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13 novembre 2011

TT Speaches / Octobre 2011

Illustration: vitfait
Le mois d'octobre se finit, les feuilles se colorent et pour cause de participation au coolloque, ce Speaches se fera un peu plus léger. Il n'empêche l'équipe de Think Tank s'est démenée une fois de plus pour vous parler des sorties marquantes du mois.























Julien: comme si c'était étrangement marketé, le dixième mois de l'année a vu la sortie probante de deux disques dans l'air du temps, aux abords vaporeux, à mi–chemin entre chill et witch. Débutons de fait avec High Places. ORIGINAL COLORS suit de près …VS MANKIND, chronologiquement et musicalement (sorti chez Thrill Jockey – Wooden Shjips, Future Islands dans le catalogue). Désormais plus proche du soleil – le duo a récemment déménagé de Brooklyn à LA – High Places ne s'est toutefois pas grillé les neurones: entre dub, chill pop et minimale, ORIGINAL COLORS m'a enthousiasmé lors des premières écoutes avant. Et puis j'ai tout remis en question; bien trop langoureux et séduisant pour être réellement poignant. "The Pull" place la technique/recette: boîte à rythme et chant dédoublé et distant de Mary Pearson, avec plus ou moins de succès ("Ahead Stop" reprenant les gimmicks de "Dont Fight it, Feel it" de Primal Scream, "Dry Lake" un peu mieux, "Banksia", proche du boulot récent de Moderat). A l'instar du titre "Morning Ritual" High Places semble comme coincé dans leur schéma tactique, incapable d'accélérer ou, au contraire, de couper net sa bonhomie dub et de se décanter d'une structure de compositions archi–classique. Récemment clippé, "Sonora" est le morceau le plus étonnant, résultant d'une plus grande prise de risque, entre cette dub et cette voix cristalline. Si votre installation sonore suit les basses, vous risquez de vous retrouver à Brixton dans un mur de fumée. Comme quoi on peut livrer un album fadasse et l'un des meilleurs titres du mois – fâcheuse tendance du groupe à ne présenter qu'un single isolé par album… J'espère mon cher Pierre que le deuxième LP tendance du mois est plus intéressant.


Pierre: L'autre disque qui a fait pas mal de bruit ce mois–ci, c'est donc le nouveau M83: HURRY UP WE'RE DREAMING. Tout le monde crie au génie pop une fois de plus, prétention auquel le groupe se plie explicitement en osant le coup du double album. Je dois avouer que j'ai beaucoup de peine à me rappeler un double album récent qui m'ait plu. Souvent le projet semble démesuré et fait disparaître les bons titres dans un trop plein de complaisance créatrice, surtout quand il s'agit d'un groupe au son pop comme M83. Et pour moi, HURRY UP WE'RE DREAMING ne fait pas exception. J'aurais mille fois préféré un seul album puissant et incisif. La somme des 23 chansons a fini par me lasser, me faisant oublier les bons moments (et il y en a beaucoup) dans une masse protéiforme sans point d'ancrage. Il est vrai que la profession de foi en la valeur de la pop que représentent ce nombre de titres et la qualité du travail d'écriture et de production derrière chacun est honorable. Mais au fond,  n'est-ce pas oublier ce qui fait l'essence de la pop? La fougue, l'evanescence, l'immédiateté, la fraicheur, la briéveté.
























Julien: Jamais on n'aura si mal débuté un Speaches…


Pierre: J'aurai rêvé que M83 aient le courage plus grand encore de sacrifier de bonnes chansons pour faire ressortir les autres de manière plus éclatante. Un chef d'oeuvre pop tient autant aux chansons enregistrées qu'à celles qui sont absentes. Bon faisons abstraction du support album et ne gardons que les actes de fulgurance, surtout qu'ils ne manquent pas. Les seuls moments de mauvais goûts que commettent M83 sont ceux où ils se plient à chanter en coeur le poing sur le torse, en bref à faire du Arcade Fire avec "Intro" et "My Tears Are Becoming A Sea", même si c'est en mieux. Par contre, il n'y a rien à redire au tube "Midnight City". On a rien entendu d'aussi claquant depuis "Odessa" de Caribou ou "Bombay" de El Guincho. Un son brillant qui a la même intensité à chacune de ses répétitions. Toute la chanson se nourrit de l'éclat de ce synthé et on en redemande encore. De son côté, "Raconte moi une histoire" réussit l'impossible: une chanson épique avec voix d'enfant qui soit bonne. Bref sur HURRY UP WE'RE DREAMING, on trouve des instrumentales et ballades dont l'audace est à la hauteur de la prétention, mais celle-ci oublie de se faire discrète.


