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12 mai 2012

TT Speaches / Avril 2012

Illustration: vitfait


Retour à trois pour effectuer un recensement printanier maousse. Ce mois d'avril aura connu de véritables giboulées de sorties de disques, tant dans la catégorie poids lourds que dans celle des pépites inattendues. Cette pluie d'albums ne pouvait donner qu'un Speaches florissant, avec du hip-hop, de l'électro, du vieux rock, des artistes français, allemands, britaniques, de la musique sensuelle, ringarde, péchûe etc. Le panier est garni de tous les mets possibles: Jack White, Nicki Minaj, Sebastien Tellier, Dandy Warhols, Kindness, 1995, Battles et Santigold. Entre autres...




Julien: Un TT Speaches se débute en principe par une auto-critique, un aparté, ou va droit à l'essentiel. Parfois, on commence par du léger pour mieux s'attaquer aux grandes sorties en fin de recensement. Et puis, le bizarre, l'étrange ou le barré y voit sa place toute trouvée, les yeux pas encore épuisés par l'écran. Ainsi, Bertrand Burgalat réunis tous les prérequis pour ouvrir les feux. Alors que tout le monde attend Sébastien Tellier, entre espoir réel ou délectation cynique (nous y venons, c'est obligé), Burgalat réapparait alors qu'on semblait ne plus l'attendre en solo. Le fait n'est pas anodin: à bientôt 50 ans, le binoclard a façonné dans l'ombre une certaine idée de la pop française. Fondateur du label Tricatel, il est la figure, l'archétype, du musicien de bonne famille, collectionnant les synthés, parfois les filles, se dégageant nonchalamment de tout lien avec la chanson française établie pour se livrer corps et âme à ses obsessions mélodiques, tendance années 80, se revendiquant autant de la Nouvelle Vague que du prog-rock. Ses artistes signés sont les diligents de ce raffinement, entre Ladytron, April March, Les Shades et surtout A.S. Dragon. En disque solo, Bertrand Burgalat trace cette même quête et il faut s'accrocher: TOUTES DIRECTIONS semble encore plus luxuriant que CHERI B.B. et PORTRAIT ROBOT, presque baroque par instant. Comme toujours, les intros, interludes et aux-revoirs font partie de l'"expérience" Burgalat, c'est très important. Pourtant, de très grandes pop songs s'en dégagent: "Voyage sans Retour", ultra-accessible et nunuche, "Double Peine", proche des productions d'A.S. Dragon d'alors, "Très Grand Tourisme" à l'aise la décapotable, linéaire et sensuel. TOUTES DIRECTIONS est une somme ample, dorée, FM et volontairement légère - on ne passerait pas ce disque dans un congrès international sur le post-punk. Il y a de quoi s'énerver de cette attitude ultra-franchouillarde, l'ambiance centre commercial, les mauvaises soirées bowlings, les grands appartements. C'est pourtant quand Burgalat regarde plus loin que la France qu'il prend toute sa grandeur ("Dubai my Love", "Berceuse", "Too Much"), arrangeur balèze, le fantasque en simple toile de fond, passant de simple amuseur à musicien érudit, décloisonnant mainstream et élitisme. Ca vaut forcément mieux qu'un énième disque de Air…


Julien: Sebastien Tellier est ainsi le gros client du mois - avec Jack White. Mais c'est différent. Car Tellier se veut différent, que les médias français en font vraiment trop depuis novembre dernier et qu'il a mine de rien livré deux ou trois superbes disques la décennie passée, avec des hymnes prog-érotiques à la clé. D'une certaine façon, Tellier-Burgalat, même ADN, la bonne famille, les obsessions mélodiques, l'aisance cool, les petits jeux de scène. Et puis, Tellier vise plus haut, beaucoup plus haut, au point qu'on se demande si tout ce buzz n'a pas été en partie montée de toute pièce. Le trip du bleu là, c'est pas un peu trop, non? MY GOD IS BLUE aurait pu être l'épitaphe artistique de Tellier, son ODDITORIUM OR WARLORDS OF MARS des Dandy Warhols (à l'affiche aussi ce mois-ci), vain, démésuré et pourtant si magnifique. La blague du bleu aurait pu déboucher sur du champagne. Sans mauvais jeu de mot, "Pepito Bleu" marquait: une grande percée reprenant la libido de SEXUALITY avec des chants grégoriens, un petit Gainsbourg (petit alors) au chant, le morceau d'ambiance comme ne sait pas en faire cet affreux Woodkid. Dès "The Colour Of Your Mind", MY GOD IS BLUE vrille dans une new-wave larguée, le meneur absent, en tout cas indigne de son niveau - "Draw your World", "Against The Law", "My God Is Blue", "Yes, It's Possible" paraphent la curiosité dans des styles aussi improbables que le Hard FM, le R&B et la chanson pour jeunes enfants. Parmi ces choses douteuses, on retrouve du répit avec "Mayday" et "Magical Hurricane"; avec "Cochon Ville", ce sont à mon avis les titres qui marchent le mieux, car sans mégalomanie revendiquée, sans cet humour de Parisien de bonne famille qu'on ne comprendra de toute façon pas, ces conneries de Dieu et compagnie. Toutefois, je propose à quiconque d'essayer l'aventure, de passer 6 fois le disque de suite, il y a quelque chose. Peut-être pourra-t-on l'expliquer concrètement dans dix ans. Ou pas.


