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25 août 2011

PULLY FOR NOISE – LE JOUR D'ÜBERREEL

Illustration: Überreel


Parmi notre mince sélection lors cette 15ème édition du For Noise, nous avons retenu une pétarade colorée de Überreel, un concert costaud des Wild Beasts et un grosse interrogation générale pour Blonde Redhead. Naturellement, nous avons manqué à l'appel du reste de la programmation, ne possédant pas encore le don d'ubiquité. Récit étriqué.

Jeudi: où, parmi nos propositions affichées peu avant sur Think Tank, figuraient tant Elbow que The Raveonettes. Nous n'avions ni piscine, ni poney, malgré tout nous nous égarons et ratons à l'insu de notre plein gré ces deux prestations. Sune Rose Wagner, moitié masculine des danois de The Raveonettes est annoncé malade et ne sera pas présent. Seule, Sharin Foo tient la baraque. Elbow, aperçu il y a bien trop longtemps, en 2003 déjà, tenait la grande scène en fin de soirée. Un concert épique, selon notre confrère estimé Yann Zitouni. Bouclage. Les nombreux spectateurs de cette 15ème édition fort fréquentée (6'000 au total) rentrent chez eux. Je le sais, car je les ai croisés en voiture; on s'active pour rejoindre la petite salle de l'Abraxas. Il est presque minuit, il faut se dépêcher, Überreel allument leurs amplis et ampilent leurs machines. Au jeu de la setlist, il est pour l'heure impossible de dresser un tableau des faits et gestes. Duo à la ville, trio sur scène – entouré de l'excellent Ghost Tape, le groupe a–t–il joué "I Wanna Have a Window", présent sur la 5ème compilation Rowboat? Finalement, peu importe. De Vevey, ces fin limiers jouent un krautrock de Venice Beach, des instrumentaux gonflés (à écouter, "The Knife"), des tubes transgenres chantés par Ghostape ("Untitled") ou à trois ("Gaby").


C'est amusant. L'air de rien, Überreel alignent les références et allongent la foulée comme un coureur Ethiopien. Et on y danse. Si si. Il faut regarder autour de soi dans cette Abraxas au plafond bas comme un cave anti–atomique ces gens heureux. C'est un peu facile à dire, mais on a en temps toute cette scpne Madchester qui nous trotte dans la tête, Happy Mondays en chefs de file. C'est clair, c'est en vogue en ce moment, alors que ressort l'album SCREAMADALICA de Primal Scream. L'heure est de nouveau à la danse sur synthé et aux samplers, ouste l'instrumentation classique. Un atout indéniable au moment des comptes toutefois: Überreel, en se jouant des modèles, gardent une qualité de d'écriture suffisante pour voir plus loin qu'un simple plan marketing. Ainsi qu'une exécution quasi irréprochable. Il va sans dire que la présence de Ghostape derrière le micro est un apport non négligeable. Sans dire que le groupe s'est cherché, il s'est aventuré dans de multiples pistes, styles et équipage, avec le risque de tout devoir écarter sur sa route pour revenir à l'essentiel. Cette formation aux milles idées semble trouver en cet été sa véritable identité, canalisant ses élans en une électro–pop bien troussée, humble mais efficace. Il a fallu ce concert au For Noise ainsi qu'au récent Paléo Festival pour que les médias grand public s'y intéressent; en gros, eux aussi y croient. Cet automne devrait sortir le premier album d'Überreel, forcément sur le label Rowboat. Think Tank suivra de près l'aventure. 


Didier, moitié de la formation originale (son alter ego étant Pat V, co–fondateur de Rowboat), aurait pu toutefois nous obliger d'assister au concert le lendemain de Twin Shadow au lieu de profiter du beau temps. Décidément… Le For Noise parlait de la formation de George Lewis Jr. comme d'un "groupe crucial". Ce même Didier avait d'ailleurs fait le déplacement spécialement pour ce futur grand ("Tyrant Destroyed" étant une piste explicative). Gros ratage donc pour la rédaction de TT. Une promesse: nous y reviendrons lorsque le successeur de FORGET verra le jour. Suite: Wild Beasts en net progrès scénique, sans pour autant être transcendants. "Lion's Share", "Bed of Nails" et "The Fun Powder Plot" en ouverture, esquissant ce que livre le groupe en 2011: des ponts aériens entre le récent SMOTHER et le très acclamé TWO DANCERS, plus accessible. L'ensemble sonne encore commun dans la jungle des groupes britanniques. Les sauvent des énormes morceaux comme "Reach a Bit Further", "All The King's Men" ou forcément "We Still Got the Taste Dancin' on Our Tongues". A cinq désormais sur scène, les Londoniens se font les crocs et pourraient bien tenir comme il se doit des grandes scènes en 2012, avec leur pop raffinée et leurs bonnes allures.


Attendu au tournant, Blonde Redhead possédaient 9 chances sur 10 de décevoir un public venu pour entendre le Blonde Redhead première génération (période fin des années 1990) et non le Blonde Redhead de PENNY SPARKLE. On aura donc vu pas mal de déçus quitter précipitamment la grande scène du For Noise. Douze morceaux joués et une bonne moitié issue de cet album. Pour notre part, nous aurons tout de même pris un certain plaisir. Certes, difficile de jouer les avocats du trio new–yorkais; c'était mieux avant. Mais pas seulement. Si tout cela sonne bien trop consensuel pour ces soit disant descendants de Sonic Youth, le concert est d'excellente facture en tenant compte des choix artistiques du groupe; setlist intéressante, croisant PENNY SPARKLE avec 23 et MISERY IS A BUTTERFLY, alternant Kazu Makino et Amedeo Pace au chant, morceaux très pop ("Not Getting There"), brûlots remarquables ("Spring and Summer Fall"), proprement hallucinants, et petite pioche dans le passé ("In Particular" de MELODY OF CERTAIN DAMAGED LEMONS). "23" est aussi joué, moment pris pour mesurer deux choses: 1– le frère Pace est toujours aussi alerte derrière sa batterie. 2–certes, mais pourquoi tant de pistes samplées sur ces morceaux (basse, choeurs, entre autres). Peut–on s'attendre à plus authentique pour une formation rock? Jouer à trois, c'est bien, mais au prix d'artifices? Dernier groupe vu du week-end: Trentemøller en groupe, histoire de donner plus de peps à son récent album, INTO THE GREAT WIDE YONDER. Trop? On pourrait en discuter longuement… Le Pully For Noise a pris un très gros risque: on aura rarement vu pareille soupe sur la grande scène, par trop de basses saturées, de ritournelles simplistes, attendues et plaintives. Le Danois a–t–il perdu la tête? Le dernier jour du festival présentait les revenants Death in Vegas, les très hype Crookers et puis l'excellent Saul Williams. Une 15ème édition pas molle du genoux, pas autant défricheuse qu'on aurait voulu, mais pas de quoi s'alarmer: le For Noise reste une étape à ne pas louper, où les groupes suisses (Oy, Honey for Petzi, Peter Kernel et donc Überreel) feraient presque de l'ombre aux internationaux. Une bien belle revanche.