Illustration: ”Eiszeit im Europa-Park”, source site officiel Europapark |
Il fut un temps où l’Europe faisait tellement rêver qu’elle devint le thème d’un parc d’attraction. Europapark semble aujourd'hui presque anachronique, en offrant une mise en scène ludique des nations, ce sujet au combien sensible. Comment nous la montre-t-il cette Europe ? Industrielle, techno, mythique et rétrograde.
La narration sur l’Europe peut porter sur autre chose que la dette, la politique économique ou sur les questions d’immigration. Elle fut aussi un rêve d’internationalisme mais surtout un projet de développement économique. Europapark reste comme une forme de souvenir kitsch de ce rêve tombé en désuétude. Industriel, le parc le fut dès son départ, créé par un industriel allemand ayant fait fortune dans la construction de calèches et d’attractions pour les foires. Ce n’est que par la suite que l’idée de la thématique européenne s’imposa. Le parc se divise ainsi en différents quartiers associés à des pays, chacun possédant différentes attractions, restaurants et décor adaptés. L’industrie se retrouve également dans les sponsors des grands 8. Gazprom et Mercedes-Benz étalent ainsi leur puissance à travers des publicités occupant l’attente précédant l’attraction. Mais c’est dans les quartiers russes et français que la mise en scène de cette modernité se fait la plus séduisante. Résolument techno, on entre dans ces attractions comme dans des boites de nuit. Astronautes, néons fluo, tours de miroir, musiques acides et lazers multicolores plongent le visiteur dans une nostalgie du futur à l’esthétique nineties entre rave et conquête spatiale quand le progrès faisait encore rêver.
En reflet inversé de cette modernité, Europapark construit son imagerie dans la majorité des autres quartiers sur un passé mythifiée. Chaque nation se présente alors sous formes de petites ruelles et maisons « typiques »: la Scandinavie est un village de pêcheur aux rues pavées, la Suisse un village valaisan en bois qui sent fort le fromage et la France des terrasses donnant sur une petite place. On est en plein dans la création de l’authenticité dans des mises en scènes nationales figées dans un passé largement construit. Europapark joue ici pour l’identité nationale le rôle que Butler confie au travesti : le parc, par son aspect fake évident, révèle le fait que cette absence de fondement d’essence est commune à tous les projets d'identités nationales. Tout comme chacun joue, performe une sexualité socialement construite ; toute identité nationale est une mise en scène sans réalité matérielle. Quand un folklore traditionnelle vient à manquer, l’imagerie du parc se tourne alors vers un passé dont la dimension culturelle est plus évidente : la mythologie. La Grèce offre alors le spectacle des Dieux aquatiques quand la Finlande se peuple d’esprits nordiques. D’autres attractions sortent du cadre national pour envisager le rapport de l’Europe au monde. Et pour qualifier la façon de le montrer, on hésite entre sincérité sans fard et positions réac. Ainsi c’est dans l’attraction des pirates, que sont exploités le thème du voyage et de la découverte d’autres civilisations. Loin du « ah que le monde est petit ! » de Disney, ici le rapport à l’autre s’intègre donc un spectacle qui associe voyage et piratage, l’Europe ne découvrant que pour mieux piller et violer. Ce qui n’est pas sans fondement historique. Encore plus gênant, Europapark ne semble pas avoir de problème à nommer un coin la « colonial house », en pleine nostalgie des colonies avec des animaux et de la nourriture exotiques. Et quand est-il des attractions? La vérité, elles sont super, alliant confort et sensations. Gros fun et gros fake.
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