Pierre: Il y a plein d’éléments qui donnent envie de trouver en effet quelque chose à ce MY GOD IS BLUE. D’abord le fait que Sebastien Tellier soit au fond totalement au premier degré. Il y a une naïveté dans sa mégalomanie qui la rend émouvante. En plus, où trouver autre part dans le morne monde de la chanson française ou de la chanson tout court un tel délire et une telle ambition, qui permettent tous les audaces. Tout cela peut faire qu’on a presque envie de sauver cet album qui pourtant se révèle assez décevant. Au niveau musical, les tartines de sons érotico-antiques cachent avec peine une baisse de régime dans l’écriture des chansons. Au niveau mélodique, on est bien loin des "Ritournelle", "Look" et autre "L’amour et la violence". Le piano a disparu sous une mélasse parfois amusante de kitsch mais le plus souvent barbante. MY GOS IS BLUE représente le premier album où Tellier sort la grosse production. L’émotion en ressort perdante et le cas s’aggrave avec l’imagerie qui entoure l’album : l’alliance bleue. Alors peut-être que je me ferai traiter de de coincé, mais franchement je trouve le décorum naze. Pas grand chose ni d’excitant ni de subversif, ni de drôle à ces mises en scènes de femmes forcément nues et forcément belles et d’hommes forcément soit en costard soit la bite triomphante, forcément violents. Avec SEXUALITY, on avait envie de se serrer très fort, avec MY GOD IS BLUE, on ricane à peine en espérant que cette secte aux allures du Carlton de Lille reste la plus éloignée possible. Le délire reste, l’émotion trépasse.


Pierre : Pour trouver un album véritable love et sensuel ce mois-ci, en fait il ne fallait pas se tourner vers Sebastien Tellier mais bien plutôt du côté de Kindness et de son album, WORLD, YOU NEED A CHANGE OF MIND. Avec une production hyper suave signée Zdar, ce britannique joue dans la même cour que Metronomy. A la différence que lui a définitivement laissé de côté l’influence pop-rock, sauf peut-être sur "Gee Up", pour plonger la tête la première dans une disco voire même parfois carrément dans la dance. Ici pas de gros zgeg, de vieille fornication de barbus lubriques, mais une musique suante, luisante, appel franc à l’amour, à la baise ou à toute forme d’effusion. Même si le gars a une voix bien sensuelle, il sait parfaitement laisser le devant de chansons à des voix féminines endiablées, comme sur la géniale "It’s allright" où elles entonnent un « If you want it, come and get it » qui donnent envie d’oublier toute forme d’attentes sociales pour céder définitivement. Mais Kindness sait surtout utilisé ces sons ultra sucré dans d’autre registres que celui de la sensualité débridée. "House" utilise clavier et synthés pour chanter une ode romantique, "Anyone can fall in love" donne véritablement de tomber amoureux de tout le monde, la basse et la guitare disco accompagnant nos étreintes. A vrai dire, on trouve très peu de mauvais titre sur WORLD. YOU NEED A CHANGE OF MIND. "Swingin’ Party" fait monter une mélancholie irrépressible tandis que le premier titre de l’album, "SEOD", débute par une long intro instrumentale démontrant le talent de Zdar, avec des solo de guitare qui font eux aussi penser à Egyptian Lover, constat qu’aucune seconde de l’album ne viendra démentir.





Julien: L'obsession mélodique des Français peut se comparer à la tentation ultra-lyrique des anglo-saxons, Arcade Fire en tête, pour le meilleur et pour le pire. A cheval sur les styles et les scènes musicales, le Québecois  Patrick Watson a jusqu'alors fait tout juste, avec comme sommet WOODEN ARMS en 2009 parachevant ses bonnes intentions exprimées lors de ses débuts humbles en 2003. Aujourd'hui, Watson est rangé à côté de Beirut, Timber Timbre ou de Fanfarlo, mais les affiliations sont plus classiques (Neil Young, Elvis Perkins), audacieuses (Sparklehorse, Grandaddy) ou grandiloquentes (Midlake, Jethro Tull). WOODEN ARMS avait placé le nom Watson parmi les candidats au titre de compositeur de "la plus belle musique du monde", titre laissé aux plus offrants après la bulle Sigur Ros. Tout ceci était effectivement très beau, mais on retiendra surtout les structures foutraques, le baroque, et les titres définitifs. Pourtant fourni en instruments, l'album gardait une consistance étonnamment versatile. ADVENTURES IN YOUR OWN BACKYARDS est d'un autre acabit, mariachis, présence féminine, et grandes envolées lyriques. L'ouverture éponyme place le tableau, lancinante harmonie proche des parrains du genre, Calexico et Iron&Wine. Les titres, plus denses et ambitieux, semblent avoir été composés en pensant que chacun serait le dernier: cet album ravira les fans - toujours plus nombreux - de Patrick Watson et laisseront perplexes ceux qui attendaient un peu plus de prise de risque. Certes, le blues est plus présent - "Step Out for a While", "Morning Sheets" - mais la monture garde ce rythme d'interludes (trop nombreuses),  de petites ballades, de grands morceaux pop et ainsi de suite. Au final, l'album donne cette impression de tourner en rond sans véritable accroche. C'est une qualité (un style personnel) et un défaut (le titre très voltairien donnait le ton). Reste cette country-folk des grands airs, belle et pourtant si peu prétentieuse, mené par un bon gars (la rencontre au Bad Bonn est un souvenir aussi improbable que drôle). Musique d'adulte (Watson) contre musique de fils à papa (Burgalat, Tellier)?