Julien: j'avais vu M83 à l'époque où je me nourrissais de concerts et j'avais failli mourir d'ennui devant ces profs de musique. Passons à plus humble, passons à de la musique d'avenir fait de vieux: Nicolas Jaar a sans doute livré l'un des meilleurs disques 2011 (SPACE IS ONLY NOISE), l'une des meilleures mixtapes (pour XLR8R) 2011 et une série de concerts assez prodigieuse. Comme quoi, on peut faire de la house à valeur ajoutée et donner une leçon de bonnes idées. Le résident chilien a sorti très discrètement un EP 2-titres, DON'T BREAK MY LOVE. Deux morceaux proches d'un mix. C'est que Jaar sait procéder dans la haute voltige des morceaux-tiroirs, à plusieurs histoires pour autant de phonèmes, le tout hyper léché dans la production. L'electronica "Don't Break My Love" sample et triture sa voix, modèle un terrain pour mieux le briser net, l'écho continuant sa route, la dubstep terminant la chose. Je ne sais pas ce que tu en penses Pierre, mais à chaque fois que j'écoute une production de ce jeune homme, j'ai l'impression qu'il possède des bandes d'enregistrement chimiquement miraculeuses: le son est incroyablement riche et juste. "Why Didn't You Save Me" est plus classique, dans la lignée de son LP, gracieux et inébranlable. Comme une danse sans toucher terre, gaga mais pas dada. Musique maligne pour tout public. Non?


Pierre: Oui c'est clair que Nicolas Jaar, avec un peu de recul, c'est une des meilleures choses qui soient arrivées à l'année 2011. Il parvient à mélanger le côté iconoclaste de ces bandes à des rythmiques fluides qui rendent le tout non seulement digeste mais délicieux. J'ai raté son concert à Montreux mais son live au Sonar a prouvé que tout cela ne tenait pas au hasard, cela faisait longtemps que j'avais pas vu un album super devenir encore plus fort en live. Pas de gimmick rock, pas de boum pas boum facile, mais un live électro aussi intelligent que dansant.


Julien: Si l'heure n'est pas encore aux bilans, on retiendra dans tous les cas cet étrange dialogue à distance entre Nicolas Jaar et James Blake, chacun y allant de sa mixtape grand cru, de ses EP, et, forcément, de leur album respectif et plus que remarqué. L'Anglais a récemment produit un long DJ set pour la BBC, révélant de fait de nouveaux titres. ENOUGH THUNDER les regroupe et fait évoluer Blake. "We Might Feel Unsound" ressemble à du Blake mais avec plus de luxuriance, alors que le très soul "A Case of You" est une super B-Side de son premier album (un piano acoustique où le jeune homme étend tous ses talents vocaux sans effet). Le classique "Not Long Now" n'est pas super-prenant, mais pas inintéressant. Mieux, avec ces quelques morceaux supplémentaires à sa discographie, on peut désormais parler de style blakien. Ce qui n'est pas rien pour un mec de 23 ans et quelques disques auto–produits. Là où son premier LP est à voir comme un album maîtrisé dans son tracklisting, sa manière de diriger l'auditeur, ENOUGH THUNDER est plus libre, voire expérimental, ce qui, d'une manière, est peut-être plus sincère. Ce EP n'a pas de tube ni de morceau retournant, mais se présente comme un très bon entre–deux alors qu'il aurait pu, à l'instar de Jaar, se reposer sur ses succès cru 2011.


