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20 janvier 2011

TT TRIP: Tennis

Photo: Julien Gremaud
C’est un jeune couple de navigateurs qui se cache derrière ce nom sportif, une promesse de romantisme et d’embruns lyriques. Pour le vérifier, écoute de leur premier album et déplacement à leur concert à Berne.

La mythologie qui entoure Tennis veut qu’il s’agisse d’un couple qui, lors d’un voyage de noces, s’est mis à écrire des chansons. Comme dans tout mythe, ce qui importe, ce n’est évidemment pas sa vérité factuelle mais sa signification. Et il est clair que ce motif correspond tout à fait à l’ambiance générale de CAPE DORY. Les chansons ne sont que comptines d’amour et candeur partagée. Ca suinte de tous les côtés. Ames insensibles s’abstenir. Ici pas de passion violente, mais une antique romance hors du monde, baignée d’innocence et d’insouciance. Tout ça, c’est très beau. L’instrumentation ouateuse et la grâce de la voix féminine rappellent évidemment la dream pop de Beach House. Mais si ces derniers produisent une musique dont le côté grandiose touche au splendide, Tennis joue dans un registre lo-fi moins proche des cimes. Plus que celle d’un chef d’œuvre, la beauté de CAPE DORY est celle de l’intime. C’est tout le talent de Tennis que de réussir à transformer un sentiment et une expérience personnels en une émotion universelle. On se sent profondément touché par ces chansons qui expriment le bonheur et la tendresse. Et de rêver à celui/celle qu’on aime. Et de pleurer celui/celle qui nous manque. Les tourtereaux auraient également été marins avant de se lancer dans la musique. Et ce thème des bateaux traverse également tout l’album : « Sitting in the sand waiting for you to return to land». Presque tous les titres font référence aux mondes nautiques. Le décor est planté : la vie d’amour au bord de l’océan. Le bonheur, c’est regarder passer les Waterbirds, la peur c’est naviguer la nuit. Tout ça fait un peu cliché, mais c’est tout le contraire car Tennis jouent une pop tout sauf kitch, qui fait penser aux années 50 ou au motown ou aux tropiques. On ne sait plus très bien. Ce gout pour le vintage se retrouvent dans certains de leurs jolis clips composés à partir d’images de cinéma muet. En moins d’une demi heure, CAPE DORY renferme plusieurs bijoux : Marathon fait mine d’accélérer en toute délicatesse, South Carolina fait pleuvoir les « wouhou wouhou » et Pigeon donne des frissons. Tennis réussissent avec une guitare, une batterie et un synthé à créer une pop merveilleuse tout en étant très simple, à l’ambiance proprement envoutante.


Le 13 janvier, c’est dans le petit et agréable ISC Club de Berne que Tennis ont largué les amarres. Après le cauchemar ultime que représente un concert de trentenaires suisses allemands jouant du rockabilly, c’est avec un espoir de délivrance que j’attends Tennis. Sur scène, les impressions de l’album se confirment. Le couple accompagné de son teneur de chandelle de batteur est tout en innocence, sourire et candeur. La chevelure et surtout la voix de la chanteuse impressionnent. Quand elle se met à faire des sauts de cabri, ça n’a rien d’un déferlement sauvage. Au contraire, on reste dans le registre de l’innocence et quand ses cheveux s’agitent, elle n’a d’yeux que pour son mari. Ca peut paraître idiot et conventionnel, et je dois être un indécrottable romantique au point que mon cœur s’érige le contrôle de mes oreilles, mais voilà moi ça m’émeut. « When you kiss me/ you really kiss me » chante l’épouse comblée. Que Tennis soit vraiment un couple ou non, des marins ou non, au fond je m’en fous. Leur musique m’a fait vraiment ressentir cette émotion, je suis donc prêt à tout croire.