Pierre : En parlant de papa, les années passent, elles semblent encore plus passées avec Jack White (cover ci-dessus). En bon Américain, l’ami Jack est parti d’ingéniosité indépendante, a connu le succès presque par hasard, édifié un empire de tubes, à coup de collaborations incessantes, d’associations plus ou moins judicieuses pour enfin détenir le titre de dernier véritable Guitar Hero. Le problème, c’est peut-être que personne n’en veut plus vraiment et que le mec prend un peu trop son rôle à cœur. A vrai dire pour la plus grande majorité des titres de BLUNDERBUSS (XL Recordings), on s’étonne qu’on puisse écrire des trucs aussi réactionnaires aujourd’hui et surtout qu’autant de monde semble apprécier. Triste de voir un musicien qui à partir de rien réinventait le rock indé se transformer en gardien d’un temple dépassé.


Julien: Si aujourd'hui son nom est partout, présent au chevet de vieilles gloires américaines ou encore dans les Simpsons, Jack White est venu d'à peu près nulle part au tournant du Siècle. En Angleterre, on s'est mis dès 2003 à chercher le meilleur groupes du monde chaque semaine; seulement, White avait déjà tué le suspens avec les Bandes Blanches et ouvris un nouveau chapitre rock, aux côtés de John Spencer. Son succès n'est selon moi pas un hasard comme tu le prétends Pierre, même si les USA se sont rapidement accaparés White (puis les Kings of Leon) pour se satisfaire de leur soif de phénomènes. Le succès critique des premiers albums est d'autant plus justifié si l'on réfléchit à la suite discographique et super-bandesque. Tout était-il déjà dit?

 
Pierre: Malgré un début pas trop mal réussi, le tube pêchu "Sixteen Saltines" et la hargneuse "Freedom At 21" (et encore !, cela ressemble au fond à du Arctic Monkeys), l’écoute cet album est des plus pénibles. Dès le quatrième titre, on est partie pour neuf ballades interminables, molles au possible, variant entre White Stripes en moins bien pour le mieux et en rock jazzy pour le pire. Les chœurs féminins mièvres viennent donner le coup de grâce. De la musique de grand-père pour qui le rock ne signifie plus que se tapoter sur les genoux, pensant au bon vieux temps assis sur un banc sans jamais daigner se demander ce qu’il se passe dans la rue.


Julien: Le plus triste est sans doute de retrouver les mêmes accords sur "Sixteen Saltines" que sur "The Hardest Button to Button" (2003 déjà)… Avec un "I'm Shakin'" assez quelconque, l'ouverture "Missing Piece" très proche des Raconteurs et "Trash Tongue Talker" ultra-sudiste, BLUNDERBUSS ne possède que peu d'arguments péchus. White ralenti donc toujours plus le tempo, mais quelques titres sont tout de même à sauver (l'éponyme "Blunderbuss", le très Bright Eyes "On an On and On"). Cela dit, je suis tout à fait d'accord sur cette consensualité latente. Allez, sors dans la rue Mr. White!


Raphaël : On le verrait effectivement volontiers sortir dans la rue, jeter même une oreille à ce qui se passe dans la musique actuelle (même rétro), mais qu'attendre de Jack White ? Je n'ai pour mon compte jamais été pris totalement par la déferlante White Stripes, même s'il est indéniable qu'il y a du bon dans leur discographie. Ce disque (se voulait-il celui de l'émancipation?) est à la fois très mainstream et incroyablement mou. Plus que jamais, Jack White semble regretter d'être né blanc mais, étrangement, semble incapable de lâcher les bombes groovy dont il était pourtant spécialiste. Les caractéristiques qui faisaient, qu'on l'apprécie ou non, la marque de fabrique de Jack White - cette hargne, ce côté poussiéreux jusque dans les morceaux les plus putassiers- ont disparu pour laisser place à une production intégralement FM franchement pas jolie. Je crois que ce que je ressens à l'égard de BLUNDERBUSS se résume à une anecdote: alors que je parcourais la mine d'informations discogs.com pour savoir qui était le coupable de cette production à qui j'en veux tant, dans un sursaut, voyant '2012' à côté de l'un des albums de Jack White (celui-ci), j'ai eu un sursaut : « tiens, il sort encore des trucs ? » No comment. 

Julien:  Je reste toutefois convaincu qu'il ne faut pas enterrer Jack White trop rapidement. Après tout, ce n'est que le premier album solo.