Julien: Si ces jeunes gens remportent actuellement la timbale, Oneohtrix Point Never (cover ci–dessus) pourrait être leur parrain. Daniel Lopatin, vivant à Brooklyn, a récemment ouvert pour Animal Collective, et vient de sortir son nouvel album, REPLICA (paru chez Mexican Summer). Dans un style décrit comme new age, Oneohtrix Point Never est actif depuis de nombreuses années et enregistre ses morceaux sur cassette et se fait parfois appeler KGB Man. Forcément intéressant, forcément un peu geek aussi. Si son projet Ford & Lopatin était ultra-80's, celui–ci joue plus de résonance (le synthé dément sur "Power of Persuasion"), de relâchement électronique ("Remember") et concède à l'actuel des touches bien amples ("Replica"). Comme si Boards of Canada lâchait sa rythmique pour ne jouer que sur des ambiances. OK, le terme ambiance est sur-utilisé. Parlons alors de la réussite "Sleep Dealer", proche de Zomby dont tu parlais le mois passé Pierre. Pas franchement éloigné de Oneohtrix Point Never,  Robot Koch paraît lui aussi son nouvel album, THE OTHER SIDE (Robots Don't Sleep). Le Berlinois n'est pas un producteur inconnu d'un style à mi–chemin entre dubstep et électronica: il est aussi membre du projet house Jahcoozi, signé chez BPitch Control. Il a cependant eu le temps de remixer des gens comme Rusti, Amanda Blank ou encore Infinite Livez et de développer ses trucs à lui, bien plus méchants que Jahcoozi. Il sait toutefois signer des mini-tubes comme "Feel" ou "Heal", chanter avec classe et briser ses harmonies. Le blog XL8R le place judicieusement entre Aphex Twin et Roots Manuva. On le présente comme le beatmaker le plus bouillant de Berlin, plus réputé pour ses affres minimales que pour ses sound-systems. Oui, mais voilà, à l'ombre des clubs cools, il y a ce multiculturalisme incroyable et ses lieux alternatifs comme le Cassiopeia, là où on achète son ticket pour Londres ou Detroit à 5 balles l'entrée. THE OTHER SIDE pourrait bien permettre à Robot Koch de décoller très haut, sur fond de basses amples, et bouger les pattes des fans de Modeselektor. "Lights" est mon titre du mois, bien leste et groovy pour la nuit.


























Pierre: Déjà présente sur une chanson de l'album de M83, Zola Jesus sort CONATUS. Sorte de Lady Gaga underground (pour le physique bizarre et la voix basse), Zola Jesus avait réussi à nous fasciner avec son ancien single "Night". Il y a bien sûr chez elle un côté emo qui en détournera plus d'un. Mais pour ceux qui idolatrent Kate Bush (j'en fais de partie), on se plait à trouver dans CONATUS une vraie qualité de voix et des chansons hantées par des souvenirs baroques. Si bien sûr le modèle n'est pas égalé, Zola Jesus parvient parfois à hisser la barre très haut avec des titres comme "Hikkimori" ou "Ixode", où le kitch est maitrisé et le chant glaçant à souhait. Malheureusement dans la fin de l'album , Zola Jesus s'oublie un peu et on verse dans le cliché gothico-émotif au point que "Seekir" frise carrément le ridicule.


Julien: Est-ce que Zola Jesus est cool? Encore plus bankable que cette dernière: je ne sais pas si tu as écouté le second album de Florence and The Machine. Un pur produit pop des années 00's, à la production monstrueuse, au chant qui ne l'est pas moins. J'avais pas mal aimé LUNGS sorti en 2009, plaçant Florence Welsch dans le bon wagon des cantatrices pop modernes. CEREMONIALS est donc censé confirmer ce statut de petite reine britonne à Florence. J'ai débuté l'album à l'envers, avec les versions acoustiques de "Breaking Down", "Heartline" et "Shake it Out": cette meuf est assez dingue malgré le fait qu'on puisse la taxer d'esthète mainstream. Pierre, nous n'avons pas parlé de Lana Del Rey… Qu'en penses–tu?


