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19 août 2015

3x3 albums pour un été 2015 caniculaire

Illustration: Bruno Aeberli


Que ce soit pour affronter la canicule, s'effeuiller au bord de la piscine, faire des vagues avec la main à travers la fenêtre de la voiture, suer le long de votre torse, se prélasser dans la pelouse, voici 3X3 albums qui ont tourné chez Think Tank afin de profiter pleinement des différentes fragrances estivales : sensualités, psychédélisme, excitation.


Pierre: Tory Lanez (Wedidit), CRUEL INTENTIONS 
Tory Lanez s’affirme de plus en plus comme l’artiste r’n’b masculin le plus en verve du moment, la dernière preuve étant donnée par le single très estival "Say It". Sur CRUEL INTENTIONS, il est accompagné du collectif de producteurs We Did it: Shlomo, Bauuer et RL Grime entre autres offrent à sa voix hyper sensuelle des productions percutantes et souvent matinées d’ombres. En cinq titres CRUEL INTENTIONS, dont les superbes "Acting like 1" et "In For It" offre des sommets torrides pour cet été. Avec une voix aussi sensuelle que celle de The Weeknd, Tory Lanez se distingue de ce dernier par une touche plus sombre et mélancolique. Un chaud-froid pour faire fondre ton petit cul et cristalliser ta sueur. 


Pierre: Victoria Kim, MUSIC TO … DRINK BUBBLE TEA 
Pour laisser tourner la musique le long de la route ou rester avachi dans une chaise longue tout en profitant de sons variés parfaitement assemblés, rien de tel qu’une mixtape. En boucle chez moi tout cet été, le must cette année, malgré son nom horrible, a été pour moi MUSIC TO … DRINK BUBBLE TEA de Victoria Kim. Ce titre constitue bien un des rares reproches qu’on puisse formuler contre ce mix. La crème des crèmes est sélectionnée pour vous. On retrouve ainsi Tory Lanez mais aussi ce qui fait de plus suave dans le r’n’b actuel avec Ty Dolla Sign, Tink, Kelela et Jhene Aiko. A côté de ces artistes presque évidents, des trouvailles ont également été dénichées comme le "Neva Leave Me" de Yummy Bingham ou de Le tout oscille entre lascivité et excitation tranquille. Victoria Kim signe un mix cohérent sans être lassant, les sonorités r’n’b’ étant entrecoupées par des éléments issus d’autres registres, notamment de la pop coréenne.



Pierre: White Poppy, NATURAL PHENOMENA 
Pour se reposer de toute cette sensualité r’n’b, ce troisième disque ralentit le rythme et laisse planer les guitares pour admirer les étoiles filantes. White Poppy réalise seul ce qui ressemble entre le mélange parfait entre l’expérimentation de Sun Araw et l’évidence mélodique du Brian Jonestown Massacre. Faite de guitares et de boucles en pleine synergie, NATURAL PHENOMENA explore une galaxie psychédélique le pas tranquille, d’une ivresse comblée aux rêves d’orient. Chaque titre s’empare d’une mélodie simple à la guitare pour la faire exploser en boucles, distorsions et tressaillements, entrainant autant excitation qu’hallucination. "Confusion", "Wild Mind" et "Mermaids", gage de qualité pour psychédélisme estival.




Julien: CFCF, THE COLOURS OF LIFE
Comme dans une publicité, en douze morceaux comme autant d'arômes flottant dans l'air. C'est le sas de décompression de l'été, le transat' d'après-sauna qui t'emmène sans discontinuer dans des airs régénérants auxquels tu ne peux t'empêcher d'y regoûter. Ce disque, c'est ton alibi pour tenter une nouvelle fois de convaincre tes collègues de rangs que le saxophone est un instrument inestimable. Depuis Destroyer, tu ne cesses de les forcer à se pencher sur cette affaire. Avec ce disque sans pause, ton défi va plus loin: il s'agirait presque de leur faire goûter à Peter Gabriel et Chris Rea. Ce n'est pas facile certes, mais tu y crois, même si la formation menée par Michael Silver a un drôle de nom. Ce flux ininterrompu est aussi exquis que compromettant, peu importe; rappelant autant E2-E4 de Manuel Göttsching que MUSIC FOR 18 MUSICIANS de Steve Reich, ce disque tombe à pic pour croire à l'été éternel.



