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14 octobre 2011

Sensuelle séduction

Photo: Lea Kloos




Le lecteur de Think Tank a pu se faire une idée biaisée d’un goût musical qui ne serait que recherche dans des contrées lointaines (A mort la world music) ou obscures (Musique Hantée). Mais notre vie n’est pas faite que de dubstep et d’instruments amplifiés à la really ghetto. Au contraire, on n’est pas les derniers à écouter du son bien bien love, prêt à accepter une bonne bouchée de kitch si le cœur y est. De l’italo disco à la chillwave en passant par de la house bien nineties, Sensuelle Séduction (en hommage à qui ?, toi-même tu sais !) fait le tour de tout ce qui donne envie de se prélasser, de se déhancher ou de faire l’amour. Pour ce premier épisode, c’est Neon Indian, Ford & Lopatin et L.A Vampires Goes Ital qui mènent la danse. Freaky disco !

Tu entres sur la piste, encore un peu timide et rouillé, guettant de part et d’autres un partenaire au hasard d’une mèche ou d’un déhanché. Mais l’ambiance n’est pas au supermarché de la drague, non, le tout reste enfumé et sombre. Alors en guise de préliminaires, les bizarroïdes L.A. Vampires Goes Ital conviennent parfaitement. Avec un nom de groupe qui transporte tout de suite la musique hantée du côté de la mousseline et une pochette qui en dit long dans la référence aux paillettes les plus fluos des années quatre-vingt, ça sent tout de suite la sueur. Tu peux sans autre sortir ton déhanché le plus langoureux et regarder l’être convoité droit dans les yeux. Derrière ces vampires californiens, tournant italo, on retrouve d’un côté Amanda Brown, membre de Pocahaunted, et tête du projet L.A. Vampires, qui a déjà collaboré avec Zola Jesus, et de l’autre Daniel Martin-McCormick, du groupe Ital et surtout chanteur des géniaux Mi Ami. On en a déjà parlé sur Think-Tank : ici, et on continue d’en recommander l’ensemble de la discographie, tout particulièrement le dernier album, au nom assez sensuelle séduction de DOLPHINS. L’influence de Martin-McCormick se fait tout de suite sentir sur les quatre titres de STREETWISE : de la dance qui n’en est pas. Ici, il est bien question de la révolution que connaît aujourd’hui le monde de la musique. Les frontières, autrefois strictes, entre mainstream et underground, sont en train de s’effacer dans des échanges transversaux incessants. Avec STREETWISE, on est en plein dans la perversion du mainstream, dans le pastiche. Rappelons qu’un pastiche désigne l’imitation d’un style, différent de la parodie ou de la caricature, dans le sens où il respecte ce qu’il imite, constituant une sorte d’hommage. Ce qui est pastiché ici, c’est l’eurodance des années 90. On en retrouve les rythmes directement dansants, l’ambiance hyper cul et la voix sous écho, mais passés à la moulinette de collages maniaques de loops, de samples, de flûtes et de boîtes à rythmes déglinguées. Le résultat en est une bombe qui part tantôt dans le tube explicitement sexuel à la George Michael pour, sans prévenir, glisser dans des longs passages de transe partant dans tous les sens. Pour mieux illustrer ces propos, il suffit de regarder le clip de "Streetwise" où s’affirme encore plus ce glam étrange ou d’écouter en boucle "The Chic Should Inherit the Earth". C’est bon, tu sues mais tu t’en fous et tu te rapproches définitivement de l’objet de ton désir, avec pour paillettes la poussière qui tombe des murs.


Maintenant que vous êtes proches, il s’agit d’atténuer un peu le côté bizarre et d’accentuer le mode love. C’est chose faite avec Ford & Lopatin. Même pas besoin de te mordre les lèvres ou de faire des regards par en dessous pour faire comprendre à ton/ta partenaire de quoi il en retourne avec ce genre de musique. Le nom du groupe a beau avoir l’air fantaisiste, il s’agit vraiment des patronymes des deux protagonistes du groupe, Joel Ford et Daniel Lopatin, qui répond en solo au doux nom de Oneohtrix Point Never. Les deux s’appelaient jusqu’à peu Games, sortaient des titres comme "Planet Party" mais ont été contraints à changer de nom. Avec CHANNEL PRESSURE, sorti sur le très bon label, Mexican Summer, ils balancent un album aux sonorités très eighties, années qui ont fini par symboliser la revendication du ridicule mais aussi l'amour explicite et pas forcément très romantique. Pour aider les deux musiciens, on retrouve en invités vocaux les chanteurs de deux formations aussi raffinées : Autre Ne Veut et Stepkids. Comme avec les L.A. Vampires Goes Ital, on est en pleine post-pop, où les éléments tubesques sont détournés pour donner une musique qui assume sa volonté de plaire et accepte d’être kitsch pour mieux faire passer un mélange d’influence kraut et des sons crades de synthé. C’est tout autant évidemment pop qu’indéniablement bizarre. C’est moins cul et plus romantique que L.A. Vampires Goes Ital. Les synthés scintillent, les basses dandinent et des chansons  gays au possible se frottent les unes aux autres. Au milieu d’instrumentales démentes, des grandes chansons pour faire l’amour à la piste de danse : "Emergency Room", "The Voices", et surtout "Joey Rogers" et "World of Regret" accompagné d’un clip où il est question de fraises, d'une libellule et d'un dauphin.


Vos regards se sont croisés, vos mains ont touché la chair sur puis sous des textiles et vous vous êtes échangés vos fluides et autres petits noms. Mais reste ce moment épique, qui fait encore entièrement partie d’une soirée d’amour, ce moment où tu te retrouves seul après, que tu repenses à tout ça et que tu te laisses couler dans ce bonheur qui t’emplit. Le nouvel album de Neon Indian est plein de ce sentiment, post-love, mi-mélancholique et mi-rêveur. ERA EXTRANA a été enregistré en Finlande et se distancie franchement de son prédécesseur PSYCHIC CHASMS. Ce premier EP est, avec du recul, ce qui s’est peut-être fait de mieux dans la vague chillwave, prenant les sonorités du genre pour les rendre moins plan-plan et plus jouissives. Dans son nouvel album, Neon Indian prouve une fois de plus son intelligence pop et évolue vers un son plus froid et parfois plus dur. On songe toujours aux années quatre-vingt mais dans leur face froide, un romantisme la larme à l’œil. Une mélodie un rien ténébreuse mais pas moins séduisante. ERA EXTRANA montre une fois de plus la capacité de Palamo à construire des albums complets et variés. On y trouve des tubes excitants au possible comme "Polish Girl" ou "Arcade Blues", des chansons blanches d’un romantisme éploré, à la My Bloody Valentine ou M83, avec "The Blindside Kiss" ou "Halogen (I Could Be A Shadow)". Neon Indian fait tout tout seul et il le fait bien. Chaque titre frissonne de sentiments magnifiques, grâce à une voix de mieux en mieux posée et des synthés qui rappellent les jeux vidéo, tant par leur apparent aspect de bricolage que par l’envie d’héroïsme qu’ils insufflent instantanément.


Pour finir et en bonus, un clip luisant de deux limaces qui font l'amour comme jamais:
 

PERSONA LA AVE = SOULMATES from smokeDONTsmoke on Vimeo.