Pierre: Je n'ai pas écouté le Florence and the Machine. Mais, par contre, avec Lana Del Rey, on touche vraiment à un phénomène intéressant des dynamiques mainstream/alternatif. Plus qu'avec Zola Jesus qui ne sera jamais véritablement mainstream touchant un public trop restreint et Florence and the Machine qui est d'emblée trop formatée. En gros, Zola Jesus c'est du mainstream qui plaira à ceux qui écoutent de la musique alternative, Florence and the Machine de l'alternatif fait pour plaire à ceux qui écoutent du mainstream. Lana Del Rey, par contre, elle est apparue comme de nulle part, avec un clip ciché mais ma foi émotionnellement efficace. Apparue sur des blogs de connaisseurs, je dois bien avoué qu'il était difficile de ne pas être fasciné par cette chanson parfaite ("Video Games"), portée par une voix et un physique hors du commun. Surtout, ce titre avait un romantisme mêlé de tristesse, qui nous ramenait directement au grand moment de la pop féminine classique. Et j'écoutais cette chanson comme un mystérieux trésor. Puis internet s'emballant, tout le monde parle de Lana Del Rey, on imite ses grosses lèvres et je me surprend à aimer un peu moins cette chanson, est-ce que parce qu'elle finit par lasser ou par snobisme? Difficile à dire, mais bref, s'il faut faire le point, je dirai que c'est de la pop de bonne qualité. D'accord, Julien?


Julien: Chanson parfaite. C'est exactement ça, ce "Video Games". Après, Mariah Cary ou Whitney Houston ont elles-aussi signés des titres définitifs… En même temps si l'on pense à des dames comme Petula Clarke ou June Carter Cash au hasard, des dames qui ont maintenant acquis un statut culte, voire divin, j'ai tout de même l'impression qu'à leur époque elles-aussi n'était pas "irréprochable" ou admirable. Le temps a juste magnifié les choses… J'y reviens: si son album est bien trop long, Florence and the Machine garde tout de même cette verve monstrueuse, typiquement britannique, à en retourner un stade entier, supporters de football, coiffeurs et banquiers réunis, une main sur la pint, l'autre pour s'essuyer les larmes. L'Angleterre n'a rien de plus beau quand elle tente de coup de la grandiloquence, du clinquant et de l'épique. D'avantage que Glasvegas, Kaiser Chiefs ou Kasabian, Florence and the Machine me donne envie de prendre mon billet de Ferry pour aller voir un match de West Ham ou de Newcastle et de (me) finir dans un de ces clubs où l'on n'y passe que des tubes à chanter à tue–tête. C'est toujours mieux ça que de finir à l'Eglise après avoir écouté Arcade Fire.
























Pierre: Parlons un peu de hip hop dans ce Speaches. La mixtape du mois, c'est sans aucun doute LIVE LOVE ASAP de Asap Rocky. Du très très lourd. Il n'y a bien que dans le hip hop que des disques d'une telle qualité, avec de telles pointures, au public aussi large, puissent être distribués gratuitement.  Bon c'est aussi parce que derrière, y a pas mal de fric. On n'en avait pas entendu parler depuis un moment, mais Clams Casino est de retour à la production de cinq titres sur cette mixtape. Et quel retour! On avait peur que le producteur profite de la reconnaissance de son talent pour s'entêter à ne plus sortir que des instrumentales. Et non, il montre à nouveau qu'il est sans doute le producteur hip hop le plus intéressant du moment. "Bass" met tout le monde à l'amende. Avec des voix ralenties et des basses profondes comme des cratères, cette chanson prouve une fois de plus que la seule vraie raison d'être de la witch house, c'est de filer au hip hop des beats qui tabassent. Clams Casino signe également la production du premier titre: "Palace", où Asap Rocky balance un flow monstrueux sur des chœurs, dans une entrée en matière aussi couillue que celle de Kanye West sur son dernier album. Le reste de la mixtape ne fait jamais retomber la pression avec des chansons presque en finessse comme "Peso" et des tubes terribles comme "Purple Swag". Le mec porte quand même un t-shirt FUCK SWAG dans son clip.


