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03 juillet 2014

Speaches: Juin 2014

Illustration: Johanne Roten 



Avec le Speaches du mois de juin, l'équipe de Think Tank se confronte aux premiers coups de chaleur et recense les bas et hauts d'un mois monopolisé par la grand messe footballistique. Pour s'en échapper de temps en temps, les rédacteurs dénichent des refuges intellectuels (Deleuze, Toussaint), évoquent des promesses inespérées (Dumb and Dumber To) et savourent des crèmes à l'aise (soirées sauvages, Coming Soon).

LA CREME DU MOIS

Julien Gremaud: La semaine bâloise
Comment émerger médiatiquement face à la Coupe du Monde? Art Basel, peut-être? Encore que… Et puis si, à voir l'entrecroisement de projets liés ou parallèles à LA foire et la foule bigarrée, le rendez-vous semble toujours plus inévitable. Hormis la relative déception du secteur Unlimited curatée par le pourtant excellent Gianni Jetzer et le secteur traditionnel en face, l'extra-projet 14 Rooms aligne les noms tant du côté de l'organisation (la foire en elle-même, la fondation Beyeler, le Théâtre de Bâle), des commissaires (Klaus Biesenbach et Hans Ulrich Obrist) que des artistes historiques présentant (ou représentés via des performeurs), Liste livre toujours autant de promesses, et la Kunsthalle avec Julia Rometti et Victor Costales tient toujours la grande forme.

Maxime Morisod: Tiger Meets Lion de Coming Soon
La petite troupe d’Annecy réussit à rester authentique, tout en sonnant tubesque sur presque tous les titres de ce fantastique 4e album. Pour illuminer leurs compos, ils ont décidé de travailler avec le producteur Scott Colburn (Animal Collective, Arcade Fire), et le résultat est dingue. Mention particulière pour Terrella, le sax sur Santa Monica et le refrain du morceau éponyme. Un grand grand bravo !

Colin Pahlisch: « De la ritournelle »
Par l’UNIL, il y a un séminaire de recherche en philo, libre et ouvert à tous. Dans ce séminaire, pas plus tard que la semaine passée, on a présenté Deleuze : l’article intitulé « De la ritournelle ». Extraite de Mille Plateaux, second opus phare du penseur frenchy et de son acolyte psy. Et c’était une tranche de vie intellectuelle à l’état pur. Une perspective foisonnante tracée vers les problématiques, loin d’être dépassées, de la pensée contemporaine. Au fil des concepts, affects, précepts et autres territoires, le ronronnement de la ritournelle désengourdis les méninges. Replongeons-y!

Pierre Raboud: Le Mundial
Ce serait mentir pour moi que de mettre autre chose que la Coupe du Monde, car malgré ma mauvaise conscience face au patriotisme et aux activités crapuleuses liées à l’événement, c’est bien l’objet culturel qui a le plus occupé mon moins de juin, ne me laissant que peu de temps pour le reste. Et il faut le dire, c’est une belle Coupe du Monde avec une équipe de France frisson, des buts en nombre et quelques tout grands matchs.

Raphaël Rodriguez: Le réveil musical de la Romandie
On n'y est pas encore tout-à-fait: notre scène n'a pas la classe de celle des villes qui pèsent réellement dans l'échiquier culturel et la plus grande partie de la tâche reste à effectuer. Nos festivals, à quelques exceptions près (Kilbi, etc.), donnent envie d'essuyer nos larmes sur une affiche du Dekmantel (Pays-Bas) ou de Club to Club (Italie). Reste que, il faut le noter, les choses bougent. Soirées sauvages de plus en plus sérieuses et fraîches musicalement, programmations intéressantes: la curiosité et l'audace semblent pointer le bout de leur nez. On pourra bientôt peut-être même arrêter de râler, même si ça nous fait un peu peur.


LE PETIT LAIT DU MOIS

Julien Gremaud: Paul Chan au Schaulager
Sur le papier, Paul Chan, artiste de Hong Kong résidant à New York, couvre des champs multiples comme sculptures et dessins, installations et projections lumineuses, animations, écritures inventées ou encore interventions in situ. A l'honneur cette année dans cette cathédrale glaciale qu'est le Schaulager de Münchenstein (Bâle), Chan multiplierait donc, déconcerte plutôt dans une exposition XXL qui se veut exigeante mais qui, franchement, relève souvent de l'anecdotique. Big up pour la fameuse variation de prises (!), avec une note majeure pour celles accouplées à du carton. Une exposition «difficile»? « C'est pourquoi le billet d'entrée est valable pour trois visites ». Ben voyons.

Maxime Morisod: Un pont trop loin (les Anglais dans le Sud)
Il a fait beaucoup trop chaud pour les nés roux en Amérique latine. Une averse torrentielle ou un vent froid venu du Nord n’aurait pas changé grand-chose à la piètre prestation des Three Lions à la Coupe du Monde. Bien que personne ne les attendait, il faut souligner que cette équipe était un parfait mélange de fossiles (Rooney, Gerrard) et de jeunes poulains (Sterling, Sturridge, Shaw) et qu’il y avait matière à proposer du jeu. Dommage, car c’était peut-être la dernière coupe pour les vieux briscards mythiques d’une génération qui n’aura jamais su briller.

