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17 janvier 2011

TANKINO : TRON & TRON LEGACY

Illustration:Saïnath
En 1982 sortait sous l'égide de Disney un objet filmique non identifié ayant pour titre Tron qui fit un flop assez conséquent au près du grand publique mais qui devint culte pour toute une génération de jeunes élevés par Pac-Man, Pong et Space Invaders. Près de trente ans plus tard, les studios de l'oncle Walt accouchent d'une suite, gardant le fond et remettant la forme au goût du jour.

"Kevin Flynn est un programmeur de génie, mais ses programmes ont été pillés par un de ses collègues, Ed Dillinger, qui en tire le bénéfice et réussit à le faire licencier. Kevin tente alors de pénétrer dans le système informatique à la recherche de preuves à l'aide de son programme CLU. Mais le système est passé sous le contrôle d'un des programmes d'Ed, le Maître contrôle principal ou MCP (Master Control Program en version originale), un ancien programme d'échecs qui a évolué. CLU ayant été neutralisé par le MCP, Kevin (avec l'aide d'anciens collègues, Lora et Alan) s'introduit dans l'entreprise pour tenter d'avoir accès, de l'intérieur, aux informations qui lui rendraient la paternité de ses créations. Le MCP prend alors le contrôle d'un laser expérimental et réussit à dématérialiser Kevin pour le transformer en programme. À l'intérieur de l'ordinateur, dans un monde apellé "The Grid" les programmes ont l'apparence de leur concepteur. Kevin est capturé par les programmes à la solde du MCP qui tentent de l'éliminer en le faisant participer à des jeux dont l'issu est la mort. Étant le créateur de ces derniers, Kevin réussit à s'échapper et tente alors de sauver le système des mains du MCP et y restera piégé durant 25 ans, jusqu'au jour où son fils Sam, intègre lui aussi le système."


L'intérêt du film est au-delà de cette piètre intrigue de techno-thriller, seul importe le monde virtuel. Ce qui s'y passe a tout d'une guerre de religion. Cet univers numérique laisse place à une peinture prophétique: les programmes croient en leurs créateurs/utilisateurs (les usagers), une croyance que combat le MCP. En tant qu'intelligence artificielle, il veut devenir Dieu à la place de l'Homme dans le cœur des programmes. Tron est un prophète, le juste combattant du dogme classique, le héraut des humains, signe d'harmonie électronique, grand éradicateur de bugs. Il deviendra même David combattant Goliath lors de l'affrontement final. Quant à Flynn, investi des pouvoirs divins de l'usager (ressuscitant les programmes, maîtrisant les véhicules), il devra reprogrammer le MCP maléfique de l'intérieur. L'aspect Divin deviendra la trame principale du deuxième volet, où Flynn le créateur, tel un dieu renié par les siens, veillera sur le monde qu'il a créée. Aujourd'hui, beaucoup se demande en quoi Tron est un film culte et il parfois difficile d'expliquer à quelqu'un n'ayant pas le syndrome du geek ce qui fascine dans un film aux effets si obsolètes. Pour cela, il est nécessaire de remonter le temps et de restituer le contexte de Tron premier du nom. Le début des années 80 marque le début d'une nouvelle ère, celui du numérique. L’informatique explose aux Etats-Unis, Steve Jobs et Bill Gates sortent de leurs garages et deviennent rapidement les symboles de la révolution informatique pour devenir comme on le sait aujourd'hui, certains des hommes les plus influents du monde. Parallèlement, les jeux vidéo envahissent les fast-foods et remplacent les flippers. Ces événements quasi légendaires pour les hardcore gamers trouvent un écho dans la trame scénaristique de Tron. Tout un public est séduit par un film faisant du programmeur génial (et joueur invétéré) le premier protagoniste de son histoire: Le Nerd devient héros. Tron s'empare du vidéoludisme et propose à son public un défi cinématographique révolutionnaire: représenter des acteurs réels dans un univers informatique artificiel. L’histoire ne suppose rien de moins que la création d’un jeu vidéo en trois dimensions, et nous sommes au tout début des années 80 alors que c'est seulement près de 15 ans plus tard que l'ère du jeu vidéo en 3D sera démocratisé. Le recours à l’infographie s'impose comme un choix artistique essentiel. Le film doit être électronique, pour ne pas dire numérique: il proposera une vision originale de ce que devrait être un jeu vidéo vu de l'intérieur. Syd Mead, ayant travaillé sur Blade Runner et le grand dessinateur Mœbius seront les créateurs de ce monde virtuel, et produiront un design inédit et attractif où les formes circulaires prédominent dans cette univers polygonal. À la fois pari artistique et défi technologique, le film ne ressemblera à rien, un Walt Dinsey sous acides, dynamique, contemplatif et bizarroïde. La version 2010 quant à elle, optera pour le style épuré et glossy qu'on retrouve un peu partout dans le design actuel. La vieille souris à deux boutons a laissé place à la MagicMouse tactile. Le long-métrage est très respectueux de son aïeul et se transforme en mise à jour habile, sans prendre trop de risques, misant principalement sur la direction artistique, livrant une œuvre à l'esthétisme léchée et aux scène d'actions époustouflantes. Tron Legacy a su très bien réviser ses classiques, en effet, on y retrouve une architecture sous néons bleus sortie de Blade Runner, les intérieurs évoquent la chambre temporelle de 2001 l'Odyssée de l'espace et Kevin Flynn aka Jeff Bridges n'est pas sans rappeler Obi-Wan Kenobi.


La compositrice Wendy Carlos, qui fût une des toutes premières musiciennes à mélanger orchestre symphonique et synthétiseurs, illustrant musicalement le premier opus, a cédé sa place à deux grands noms de l'éléctro : Guy-Manuel de Homem Christo et Thomas Bangalter, plus communément connus sous le nom des Daft Punk. Les deux compères se sont déjà soumis à l'exercice de la bande originale sur leur film Electroma où sur les films de Gaspard Noé : Irréversible et Enter The Void pour ce qui est de Thomas Bengalter. Machine hollywoodienne oblige, leur BO cède à la grandiloquence de l’orchestre symphonique tout en y faisant répondre la puissance des claviers et des rythmes électroniques qui leur sont propre, restant dans la lignée du travaille de Wendy Carlos sur Tron premier du nom. Les Dafts scellent un mariage sombre entre classique et électronique, qui évoque le compositeur Vangelis ou Philippe Glass, accompagnant merveilleusement les images éthérés du métrage. Bref, une très bonne mise à jour qui vous mettra du bleu plein les yeux, pour peu qu'on ne soit pas allergique à la 3D et aux films commerciaux. Personnellement, j'y retournerai volontiers