxygène mais pas de clostrophie. Une plongée dans une ville de 20 millions d'habitants où l'on y trouve sa place et surtout où l'on comprend qu'un artiste de l'ampleur de Francis Alÿs y ait dédié sa carrière artistique – et élu domicile. Le Mexique, c'est pour la vie, on aurait envie d'y croire le temps de huit petites semaines. Un gros bol d'air dans un joyeux bordel où tout ce que l'on entend n'est pas forcément vrai et tout ce(ux) qui se croi(en)t au-dessus se trompe(nt) complètement. Une farouche envie d'y retourner, les yeux grands ouverts, l'espagnol précaire mais volontaire.

Maxime Morisod: Voir la Nouvelle-Orléans
La Nouvelle-Orléans (dit Nola) est un endroit surprenant. Presque dix ans après l’ouragan Katrina, la ville est plus ou moins bien reconstruite avec encore quelques quartiers marqués par le traumatisme de la catastrophe. Treme surtout, l’un des plus vieux quartier de la ville et historiquement le premier quartier des noirs non-esclaves aux Etats-Unis, est le symbole du berceau de la communauté afro-américaine de tout un pays. Touché par sa pauvreté, la reconstruction prend plus de temps qu’ailleurs mais permet ainsi de découvrir les bases authentiques de la cité. Divisé en plusieurs secteurs, la ville aux racines européennes (majoritairement françaises et espagnoles) comptent ses quartiers touristiques (le French Quarter), BoBos (Marigny), « petit-bourgeois » (Garden District) et en plein boum artistique (Bywater, Uptown). La spécificité réside dans l’écart qu’on peut trouver entre cette ville et le reste des Etats-Unis, dans l’atmosphère générale, ses habitants et ses belles constructions en bois de cyprès.