Illustration: Guillaume Dénervaud |
Le Kilbi 2013 commence en douceur avec une programmation folk avant de finir avec beaucoup de bruit, pour une soirée finalement assez tradi avec comme point d’orgue le concert polémique de My Bloody Valentine : insupportable ou génial ?
Cette édition 2013, de fait, s’annonçait moins chill et plaisance que les années précédentes. Difficile de vivre la vie de hippies, de s’asseoir par terre et de trainer au camping. Au final, cela donne un festival à la rigueur rehaussée. Pas de jupes, pas de marcel à fleur, mais une foule de disciples la tête cachée sous une capuche, armés de bottes et de gros pull. La difficulté des conditions a cela de positif qu’elle fait se concentrer sur la musique et rend le simple acte de venir un geste presque militant en l’honneur d’une programmation et d’un festival qu’on est prêt à suivre les yeux fermés et les pieds mouillés.
La crème du jour
Dans une soirée très rock avec un son souvent violent et sans grand coup de cœur, Tinariwen sortent du lot simplement parce qu’ils ont su jouer dans un registre plus frais. Et voir des musiciens qui sourient après My Bloody Valentine, cela détonne. Leur rock berbère séduit facilement avec ses ballades bien rythmées grâce aux chœurs masculins et aux percussions. Néanmoins, le tout reste d’une forme très mainstream pour ce type de musique, assez consensuelle pour plaire à tout le monde. On est bien loin des guitares folles et de l’inventivité mélodique de Group Doueh ou Group Bambino.
La déception du jour
Bien qu’un peu anticipée, la déception lors du concert de Dan Deacon fut forte. A force de vouloir jouer les entertainer, Dan Deacon en finit par oublier sa musique. Ils seront bien rares les moments où on a pu profiter des compositions bricolées d’AMERICA et des précédents opus. Tout fut noyé d’abord sous un son bourrin. Déjà la nécessité de mettre une batterie en live n’est pas évidente, des rythmes pré-enregistrés se seraient mieux intégrés à la musique en général. Alors en mettre deux : un choix inutile et néfaste pour le son. Ensuite sous l’aveuglement de Dan Deacon dans sa mission de gentil organisateur de Club Med musical. Cela ne veut pas dire que l’idée de faire des concerts participatifs soit condamnable en soi. Au contraire, tous les moyens pour sortir le public de sa léthargie habituelle sont louables. Néanmoins, il faut savoir s’adapter au public. Jouer dans un club à Los Angeles ou à Kilbi sur une grande scène bien refroidie, ce n’est pas la même chose. Ce qui devait arriver arriva : la plupart des activités furent des flops, les consignes n’étant soit pas comprises soit pas suivies. Avec une mention spéciale pour la mission impossible de lancer un dance battle : elle restera sûrement comme une des pires de l’histoire.
Le craquage de slip du jour
S’il fallait trouver une constante à ce Kilbi, ce serait la propension des groupes à se lâcher complètement, laissant de côté toute volonté de finesse ou de tendresse, pour jouer volontairement franc du collier et du slip. A ce jeu là, le jeudi aura déjà permis de désigner les champions. Thee Oh Sees choisirent en effet, à quelques exceptions près, de ne jouer aucun de leur titres plus mélodiques pour se concentrer sur un style bien garage rock avec chanteur qui crie des hou hou et tout ce qui va avec. Dans le genre, ce fut très bien fait. Efficace et potache à la fois.
Le tour du monde
Pour se mettre en jambe tout en douceur mais alors vraiment tout en douceur, on commence ce Kilbi avec le concert de Kurt Vile. Seulement quelques jours sont passés depuis mais, la vérité, il est déjà difficile de se rappeler quelque chose de ce concert. A l’image des derniers albums de Kurt Vile, on retrouve une folk bien écrite mais qui perd de plus en plus le côté enfumé qui faisait la qualité de ses premiers titres. Même en live, le tout sonne extrêmement huilé et sans aspérité. Cette édition 2013 ne décolle toujours pas avec Jim Jarmusch et Josef Van Wissen. A peine débarqué de Cannes, Jarmusch donne d’abord l’impression de gratifier le public de deux chansons d’accordement de guitares pour ensuite partir sur un rock tout aussi ennuyeux. Trop tard on est déjà parti. Le concert le plus attendu et commenté de la soirée fut évidemment celui de My Bloody Valentine. La bonne surprise fut qu’il commença, à rebours des inquiétudes, avec un son pas trop fort. Pour My Bloody Valentine, cela va sans dire. Avec des boules Quiès bien enfoncées dans les oreilles, les premiers titres sont carrément séduisants. Les guitares sonnent évidemment hyper forts tandis que la voix susurre, facile de retrouver ce qu’on apprécie déjà sur leurs albums. Au point d’être subjugué par l’anti-rock attitude de Blinda Butcher. Malgré quelques problèmes techniques, on est prêt à tout pardonner et se laisser tomber la nuque dans ce shoegaze mousseux. Malheureusement, le niveau sonore monte crescendo comme si le groupe ne pouvait tenir un concert sans insupporter tous les non-dévoués. Le final en représente le moment horrifique. Même retranché au loin, l’agression est violent d’autant qu’elle paraît illégitime artistiquement. Pour s’éclaircir la tête avant de prendre la voiture, petit détour par l’after dans le Bad Bonn où le funk permettra de tester les nouveaux pas de danses. Histoire d’être prêt pour le lendemain.
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