Julien: Ouais, quand même… Sinon, rien à voir, il y a un live de Radiohead au Tweeter Center de Mansfield, Massachussets, qui a récemment leaké. C'était en 2003, c'était avant que le groupe ne m'énerve totalement. 2003, c'est surtout l'année sainte de Radiohead, l'année de leurs meilleurs prestations scéniques. On ne vous donne pas le lien du live, vous le trouverez facilement… On change du tout au tout?


Pierre: Au rayon suisse de qualité, est sorti MUTUAL FRIENDS du duo féminin Boy. A l'image du trailer, dans cet album, tout est joli et gentil, sûrement un peu trop. Si on prend les mélodies, la voix, l'ambiance et qu'on reporte tout ça au genre, alors oui le duo germano-helvétique n'a rien à envier à tout ce qui se fait au niveau international. C'est catchy, c'est mignon et on a déjà l'impression d'être dans un café en train de boire un thé menthe avec un speculos en écoutant le single "Little Numbers" ou le très phoenixien "Oh Boy". Bref ça sent un peu trop la fleur. Un conseil, si vous essayez de draguer une milf, offrez lui ce disque, elle aura l'impression d'arriver à aimer la même musique que vous et ce sera de toutes façons cent fois plus frais que tout ce qu'elle peut écouter.


Julien: Ah mais bravo. Sinon, il y a le nouveau Coldplay qui est sorti et qui pourrait aussi bien servir cette noble cause. Leur single inaugural est d'une cruauté lyrique sans nom. Plutôt que de jouer au raciste pédant, je conseillerai à Morrissey d'intenter un procès pour mauvais goût et, accessoirement, de tuer toute libido, au groupe de Chris Martin. De son côté, Madame Björk a elle aussi prouvé qu'elle existait encore physiquement. Artistiquement, c'est un peu plus douteux, mais on retiendra avec grand plaisir ses plans jungle sur quelques morceaux. 15 ans après la gloire de ce style dérivé de la Drum&Bass, il fallait oser. Quoique: on devrait un jour ou l'autre bien assister au retour de ce "genre". A mort la Dubstep?

























Pierre: Si pour beaucoup, les feuilles qui tombent sont synonymes de guitare acoustique et de chemises à carreaux, moi je préfère directement me tourner vers la lumière froide de fin d'après-midi et avec Led Er Est, je suis servi. L'album a beau s'appeler MAY, il est question ici de synthés coldwave et d'ambiance flippante au possible. En seulement six titres, MAY est le meilleur album que j'ai écouté en ce mois d'octobre. Bien au dessus de tout ce qui s'est engouffré dans la vague cold wave, Led Er Est parviennent à créer une dark disco, aussi expérimentale qu'entrainante. "Lonesome xoxo" déglingue tout sur un son bien soviétique qui n'oublie pas le refrain mélancolique. "Madi La Lune" est sûrement la meilleure instrumentale cold wave entendue depuis très longtemps, planante sans être chiante, courte et dense, et surtout carrément étrange. Le reste est tout aussi bon, Led Er Est ne garde que le meilleur de l'influence krautrock, et on pense souvent à du Faust en moins ampoulé.


Julien: J'ai aussi été super enthousiasmé par cet album, tout en ayant de la peine à transgresser mon amour certain aux sbires originaux, Joy Division en tête. J'ai peut-être quelque chose de beaucoup plus étonnant à te proposer: Cankun fait de l'électronica électrique, invoque l'Afrique rêvée des nordiques et le post rock fantasmé des sudistes. ETHIOPIAN DREAMS est comme une rave à distance, à 100 mètres du sol, la tête dans les vapes. On jurerait entendre un son en écho constant, comme si Dan Deacon jouait au milieu du lac Léman et nous le cul posé dans les vignes, le gosier plein. Enfin, peut-être que j'en fais trop, mais l'expérience est réellement excitante. Suite?