Julien: Décidément, l'immobilisme semble être le thème sous-jacent de ce Speaches et ce ne sont ni les Dandy Warhols, Graham Coxon, Lower Dens ou Tristesse Contemporaine qui changeront la donne. The Dandy Warhols (cover ci-dessus) n'est pas le groupe le plus insipide toutefois: de groupe le plus cool du monde, la formation de Portland, Oregon, est revenue à ses racines psychédéliques, tournant le dos au grand public et aux critiques. THIS MACHINE reste auto-produit par Courtney Taylor (-Taylor), délassant à défaut d'être ahurissant à l'instar de quatre derniers albums.  Ce neuvième LP peut paradoxalement se lire sous un autre angle, après le disque du bilan l'an passé (le best-of …ARE SOUND). Si les années THIRTEEN TALES FROM URBAN BOHEMIAN (2000) ou WELCOME TO THE MONKEY HOUSE (2003) paraissent très loin, on distingue quelques changements chez les Dandys: plus de nervosité (l'ouverture "Sad Vacation"), plus d'efficacité - du grand air pop sur "The Automn Carnival" au tube gaga "Enjoy Yourself", et davantage de cohérence d'une certaine manière. Les Dandys gardent leur ADN ("Don't Shoot She Cried"), leurs égarements ("Slide"), leur nonchalance certes ("16 Tons" et son « I owe my soul to the company store »); royalement oubliés sur la route de l'Histoire, The Dandy Warhols enregistrent désormais des albums, sans prétention, à la chaîne, avec une facilité tout de même déconcertante à aligner les mélodies. Ici, Taylor-Taylor enlève du fuzz, simplifie ses idées et raccourci le propos. THIS MACHINE pourrait bien être le disque du renouveau Dandy Warhols; pour toutes ces qualités - accompagné d'un profond amour pour ledit groupe - il est mon disque du mois, sans forcément être le plus novateur ou intéressant. L'immobilisme, ça a du bon parfois (je préfère 100x cela au comportement conservateur de Jack White)…


Julien: Graham Coxon a lui aussi tout vécu, la lumière des années légères de Blur, les concerts gigantesques, la descente (l'avant THINK TANK, 2003), et une cadence hallucinante de production d'albums personnels, auto-produits et hors époque. Jack White semble se vautrer dans les pires clichés US? Achetez plutôt le nouveau disque de Coxon, nerveux et splendide! A+E (sorti chez Parlophone) fut relativement mal accueilli par les critiques. Trop primaire, trop jeune, trop fantaisiste, A+E déçoit car sort le britannique de son carcan relativement confortable pour lui et pour ses fans - l'ultra-indé, vous voyez. A+E n'est en effet pas le sommet sensible de l'ancien Blur: l'euro-rock "What'll It Take" fera peur à pas mal de gens, les très Fall "Meet and Drink and Pollinate" ou "Advice" ne sont pas des plus originaux. L'intéressant dans cet album est ce renvoi aux murges anglaise brillamment exprimées sur "Seven Naked Valleys" ou "Running for Your Life". Déglingué, A+E  appelle au meilleur des disques alcooliques et au glam de Pulp ("Bah Singer", proche de "We are the Boys"), sans forcément en rire. Ce 10-titres joué quasi-exclusivement en accords mineurs trouve peut-être son épitaphe sur le post-punk "City Hall". Le temps qui passe n'a pas d'emprise sur Coxon.  


Julien: Je poursuis cette mini-recension rock avec deux contemporains, Lower Dens et Tristesse Contemporaine. Aperçu lors du festival Super mon Amour à la Gaîté Lyrique l'an passé, Lower Dens n'est pas la plus maladroite des formations à guitares. Ni la moins documentée. TWIN-HAND MOVEMENT présentait Jana Hunter comme une excellente meneuse. Tour à tour psychédéliques puis flamboyants, les titres de cet album inaugural étaient une superbe surprise (l'exceptionnel "Rosie") et étaient la preuve concrète qu'on pouvait jouer d'immobilisme rock et encore étonner / séduire. NOOTROPICS semble a priori ne pas sorti trop grandement de ce schéma: "Brains", sorti quelques semaines avant l'album, restait carré à souhait, rappelant ici et là les grandes sœurs Electrelane, l’excentricité partagée. "Stem" garde la même rythmique pour préparer un Lower Dens grand format, plus développé et généreux, surprenant donc alors qu'on n'attendait de cette formation qu'une répétition de son pedigree noise-rock. Surtout, Jana Hunter s'impose véritablement, avec par exemple "Alphabet Song" (pas loin du Blonde Redhead fin années 2000) "Propagation" ou "Nova Anthem", très contemporains (certains diront très Beach House) et le très ambitieux final "In the End is the Beginning". L'origine musicale de Tristesse Contemporaine n'est pas franchement éloignée du groupe de Baltimore: une basse ultra-carrée, des guitares aiguisées et peu de temps perdu sur les intros. En apparence, le trio n'étonne pas donc. Première écoute intéressante, pas de révolution en vue, des influences plus que décelables et pourtant quelque chose s'en échappe. « La tristesse durera toujours » est le slogan revendiqué, les parrains sonores pas trop mal: Primal Scream, Cocteau Twins, Leonard Cohen, John Cassavetes… L'origine multiple du groupe (Tokyo, Stockholm, Londres) s'ancre à Paris. Le local Pilooski  enregistre le premier album (son remixe de "Mother Sky" de Can est à écouter absolument). Et donc TRISTESSE CONTEMPORAINE dévie de l'ombre tutélaire qui l'aura fait passer le groupe éponyme pour banal: "Empty Hearts" quitte ainsi la structure de Joy Division pour s'inscrire dans une électronique Kraut), "Hell is other People" montre comment passer de post-punk en R&B en trois minutes, en tech-house vidée de son évidence sonore sur le fantomatique "Hierarchie", en soul glaciale sur "Daytime Nighttime" et le final "America". Le trio sait aussi signer un tube de frimeur avec le très efficace et dansant "I didn't Know", magnifié par la direction sonore de Pilooski. On réchauffe l'atmosphère de ton côté Pierre?