Julien:  Kamasi Washington, THE EPIC
Mais avant que tes amis ne te fassent remarquer que tu as trop baissé ta culotte devant le soft-rock et que le combo sauna-télévision a des effets pervers sur ta street-cred, tu optes pour, peut-être, l’antithèse sonore de CFCF. Sous l’égide de Brainfeeder, label de Flying Lotus, Kamasi Washington te paraît être le parfait subterfuge: sorti en mai, THE EPIC devrait t’emmener au plus prêt des étoiles que tu regardes, parfois, avec appétence. Décrochement: l’ouverture ”Change of Guard” et ses cuivres annonçant un doublé piano-contre-basse des plus frénétiques avant que les choeurs n’achèvent de parapher tout le bien que l’on pensait de Flying Lotus et le bien-fondé de ses liens (le bassiste Thundercat depuis ses débuts, mais aussi Kendrick Lamar et son dernier album qu’il a produit, sans même parler de ses racines). Les… 160 minutes restantes de THE EPIC t’emmènent loin, très loin de ton transat’, même si le saxophone n’est jamais loin, ce qui te rassure. Mais ça va vite, très très vite. Pour s’assurer qu’on ne rêve pas, on ira lire l’excellent article de Natalie Weiner sur Noisey qui se plonge dans les sources du disque. Dingue.




Julien: Christian Rich, FW14
Ton été ’15 a commencé des plus délicieusement possible et tu ne comptes pas gâcher ces bonnes énergies. Ca tombe bien, avide de coolitude contemporaine, tu es tombé par un hasard tout relatif sur le premier disque du duo producteur originaire du Nigéria, Christian Rich. Composé des jumeaux Taiwo et Kehinde Hassan, ce LP peut se lire comme l’expression symptomatique d’un disque du XXIème qu’il faut forcément réussir (lisez: qui réunisse le maximum de noms, de couches et de styles différents). On vous passe les références aux Neptunes et autres producteurs influents des années 00; les frères Hassan convoquent références – ”Interstellar” de Christopher Nolan et Phillip K. Dick – et stars de demain (Vince Staples, Aleali May ou Niia) dans un album qui prend des airs de mixtapes deluxe, dans une époopée versatile entre le convaincant (”Forever Ever”) et le boursouflé (”High”). Mais l’essentiel n’est pas là, car s'il n'y a aucun vrai tube, tu as suffisamment de matière entre tes mains pour faire croire au DJ set réussi.



Raphaël: Kuedo, ASSERTION OF A SURROUNDING PRESENCE
Retour gagnant de l'été, pourtant pas estival pour un sous. On se souvient de la grosse période de Kuedo avec l'album SEVERANT en 2011, et puis plus rien. Et finalement, cette musique a plutôt mal vieilli. C'était pas donné d'avance, donc. 2015 signifie le retour de Kuedo avec nouveau label, Knives, sur lequel il a déjà sorti quelques-uns des trucs les plus excitants de l'année (J.G. Biberkopf et Jlin, en collaboration avec Planet Mu). Mais surtout, un nouveau gros EP/mini LP. Clairement, les productions de Kuedo ont évolué, et c'est une musique d'une toute autre ampleur, qui évite soigneusement la facilité de ses sorties précédentes qu'on découvre. Toujours un peu grime, un peu footwork, mais c'est surtout gamelan nauséeux et flûte de pan lancinante. C'est pas joyeux, c'est même un peu lancinant mais si l'apocalypse est prévue pour le mois d'août, je veux bien ça comme soundtrack. 





Raphaël: Tapes, NO BROKEN HEARTS ON THIS FACTORY FLOOR
Un peu de dub pour ton été? Tapes sort justement une compilation des ses morceaux depuis 2009, un drôle d'assemblage hétéroclite de morceaux, un peu funky, un peu house, aussi branlants que charmants de naïveté. Mais c'est pas parce que c'est cheap que c'est pas bien . Ca râpe un peu, mais c'est surtout vraiment fun.



Raphaël: EEK, KAHRABA
Qui a dit que l'été était fini? Pour conjurer la pluie (et toute forme de santé mentale), EEK a la solution. Le projet le plus flippant du Caire, mené par Islam chipsy, est au moins aussi barré sur disque qu'en live. A déconseiller aux épileptiques, l'hyper dance d'EEK est cathartique, libérée de la plupart des contraintes de format (y compris des BPM, on doit flirter avec la goa là) et de bon goût, mais à ce stade, tu sais quoi? On s'en balance du bon goût. Parce que c'est le truc le plus dangereusement dansant que l'humanité ait craché depuis un bout de temps, et ça donne de l'espoir. Autant dire que sur le papier, groupe égyptien + 2 batteurs + 8-bit + un million de BPM, ça fout un peu les boules. Mais ça le fait, promis.