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16 mai 2014

HER : l'amour à l'époque des smartphones

Illustration: Pierre Girardin
En plongeant dans un futur proche et réaliste, Her raconte l'histoire d'un homme qui tombe amoureux de son système d'exploitation. Ce qui paraît à premier abord extrêmement ridicule, prend la tournure d'une romance peu originale, comptant nombre de clichés pénibles de la comédie romantique traditionnelle. Mais là n'est pas ce qui importe.

Une séparation difficile, un divorce, des flash-backs en mode publicité solaire, des séquences d'insomnie au 74e étage des buildings et le pire du pire: un ukulélé. Tous les clichés du romantisme bobo et hipster du XXIe siècle se retrouve dans Her, avec effroi par moments (l'évasion incompréhensible vers cette forêt enneigée) et ridicule : halo de lumières autour de Joaquin Phoenix avec une mauvaise chanson fredonnée par Scarlett Johansson en off. Spike Jonze est certainement un grand vidéaste, grand réalisateur contemporain de l'immédiat, à ranger du côté de la fille Coppola (sa bonne période), de Noah Baumbach voire même de Wes Anderson (en fait non, on est déjà trop haut là). Mr Jonze se situe un bon cran en-dessous de cette lignée de réalisateurs indépendants américains qui ont la chance de jouir de liberté tout en employant de grands acteurs, et donc d'une bonne distribution. Imaginer ce film sans Phoenix serait comme Jurassic Park sans le T-Rex. Du foin.

Un bon bol d'Her ?
Her n'est pas inintéressant pour autant. Le film reflète d'ailleurs très bien ce qui nous attend, nous consommateurs de smartphones, de Macbook, habits stylés et mobiliers modernes, d'ici quelques années. Il s'agit d'une sorte de voyage dans notre futur proche, où Spike Jonze est le pilote et semble faire plus attention à ce délire qu'à celui de la relation homme-ordinateur. Cette fiction de deux heures peut être vue comme un échantillon de la progression technologique à venir, et permet de voir comment l'être humain jouira de tous ces artifices high-tech, posant ainsi le sujet captivant du film : une enfilade du monde futuriste qui s'arpente devant nous. C'est alors dans les détails qu'il faut voir un attrait à cette historiette : le mobilier d'abord, avec ces ordinateurs qui ne sont plus que des écrans à qui l'on parle et avec qui l'on discute; ces smartphones qui ne fonctionnent plus que par le son de sa propre voix, ou encore ces jeux vidéos qui remplissent l'espace du salon. Où comment le faux remplace le vrai. Le décor que pose Spike Jonze est percutant et jouissif à un niveau quasi documentaire. La suite est mièvre et son histoire d'amour avec son OS tombe le plus souvent dans une purée de souvenirs indigestes ou de scènes inintéressantes et sans explication comme cette fuite gênante du personnage principal vers sa cabane du nord sous la neige.

Finalement, la grande question que pose le film est le choix entre une passion réelle (donc humaine) ou irréelle (un système d'exploitation). Et le réalisateur se demande s'il ne vaut pas mieux être heureux avec un ordinateur que malheureux avec une femme (ou un homme). A en voir le résultat cinématographique, on veut bien accorder à Spike Jonze l'embarras du choix et accepter son film comme il faut le prendre : un voyage juste agréable dans ce qui nous attend dans une quinzaine d'année.