Pierre: Autre grosse sortie en effet, PINK FRIDAY : ROMAN RELOADED, le nouveau Nicki Minaj. Beaucoup ne connaissent cette dernière que pour des vidéos sur internet ou pour son look et c’est bien dommage. Bien sûr, il y a quelque chose en elle d’une sorte de Lady Gaga noire. Mais ici, il y a bien un enjeu: s’imposer dans le monde toujours très machiste du hip-hop. Minaj le fait d’une part en assumant l’objectivisation et la sexualisation de son corps. Elle surjoue le rôle qui lui est attribué pour se le réapproprier et en profiter. D’autre part, Minaj affirme sa puissance par des titres monstrueux et flow bien méchant. Le début de ROMAN RELOADED met tout le monde du hip-hop actuel à l’amende, Minaj jouant sur une forte dramatisation de sa voix, n’hésitant pas à varier les tons et les registres, passant de l’accélération à la suffocation sans crier gare. Certains titres deviennent ainsi de joyeux bordel, prouvant que le hip-hop mainstream est encore capable de produire des trucs exigeants. Un titre en est l’image : "Come On a Cone". Cela commence part un flow lent et plein de morgue, le son est strident, puis soudain les mots "Put my dick in your face", répétés à la manière d’un refrain R’N’B le plus mielleux, retentissent pour donner un final hallucinant.


Julien: Le titre suivant "I am Your Leader" est aussi une tuerie et montre que tout le décorum baroque-rose n'est pas un fond de commerce, même si l'ouverture "Roman Holiday" n'est pas des plus encourageants. Tu as trouvé encore plus radical que "I am Your Leader" n'est-ce pas?


Pierre: Le premier single, "Beez in the Trap", ne fait pas dans la dentelle non plus. Avec une des productions des plus réussies, surpuissante de minimalisme, ce titre est d’une puissance incontestable. Malheureusement, ROMAN RELOADED souffre du côté fourre-tout de l’album. Et si les sept premiers titres sont autant de baffes bien données, tout se gâte avec l’arrivée de Chris Brown en featuring. Et ensuite, Minaj s’enferme dans un registre beaucoup moins hip-hop, se profilant comme une sous-Rihanna sans grand intérêt. Il vaut pourtant la peine d’écouter le tout jusqu’au bout, "Stupid Hoe", une dernière tuerie où Minaj se déchaîne sur toutes ses ennemies. Le tout sur un beat frénétique et se terminant sur un final génial, où Minaj donne une dernière fois toute la mesure de son talent vocal, performant falsetto et variant au possible son flow.


Julien: C'est un constat que l'on peut souvent dresser sur des albums de ce type, souvent excellents en ouverture et ne tenant pas la longueur (Right By My Side est particulièrement mauvais). En même temps, en est-il autrement des autres genres musicaux, se revendiquant souvent de cet héritage de cette grande époque des albums (1964-1972). Je me tourne vers toi Raphaël pour une autre candidate avec une question: reste-t-il encore de la place pour Santigold avec son nouvel album?


Raphaël:
--> Pour sûr, et elle en prend. SANTIGOLD qu'on avait pour la plupart découverte en 2008 sous l'alias Santogold, se révèle intéressante à l'analyse après Nicki Minaj. Les deux évoluent dans le circuit major mais dans des strates bien différentes : Santigold, pour son compte, revendique The Smiths comme idoles et a débuté sa carrière comme responsable artistique chez Epic records (elle connaît le business, quoi). Le niveau de popularité atteint, après un premier album de pop futée et polyvalente, a montré qu'il était possible de se démarquer à l'intérieur même du mainstream. MASTER OF MY MAKE-BELIEVE est construit de manière assez similaire à son prédécesseur : un disque pop dont la cohérence subsiste malgré des morceaux de qualité inégale et un éclectisme délibéré. Si son premier album éponyme a ouvert une brèche dans la musique à grande visibilité, celui-ci ne fait pas nécessairement preuve de la même audace vaguement sauvage mais se contente de reproduire un schéma très proche. A nouveau, Santigold brasse large: pop-rock mélancolique (''God From The Machine'', ''Disparate Youth'', ''The Keepers'', déjà un peu limite), hip hop presque jungle à la M.IA (''Freak Like Me'', ''Fame'' et ''Look At These Hoes'', assez proche de l'esprit du ''Beez In The Trap'' de Nicki Minaj) et même dub (' Pirate In The Water'). ''Big Mouth'', tube en puissance et probablement meilleur morceau de l'album se développe, à partir d'une structure assez classique, en un hymne balaise et termine l'album de la meilleure manière qui soit. Poser un avis sur un disque de Santigold amène, au-delà de la musique à une réflexion sur l'état de la scène. Oui, il y a de mauvais morceaux comme l'affreux ''This isn't our Parade'' ou ''The Riot's Gone'', oui, les références sont très présentes (Missy Elliott en puissance). Mais Santigold réussit à se démarquer une nouvelle fois dans une niche un peu plus ambitieuse, à défaut d'être novatrice, de la musique pop qui se retrouve parfois un peu altérée par la surconscience que transpire sa démarche.




