Photo: Julien Gremaud |
Sleeping Beauty est la première réalisation de l’écrivaine australienne Julia Leigh, connue pour son roman The Hunter. Son film, présenté au dernier festival de Cannes par Jane Campion, relate les difficultés financières d’une jeune étudiante qui accumule les petits jobs. Un jour, elle répond à une annonce particulière.
« C’est 150 dollars par heure, tous les frais téléphoniques sont couverts, les consultations chez le médecin aussi. Votre vagin restera un temple. », une déclaration à laquelle la jeune Lucy rétorque sans broncher : « Mon vagin n’a rien d’un temple ». Lucy accepte ce nouveau job où son corps devient un objet convoité et exposé, endormi consciemment, violé mentalement, la seule règle étant qu’il est interdit de la pénétrer. Pourtant, la première scène nous montre Lucy se faisant introduire par la bouche un long tuyau en plastique afin de souffler de l’air dans son ventre. Fille dans le besoin financier croit-on au départ, elle accepte d’être en même temps cobaye, fille de luxe, secrétaire mécanique et serveuse dans un pub. On se dit alors que cette jolie adolescente, qui refuse de voir sa mère, a décidé de s’en sortir seule pour pouvoir continuer ses études et vivre de façon autonome. Mais une scène viendra mettre un bémol dans cette trame qui semblait aussi lisse qu’un terrain de cricket : après sa première expérience dans son nouveau travail où nous la voyons porter de la lingerie diablement sensuelle, elle rentre chez elle, et brûle un billet de 100 dollars. On ne comprend pas tout de suite ce choix, et il faudra attendre de sortir de la salle pour oser d’admettre qu’il n’y avait aucune raison valable de faire disparaître cet argent, ou alors, celle d’espérer effacer des traces de son nouveau job. Alors on se dit que ce n’est pas l’argent qui la pousse à accumuler ces activités rémunérées, mais autre chose.
C’est ici que la mise en scène et l’esthétisme rentrent en compte. Julia Leigh filme ses personnages en plans d’ensemble, à distance, avec très peu de mouvement de caméra et en utilisant qu’une ou deux fois le montage dans une séquence. Le rythme est lent, l’atmosphère glaciale, la musique absente et si on ne quitte pas des yeux la petite Lucy, la focalisation reste extrêmement distante sans donner aucun avis sur son sujet. La première partie du film expose le personnage, construit un caractère et présente Lucy : c’est une fille avant d’être un corps, dispositif qui sera inversé à partir de la moitié du film. Avouons-le, c’est assez réussi, la démarche esthétique est là et il y a un véritable sens de l’image mise en place par la réalisatrice. Le problème vient ensuite, dans la seconde partie, lorsque Lucy devient Sara et qu’elle se donne inconsciente à des vieux vicieux dans une pièce boisée qui fait penser aux dernières scènes de Eyes Wide Shut. La seconde partie ne tient pas malgré les bases solides qu’avaient installé la première ; c’est un continuum sans fin qui ressemble plus à une provocation esthétisante qu’à un joli exercice de style. Mais c’est une bonne chose que le film ne soit pas parfait, car avec Julia Leigh, on tient là une réalisatrice tout de même douée et intelligente qui saura nous pondre dans quelques années un excellent long-métrage.
Sleeping Beauty de Julia Leigh (Australie, 2011)
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