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19 septembre 2014

La planète des singes, l’affrontement

Illustration: Charlotte Stuby
Qu’est-ce que l’humanité ? Ces frontières avec le monde animal ? Le premier opus traitant des origines de la planète des singes avait évoqué cette question d’une manière conceptuelle à travers l’amour inter-espèce luisant dans le regard de James Franco. Ce second film aborde lui l’aspect social, entre commune utopiste et luttes pour survivre dans un monde détruit. 

Si ce blockbuster de cet été impressionne avant tout, c’est par son aspect formel. C’est là la grande réussite du film qui inscrit dans notre mémoire les images puissantes de singes à cheval et surtout la première scène inventant une société simiesque, son vivre-ensemble, ses parties de chasse, l’image se promenant sur la communauté des singes, entre école, répartition des taches et conseil, osant le coup de force du réalisme, qui marche malgré les forts risques de ridicule. Mais cette phase méditative prenant au mot le statut de spectateur ne durera qu’un temps, sûrement trop court. Car comme son nom l’indique, "l’affrontement" comporte surtout beaucoup d’actions. Le scénario s’en ressent et le film tombe la tête la première dans les pires travers du genre : personnages de salauds caricaturaux, dénouements par trop évidents, retournements totalement inutiles. Et c’est bien dommage car ce sont ces traits qui ont et vont découragés de nombreux spectateurs. Et à raison. 


C’est dommage parce qu’en creux, les thèmes qui sont traités dans ce film ont tout pour passionner. Ainsi tout le film se construit dans la rencontre entre une société simiesque en construction et une société humaine qui tente de survivre après que la planète ait été ravagée par différentes catastrophes. Cette rencontre de l’autre se présente directement sous la forme de l’affrontement, la peur étant plus forte que tout. A cet égard, le film jette un regard pessimiste sur ce rapprochement avec l’autre, où seuls certains individus parviennent à percevoir la beauté et la communauté rendue possible par la rencontre. Si le traitement d’une espèce humaine aux abois, avec la figure du mâle blanc dominant à boc prêt à tout faire pété pour sauver sa famille, ne possède que peu d’intérêt, la société simiesque interpelle car elle incarne la volonté de créer une nouvelle société. Le singe révolutionnaire, ayant libéré les autres du joug des humains grâce au pouvoir du refus, tente de construire une société juste, mettant en avant le savoir, l’entraide, l’égalité et des principes moraux de base, comme le fait que les singes ne doivent pas tuer leur semblables, et faisant toujours preuve de clémence et de confiance. Cette société idyllique, véritable commune, présente au début du film va perdre son innocence dans la rencontre des humains, impliquant des tensions au sein de la société simiesque quant à la posture à adopter, l’attaque ou la coexistence pacifique. L’innocence de cette société sera définitivement brisée par le choix de la guerre, ce que le film retranscrit à travers la forte mélancolie qui ressort des scènes de guerre. Cette évolution de la société simiesque va en détruire les aspects idéalistes et l’obliger à chercher des réponses matérielles. Non les singes ne sont pas bons en soi. La proposition du précédent film, à savoir l’indistinction de nature entre hommes et singes, est respectée, la conséquence en est que les singes ne sauraient représenter une pureté première, une nature au delà du mal. Comme des humains, les singes ne sont pas déterminés par une nature. L’inéluctabilité de la lutte avec les humains, suite au conditions matérielles, une terre dévastée avec une pénurie ressources et aux premiers affrontements, demande une préparation matérielle de la société à cet effet. La fin du film donne à voir ce moment de transition où la poursuite idéaliste des principes est vouée à l’échec et nécessite la prise en compte des conditions concrètes, même pour un chef clément. Comment préserver ces derniers quand les conditions de lutte nécessitent organisation et discipline? Qu’adviendra-t-il de la commune simiesque ? Pourra-t-elle maintenir ses principes ? Le prochain épisode y répondra peut-être en 2016.