Colin Pahlisch: Roméo et Juliette
Au Château de Chillon, dans un cadre chevaleresque, une troupe de théâtre donne depuis des années des représentations de Shakespeare. C’était au tour de Romeo and Juliet, ce mois-ci. Et c’était raté. Un héros, cocker larmoyant, une Dame à séduire que le jeu rendait frigide, des sentiments élimés jusqu’à la corde. Pour peu, on entendait le Barde se retourner dans sa crypte. Rendez-vous dans un an.

Pierre Raboud: Hystérie médiatique estivale
Avec l’été, les médias généralistes ne savent souvent pas trop de quoi parler. Ainsi des thèmes anecdotiques sont repris. Cela peut être fascinant comme des « horror story » du net avec « Slender Man » ou plutôt ennuyeux à l’application « Yo ». On peut se demander si, derrière les articles évoquant le caractère de communication pure où le contact devient seul message, on se trouve pas plutôt face à l’équivalent ios des cambriolages et du mauvais temps : un thème pour remplir des pages et les conversations quand vient l’été.

Raphaël Rodriguez: Grimes
On avait peut-être enfin trouvé l'icône pop qu'il nous fallait: un truc que tu n'étais pas obligé de cacher à tes potes, un truc un peu frais, pas instantanément fossilisé par les labels un peu trop nauséabonds pour l'assumer. Elle avait même l'air d'avoir un discours, un peu à contre-courant. Et voilà que l'inévitable est confirmé: Grimes n'est pas/plus grand-chose de d'autre qu'une starlette de plus. 'Go', production rejetée par Rihanna, l'illustre à merveille. A vrai dire, ce n'est pas tant le concept qui dérange -il serait idiot de crier à la corruption-, c'est simplement le résultat: calibré mais dégoulinant, cheap à mourir, il tombe dans le travers le plus dangereux de la pop: une interchangeabilité absolue. Cynique.


LE PAIN SURPRISE DU MOIS

Julien Gremaud: Le foot dans l'avion, en live
De loin, à Francfort, des avions Lufthansa redécorés de ballons, de couleurs auriverde et d'un nouveau nom de compagnie: Fanhansa. A l'intérieur d'un 747 direction le Mexique, un pilote qui annonce, immédiatement après les consignes d'usages, le programme du vol: ça sera foot en direct, et plutôt deux fois qu'une, version film dramatique avec ce huitième Brésil-Chili formidable. Un vol sans turbulences comme pour mieux célébrer buts, dénoncer semelles, et désespérer finalement. Il manquait plus que les commentaires de l'homme aux manettes pour que cela finisse grosse crème du mois. Ah ces Allemands… 

Maxime Morisod: Jeff Daniels et Jim Carrey sont de retour
Les fans 90s de comédie américaine n’en pouvaient plus d’attendre. Après une année de photos tirées de set de tournage ou de film stills photoshopés et cent fois remâchés, le voici enfin : le trailer de Dumb & Dumber To. Près de 20 ans après le premier opus, les frères Farrelly ont décidé d’offrir une suite à leur premier long-métrage qu’ils avaient mis près de 10 ans à écrire et à tenter de vendre à des producteurs. Une bande-annonce plutôt réussie qui propose même du MIA pour les écoutilles. Après le fameux Boom-Shack-a-la quoi. Sortie prévue : novembre. 

Colin Pahlisch: Jean-Philippe Toussaint
Une découverte à l’attraction étrange, car précisément fondée sur le rien, sur des rien : la tétralogie de l’écrivain Jean-Philippe Toussaint, Faire l’amour ; Fuir ; La Vérité sur Marie ; Nue. Entre jeux littéraires postmodernes (chronique plus longue à lire à la page Books) et expression dense, réelle et fine de ces épisodes anodins qui font la condition humaine, Toussaint, quand même, nous emmène quelque part. Où ? La question reste. Mais bien posée, au moins.

Pierre Raboud: Mueran Humanos
Le décor superbement love du festival Hautes Fréquences à Leysin aura été l’occasion, parmi d’autres bons concerts, de découvrir la formation argentine Mueran Humanos: un concert au top du tip top, de la cold wave sexy avec de grandes chansons où la noirceur musicale et vocale résonne sur des mélodies lumineuses.

Raphaël Rodriguez: 'Neighbors' ou la comédie pas (nécessairement) naze
Avec un casting un peu douteux (notamment Zac Efron), Neighbors aurait pu être une énième comédie minable, vautrée dans le stéréotype blockbuster/divertissement. Non pas qu'elle évite les clichés, mais elle confirme, dans la lignée de certains films de Judd Apatow par exemple, que la comédie US peut être réellement drôle sans renoncer à une dose assez massive de stupidité, tout en embrassant les angoisses d'une génération perdue. Pas d'évènement majeur ici: c'est con, mais pas nuisible. Et c'est plutôt drôle.