Pierre: Spectrals est roux et écrit des chansons toutes simples et toutes bien faites. Le problème c'est qu'avec son accent anglais, on a l'impression d'entendre le chanteur des Arctic Monkeys et que donc il devient difficle de croire en la tristesse qui nourrit des chansons comme "Get A Grip". Rien de nouveau dans ce songwriting qui n'est vraiment spectrale que trop rarement, sauf sur "If I Thnink About The Magic Will It Go Away", à moins qu'il devienne carrément pop sur "Confetti". Ces éléments, on les retrouve et en mieux sur le nouveau Real Estate, DAYS. Ici, il y a une vraie maitrise de mélodies en acoustique et, à nouveau, c'est beau mais quand même un peu mou. Mais ils ont le mérite d'avoir fait un clip avec des chiens pour "It's Real".
























Julien: Oh mais tu oublierais presque de mentionner la pépite "Municipality", relayant le meilleur de la sunshine pop. OK, "Out of Tune" semble être dans la pure lignée des losers The Thrills,  "Wonder Years" croise Byrds et Yes, ce qui n'est pas très très bien tout de même, "Younger Than Yesterday" est du sous–Shines, mais "Easy" est tip top, et, effectivement, "It's Real" mérite le détour. Et puis, je ne veux pas relancer le débat, mais avec "All The Same", tu as vraiment de quoi pécho ta milf, en sept bonnes minutes aussi accessibles que proches parfois des touts bons Yo La Tengo ou Teenage Fanclub. Par ailleurs, Still Corners ne te rendra pas plus successful, mais leur album CREATURES OF AN HOUR prodigue une certaine idée de la classe, pas loin du cinématographique ("Velveteen", "I Wrote Blood") ou de Kate Bush ("Demons") On pense à Elysian Fields, à Electrelane aussi, à du boogie–woogie parfois ("Submarine") et aux quelques groupes 100% féminins d'excellence (les sus-nommées ainsi que The Organ ou Warpaint). Excellent album. Je me permets juste de rajouter qu'une autre grande dame, Julianna Barwick, adepte des échos de l'extrême, s'est vu remixée par des mecs comme Diplo et Lunice, Prince Rama ou encore Helado Negro. Le EP s'appelle MATRIMONY REMIXES et permet aux échos-sceptiques de mieux saisir l'enjeu, avec des rythmiques plus accessibles.


Julien: Je reprends mon souffle pour un drôle d'album: signé chez 4Zero, Lunar Dunes pourrait faire peur. Se revendiquant du psychédélisme britton 60's, de Coltrane et inaugurant GALAXSEA avec le très free jazz "Moon Bathing" et sa choriste. Heureusement, "Oriental Pacific" réoriente la formation de Liverpool dans le sillage d'un Sun Ra contemporain, "Pharoah's Dream" est du dégomme jazz assez dément, ou "Free to Do" perverti ce qu'il reste de l'héritage blues, en y ajoutant une voix cinglée, à déprimer les fans de Massive Attack. Génial, non? En tout cas la meilleure façon de m'amener au disque de la conclusion, fait par un ami. Marc Méan a vécu à Copenhague, y a monté un trio assez sérieux avant de revenir en Suisse enregistrer son premier album, WHERE ARE YOU? Laissant parfois pantois, ou par moment dubitatif par tant de complexité, ce LP fait du bien dans notre paysage bien trop rangé par moment, entre rock, électro ou hip hop. Marc a aussi performé avec le groupe Rectangle, il sait donc quand et comment foutre la sauce. Au contraire, la sauce, il te la met sur la longueur, avec classe et sobriété. Ayant récemment tourné un clip avec ce dernier exécutant une de ces compositions, j'ai pu entendre dans l'équipe filmique: "cette musique, c'est vraiment le sexe même. Et ces doigts virils qui jouent de ces instruments…". Oui, mon cher Pierre, au final, je pense que ta milf, c'est tout de même avec du jazz que tu la choperas.


Albums du mois
Pierre: Led Er Est, MAY
Julien: Still Corners, CREATURES OF AN HOUR
            Marc Méan Trio,  WHERE ARE YOU?


Singles du mois
Pierre: Kavinsky feat Lovefoxx, "Night Call"
           Asap Rocky, "Bass"

Julien: Robot Koch, "Lights"


Clip du mois
Asap Rocky, "Purple Swag"