Francisco Bayeu y Subias, Olympus, la Chute des Géants, 1764 |
Le choc de Tarsem Singh
On l’attendait quand même un peu ce film mythologique réalisé par Tarsem Singh qui nous avait régalé avec The Fall, film jouant sur l’univers des contes imaginés par l’auteur et piquant dans différents styles picturaux la construction de ses propres images. Etant donné que Singh nous avait fait croire à cette faculté à bien cadrer ses plans, Immortals semblait tailler dans la pierre pour offrir enfin un film mythologique (de ceux qui sont presque entièrement en images de synthèse) réussi. Le problème avec ces films mythologiques d’action, c’est que les producteurs mettent beaucoup trop de limites à leur réalisateur. En somme, ce sont trois ingrédients obligatoires et à utiliser sans modération qui sont demandés : de la baston ; des biceps et du nibard ; et encore de la baston. Conséquence : le scénario en prend un sacré coup (Le Choc des Titans par exemple) et toute l’attention des ouvriers autour de l’œuvre se tourne sur l’apparence du film et donc, son image. Si 300 avait réussi cela dignement (bien que le côté extrêmement militariste du film peine à nous le faire aimer), Immortals devait alors créer l’écart avec ses prédécesseurs en portant à l’écran l’histoire de Thésée. Héros réformateur des Athéniens et roi-fondateur d’Athènes, le possible enfant de Poséidon (source antique, rien n’est dit à ce propos dans le film) est aidé par les Dieux lorsque le roi Hyperion décide d’aller délivrer les Titans emprisonnés dans le Mont Tartare grâce à l’arc d’Epiros, arme volée à Thésée. Le scénario part dans tous les sens, en partant d’un rêve prémonitoire des Oracles à un arc trouvé par hasard dans un rocher, le film garde un rythme inconstant jusqu’aux batailles finales. Les Dieux qui voient les Hommes depuis le Mont Olympe (plutôt bien adapté), hésitent à descendre sur Terre défendre les causes de Thésée. Le film aurait pu (dû) jouer là-dessus, sur cette attirance à venir à la rescousse de l’Homme ou à laisser le Mal (Hyperion) accomplir ses atrocités. Malheureusement, le film s’effrite en plusieurs petites idées à peine développées et surtout mal utilisées (le combat contre le Minotaure aurait dû être plus percutant et plus « mythique »). Les combats restent tout de même impressionnants (la descente de Zeus) et le film se termine sur une image immense, sublime et empruntée aux grandes œuvres de la Renaissance (le plafond de la Chapelle Sixtine) : le combat des Dieux et des Titans qui continue dans les cieux. Le travelling arrière (appelons-le comme ça) qui dévoile petit à petit les combattants qui s’affrontent par en-dessous, permet d’exploiter parfaitement l’usage de la 3D qui est ici, pour la seule fois du film, nécessaire.
Immortals, réalisé par Tarsem Singh (USA) *****
Contagieux
Film sur la parano et sur un risque réel que l’humanité court, Contagion est le dernier long-métrage de Steven Soderbergh, l’homme des Ocean’s Eleven/Twelve ou du très réussi remake de Solaris. Glacial, médical, gris, maladif sont les quatre premiers mots qui me viennent à l’esprit après le visionnage du film. Il est vrai qu’on ne se sent pas très rassuré durant la projection du film et que subitement plus personne n’ose manger ses pop-corns dans la salle de cinéma – ce qui est un des principaux avantages du film. Soderbergh propose donc avec Contagion ce qui se passerait si un virus se propageait sur toute la planète, et ce qui nous est montré n’est sans doute pas loin de la vérité. De ce côté-là, c’est réussi. Le réalisateur choisit de ne pas prendre une figure de héros et suit l’optique du « film choral » qui à première vue semble dérisoire, mais qui finalement semble vouloir dire quelque chose : les « stars » sont comme tout le monde, et si une épidémie touche tout le monde, ils seront aussi touchés. C’est ce qui est exprimé très vite avec Gwyneth Paltrow qui meurt au bout de dix minutes. Car en Amérique, il faut oser tuer la « star » qui joue le rôle d’une mère de famille. Bien évidemment, la morale dira que puisqu’elle a trompé son gentil mari (Matt Damon), elle l’a bien mérité. Et c’est par ces petits dérèglements inutiles que le film perd un peu de sa force. Autre exemple, le personnage joué par Marion Cotillard qui ne sert qu’à montrer une européenne dans une micro-narration plutôt ratée qui ne débouche sur rien et qui n’ajoute rien au film. Certes, le côté documentaire est réussi, mais Soderbergh semble ne pas vouloir que le public aime son film, et chercherait même à l’en dégoûter, ne touchant pas le spectateur. Cela dit, c’est aussi ça qui fait marcher son film : rester à distance face à une réalité susceptible d’arriver. Au final, on s’ennuie quand même un peu.
Contagion, réalisé par Steven Soderbergh (USA) *****
La bonne surprise irlandaise
Nous avons la chance d’avoir The Guard diffusé dans les salles suisses grâce au succès que le film a connu en Grande-Bretagne et plus particulièrement en Irlande. Le film démarre sur un meurtre commis dans une petite ville portuaire d’Irlande sur lequel le sergent Gerry Boyle va essayer d’enquêter au plus vite. Il semblerait qu'il s'agisse d’une histoire de trafic de drogues avec une somme d’argent importante. Le FBI décide alors d’envoyer l’un de ses hommes sur place, l’agent Everett, un « black » que Gerry va avoir du mal à accepter. Ce long-métrage (le deuxième du réalisateur John Michael McDonagh) bascule entre la petite comédie noire et le drame léger et filme l’Irlande avec une bande-son à la Ennio Morricone, tissant un lien inatendu entre le western et l'Irlande. Le film passe comme une lettre à la poste et bien que Gerry soit un flic lourdaud, on s’accroche au fil des minutes au personnage jusqu’à la fin du film, fin futilement réflexive et bienvenue sur le monde du cinéma américain. Loin du chef-d’œuvre, The Guard est un très bon petit film comptant surtout sur une ribambelle d’acteurs excellents, du petit garçon au chien (Michael Og Lane) à la ravissante femme du flic qui débarque dans la ville (Katarina Cas), l’ensemble couronné par un Brendan Gleeson (le flic) frisant par moments la ressemblance avec un Gérard Depardieu des meilleurs jours.
The Guard, réalisé par John Michael McDonagh (Irlande) *****