Raphaël: On continue hip-hop?

Pierre : Moins d’un an après le coup de fraicheur de LA SOURCE, 1995 revient déjà avec un nouvel album LA SUITE. Une sortie tellement rapide qu’on pas vraiment eu le temps ni de l’attendre, ni de la souhaiter vraiment. Surtout, la production a déjà perdu de sa simplicité, les instruments marqués jazz ont remplacé les guitare acoustique et les samples à l’arrache. Les titres de LA SOURCE sonnaient tous comme des manifestes du genre, ici les lyrics tombent dans les clichés et les historiettes sans grand intérêt (la consternante "Taille de guêpe"). Les gars avaient l’air des jeunes branleurs prêts à tout éclater, ils semblent s’être déjà apaisé et avoir commencé à écrire des titres moins forts et beaucoup plus chantés. Il y a qu’à comparer la baffe du refrain de "La Source" en forme profession de foi au gnan gnan de celui de "La Suite", à l’odeur de lassitude.


Julien:  Précisons toutefois que ni LA SOURCE ni LA SUITE ne sont des albums, mais bien des EP officiellement. Officieusement, la lecture des deux disques peut être vue comme plus ambitieuse. De fait, une si courte période entre deux travaux est souvent préjudiciable. Je n'y vois pas vraiment de mauvais signe car cet empressement à aligner les productions se calmera avec les tournées et les responsabilités grandissantes. Il est indiscutable que LA SUITE n'a ni la fraîcheur de son grand-frère, ni les tubes flambeurs mais le travail de production se devait d'être relevé - attention, UNIVERSAL est derrière la formation dorénavant, la pression n'était pas négligeable à mon avis. Mais dans tous les cas, 1995 est un groupe d'avenir, le meilleur reste à venir, j'en prends le pari dès aujourd’hui.


Raphaël: Parlons maintenant remixes: Battles, pionners du math-rock grand public présentent, après la sortie de GLOSS DROP, DROSS GLOP (normal, quoi), album de remixes dont la guest-list en impose. Pas entièrement convaincu par l'album, mon intérêt à été éveillé à nouveau lors de l'annonce des remixeurs: Kode9, Pat Mahoney,  Hudson Mohawke, Silent Servant, Shabazz Palaces, etc. Etrangement, malgré les artistes sélectionné, la constante tend au manque d'audace général. Alors que la frontière entre rock et électronique semble de plus en plus faibles et que leur interaction génère foule de projets fascinants, remixer des groupes de rock conduit bien souvent à des résultats à la stérilité désolante. Ici, tout n'est pas mauvais: il y a les bons élèves et les autres. Les bon élèves, Gui Boratto par exemple, jouent le jeu jusqu'au bout et tentent d'exploiter la base rock des morceaux. Celui-ci pourtant, sur le remix de ''Wall Street'', frise le ridicule tant il est sirupeux, surproduit et peu inspiré. Ainsi, Hudson Mohawke, Yakatama Eye ou Qluster, trop scolaires, tombent dans le même piège. Où se situe l'intérêt de cette absence de prise de libertés? Droits, mono-dimensionnels, la plupart des remixes n'apportent aux originaux aucun élément d'âme, aucune réinterprétation propre à leurs remixeurs. Si quelques-uns des morceaux font preuve d'une qualité certaine, seuls trois artistes osent: The Field, Kangding Ray et Shabazz Palaces. Le premier en poursuivant son obsession malsaine des loops (en plus dark), le second plongeant dans les tréfonds d'une slow-techno industrielle alors que les derniers refondent ''White Electric'' en un hip hop grinçant qui donne envie de taper du quidam.


