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09 octobre 2011

Musique hantée au Romandie

Illustration: vitfait
En plein Electrosanne, où la bière coule, les beats et les baffes claquent, les plus avisés savaient qu’il fallait se rendre en plein Romandie, pour profiter de la pénombre des concerts de Holy Other et Darkstar. Tombé de rideau.

Oui, c’est sûr, Electrosanne a bien marché cette année, il y avait beaucoup de monde et la programmation gratuite était de très bonne qualité. Mais au fond de mon esprit, reste un doute. Tout ceci ne serait-il pas devenu une beuverie qui ne dit pas son nom ? Une sorte de carnaval de la ville pour pseudo-branché, une foire à la bière en moins populaire, mais où la musique n'a finalement que très peu d’importance. Le public se résume souvent à une population de clubbeur-braguettes, plus occupés à serrer, picoler et embrouiller qu’à entendre du bon son. Alors on pourrait se dire que c’est une occasion parfaite pour profiter de passer tout genre de musique, même le plus expérimental. Non car chez les clubber-braguettes, où finesse rime avec fesses, existe la tyrannie du boom boom, le DJ se faisant conspuer si ça ne pète pas.


Bref, heureusement, qu’il y avait le Romandie pour partir se recueillir. En plus, le samedi soir, c’était session messe noire avec Holy Other et Darkstar. Le premier m’avait déjà totalement scotché lors du dernier Sonar. Cette fois, l’impression fut un peu moins forte, surtout à cause d’un son flasque, privant le set de puissance et de basses. Il n’empêche qu’après la soupe entendue dans les bars de la place de l’Europe, ce fut bon d’entendre un concert où la musique est toute d’intelligence et de finesse. Avec Holy Other, aucune faute de goût n'est commise, même quand il envoie les voix féminines façon nineties; celles-ci restent comme en retrait, toujours plus dans le soupir que dans l’orgasme simulé. Caché sous son voile, Holy Other représente haut la maison Tri Angle, avec ce son entre hyperdub et hip hop, où les silences descendent aussi profondément que les nuques et où chaque note, malgré sa simplicité, est habitée d’un monde. Et dans son répertoire, on trouve déjà deux grands titres avec "Yr Love" et "Touch".


A peine le temps de fumer une cigarette, qu’un second concert commence. Et avec Darkstar, j’avais très peur d’être déçu. Leur concert à Kilbi avait été juste magique, nous laissant presque tous sous le charme d’un chanteur au regard de glace sous champi. Mais tout cela n’était-il que le fruit de la beauté du moment, en cette fin de soirée campagnarde où les basses nous étreignaient ? De plus, à l’écoute des versions enregistrées du groupe, on était bien loin du souvenir de ce concert. Mais non ! Des petits seins ont beau avoir poussé sur le torse du chanteur, ce fut de nouveau d’enfer. C’est sûr qu’on ne pouvait pas demander au Romandie la même ambiance qu’une fin de nuit dans la campagne fribourgeoise. Il n’empêche qu’à nouveau ce fut incomparable avec tout ce que l'on peut entendre de Darkstar sur internet ou sur album. Le trio, presque immobile, balance un mur de basses transpercé seulement par la voix du chanteur, ou plutôt enjambé, tant cette dernière tutoie les poutres. Avec Darkstar, il y a un peu quelque chose de l’ordre de l’emo, le mauvais goût et les mèches bleues en moins. L’ensemble du set suit, avec une discipline presque religieuse, un style tout en noirceur, en tristesse mélancolique et en beauté glaciale. Le concert se finit. Cela fait quelques heures que, grâce au Romandie, on s’est cru vivre une soirée dans une cave de vieille maison longeant des rails. Au point qu’au moment de sortir dans la cohue d’Electrosanne, les oreilles nous brûlent.