Julien: Transition nettement moins anxiogène avec des "locaux" pour moi. De Leipzig, ma ville d'accueil pendant ces mois agréables, Marbert Rocel joue entre les clubs locaux, le Watergate de Berlin (oui oui, le club) et Amsterdam, représentant idéalement ce qu'est aujourd'hui la musique pop en Allemagne: très synthétique, peu d'arrangements, de longues pistes, dvp. Marbert Rocel ne sera jamais un grand groupe et semble s'en satisfaire pleinement. SMALL HOURS possède cette patte détendue, sans prétention autre que signer de bons titres (pas extraordinaire non plus). Par moment, on sent l'influence du travail de Matthew Herbert pour Moloko ("Whether the Night"), celui plus contemporain des Whitest Boy Alive ("Small Hours"), des productions de Floating Points ("I Wanna") ou de collègues électroniques de Pampa Records, de Feindrehstar, ou The Mole. Si la France semble se conforter dans son idée de la grande production flamboyante et gonflée, l'Allemagne garde la tête froide et poursuit elle aussi ses obsessions sonores, très électroniques certes, mais à la recherche du swing parfait, du plus petit dénominateur commun dansant, du son ultime ("Lax Sax" est en ce point magnifique, entre The Notwist et Caribou). Sans surprise, ce groupe électro-pop se trouve sur le dernier numéro des compilations Future Sound of Jazz (volume 12), renaissants après une pause de cinq années. Les Munichois de Compost Records tentèrent dès 1995 de relever le défi d'une compilation intéressante de bout en bout, jusqu'à s'épuiser. Cette 12ème édition touche aussi bien du désormais connu - Sepalcure - que des projets beaucoup plus avant-gardistes: les Japonais de Ragout de Lapin, le jazz-house allemand de Wareika (remarquable), les Australiens sensuels de Lo Tide, le jazz ambiant 90's de Jupiter Tuning Center. Le titre "Swing Bop" de Der Dritte Raum (2009) remixé par Acid Pauli fait partie des composants phares de Future Sound of Jazz, tout comme "Plum Rain" d'Anchorsong ou "Afrika am Strand" de Basti Grub & Mike Trend, avec à chaque fois la house comme dénominateur commun.





Julien: Je reste en Allemagne avec le projet Mohn (chez Kompakt). Le statement est assez simple: « Mohn is extremely decelerated, slow motion techno with and without bass drum, containing lots of plasticiser ». Joerg Burger et Wolfgang Voigt (co-fondateur dudit label) ont à eux deux une discographie et un nombre de groupes parallèles plus nombreux que tous les groupes de Suisse réunis - Voigt est notamment connu pour son projet récent Gas. Ici, le duo de Cologne signe neuf titres pas très éloignés de l'ambiant industrial. On critique souvent la musique techno pour son immobilisme apparent. Seulement, quand on regarde de près, les évolutions sont notables voire multiples. "Wiegenlied" exprime bien cette complexité, loop dub pour mieux se briser sur le beat glacial et minimaliste. Cette post-techno est à « l'échelle 16:9 »: elle se doit aussi d'être écoutée en 5:1 pour complètement sentir ce souffle violent. Les sons électroniques prennent des formes encore plus radicales sur le projet germano-belge Sendai - réunion du producteur techno Peter Van Hoesen et de l'ingénieur du son Yves De Mey (sorti sur le label de Van Hoesen, Time to Express). Avec GEOTOPE, Sendai parlent eux de « musique électronique avancée »: on sent ici aussi les réminiscences du dancefloor sur "Following the Constant" mais dans une nouvelle dynamique, une nouvelle narration. L'approche sonore est aussi remise en question et va à l'essentiel sur "A Refusal To Celebrate A Statistical Probability", s'ébroue sur le proto-dubstep "Further Vexations" et se pulvérise sur le final "Emptiness Of Attention". Les connaisseurs diront qu'il n'y a rien de révolutionnaire ici, qu'Aphex Twin ou le label scape étaient déjà passé par cette post-IDM au début des années 2000. Les autres apprécieront cette électro aux murs froids ("EP-2010-4") anti-mélodique et arythmique, ultime rempart d'une techno récupérée par l'industrie du divertissement.


Julien: La musique électronique a aussi vécu un début de décennie sous l'égide du label Tri Angle. oOoOO et son EP OUR LOVE IS HURTING US (album ci-dessus) ne réchauffera pas immédiatement l'atmosphère que j'ai instaurée dans ce Speaches. L'as-tu écouté Pierre?


Pierre: Oui, oui. Chez Think Tank, on apprécie généralement beaucoup ce que fait le label Tri Angle. Ce n’est pas l’album d’Evian Christ qui nous aurait fait changer d’avis. Cette ouverture plus hip-hop étai venu dynamiser le son aujourd’hui bien connu du label. Malheureusement, avec le nouvel EP de oOoOO, OUR LOVING IS HURTING US, on tourne un peu en rond. On retrouve la même recette de basses très lentes, de voix ralenties et de chant féminin pour le même résultat mélancolique. Le souci, c’est surtout que le son d’oOoOO n’a presque pas évolué depuis son dernier EP. Personnellement, je retiendrai surtout "Break Yr Heartt", qui joue plus franchement la carte R’N’B hanté, grâce à un super beat. On pense presque à Egyptian Lover. Malgré tout, on ne s’inquiète pas trop pour Tri Angle, on leur fait confiance pour dénicher de nouvelles perles, d’autant plus qu’oOoOO ne fait pas partie des formations les plus inventives de l’équipe, souffrant de la comparaison avec Balam Acab. Et la sortie du Paco Sala ce même mois n’arrange rien. En effet, ils jouent dans le même registre qu’oOoOO et le font nettement mieux. Think Tank reviendra sur Paco Sala dans un article particulier.


Raphaël: Sur une note électronique un peu moins glacée, le basque Panda Valium a sorti, voilà quelques jours, ce qui sera la premier EP du neuf et clinquant label Moï Moï. D'ascendance très 'bordercommunityesque', COPAIBA se la joue été avant l'heure, ultra-mélodique et nerveux. Ludique au possible, Panda Valium poursuit la dynamique post-kraut et délivre trois bons morceaux au délicieux pyschédélisme. Remixé par Luke Abbott et Groj, il s'inscrit dans la continuité de cette scène en devenir dont la vision de l'électronique explose les limites du clubbing. Mention spéciale à ''Kuruse'', trip organique roulant ainsi qu'à la band version du morceau-titre dont les guitares sinueuses rappellent les excellents Maserati.




Pierre : Après Phèdre, le label Daps confirme sa profession de foi en une musique un peu bricolée mais diablement entrainante. Cette fois, il s’agit du premier EP de Beta Frontiers. Les cinq titres ne brillent pas leur finesse et tombent parfois dans de l’atroce french touch. Mais ces égarements sont vite pardonnés quand à côté les chansons procurent autant de plaisirs faciles. Les titres instrumentaux puisent dans le répertoire synthwave pour en faire quelque chose de beaucoup plus disco. Mais c’est surtout les deux titres avec vocals qui retiennent l’attention. D’abord "Tak" se fait passer pour du hip-hop gangsta-naze pour mieux repartir sur un refrain électro des plus simplistes. Cela paraît presque un peu trop facile mais reste assez drôle. Surtout le titre "Hondo" est la vraie raison d’écouter cet EP. Un tube du printemps, léger, lumineux, entrainant. Un moment pas loin d’être parfait qui fait oublier tout le reste les yeux fermés.


Raphaël : Beaucoup de sorties électroniques ce mois, tant qu'on pourrait en oublier ce qui sort dans les galaxies parallèles. MIRRORING, collaboration dernière minute de Grouper et Tiny Vipers, a bien failli passer inaperçue. La folk décharnée de Tiny Vipers, auteure de deux magnifiques disques sortis sur Sub Pop 'Hands Across The Void' et 'Life On Earth', fait face aux drones ambiants de Grouper. Tout ici est lent, évanescent, et l'est peut-être trop. FOREIGN BODY aurait pu être un magnifique disque de mutation, une musique nichée quelque part entre deux mondes (et s'en approche) mais échoue à se démarquer. Ni les voix ni la production n'atteignent ici la puissance de leurs créatrices lorsqu'elles créent pour leurs projets respectifs : malgré une certaine beauté organique et un travail assez fascinant sur les textures, FOREIGN BODY échoue à totalement captiver l'attention. Trop exigeant  ou simplement ennuyeux ?


Julien: Ce Speaches débuta avec du grandiloquent - Bertrand Burgalat -, il se terminera avec un autre barré. Spencer Krug apparaît régulièrement dans nos colonnes de la dite rubrique. Ses projets sont nombreux est presque tous excellents: Wolf Parade bien sûr, sommet d'un rock glam nerveux, Sunset Rubdown, plus arty, Swan Lake, supergroupe indie avec des membres de Destroyer. Au rythme d'un album respectivement par année, Krug fourni de fait les disquaires à grande vitesse. Moonface n'est pas le projet le plus connu du Canadien, mais possède ses arguments. En 2009, Krug sortait un EP deux titres annonçant le nouveau projet: SUNSET RUBDOWN INTRODUCING MOONFACE, disque collaboratif avec des groupes de haute tenue - No Age, Abe Vigoda, Casiotone for the Painfully Alone. La troisième entité prend forme en 2010 sous forme d'un EP, livre un LP en 2011 et revient cette année avec un disque d'ambition: WITH SIINAI: HEARTBREAKING BRAVERY est un disque de grandeurs stupéfiants, écrit conjointement avec le groupe finlandais Siinai, rencontré alors que Moonface naissait en 2009. La direction ne dépareille pas dans l’œuvre krugienne: saturation, emphase et auto-dérision. Siinai colle parfaitement à cette idée de la musique, entre noise ("Yesterday's Fire"), Krautrock ("Shitty City"), raffinements folk ("Quickfire, I Tried") ou célébration clinquante (le final "Lay Your Cheek on Down"). Le disque improbable du mois. En déplacement à la Kilbi, comme tant d'autres excellentes formations.


Disques du mois:
Pierre: Paco Sala, RO-ME-RO
Julien: The Dandy Warhols, THIS MACHINE
Raphaël: Sand Circles, MOTOR CITY


Singles du mois:
Pierre: Nicki Minaj, "Beez in the Trap"
            Dean Blunt feat Inga Copeland, "The Narcissist"
Julien: Tristesse Contemporaine, "I Didn't Know"
Raphaël: Ryat, ''Totem"

Vidéo du mois:
OFF! : "Wiped Out"