Photo : Julien Gremaud |
Une bande de gosses désireux de soumettre un court-métrage en super-8 au festival de film de Cleveland devient sans le vouloir l’unique témoin d’un déraillement de train. Celui-ci semble avoir été provoqué par une mystérieuse voiture blanche. Leur caméra est tombée pendant l’incident et a continué de tourner. La bande s-8 révèlera la raison pour laquelle l’armée s’est déplacée dans leur paisible petite ville.
Super 8 est le dernier long-métrage réalisé par J.J. Abrams que l’on connaissait plutôt en tant que créateur et scénariste de la série Lost, Alias où Fringe. C’est aussi lui qui a écrit l’histoire de Armageddon (1998) et qui a réalisé Mission Impossible 3 (2006) ou Star Trek (2009). Rien d’extraordinaire jusqu’ici, si ce n’est qu’Abrams sait comment raconter une histoire et comment la montrer à l’écran – ou du moins à la télévision. Et on se rend vite compte que Super 8 est mené par un habitué de l’écriture scénaristique à rebondissements. L’histoire du film se déroule sans jamais créer de nœuds et les principaux personnages du film – les cinq enfants – emmènent le film jusqu’à son terme sans ennui. Au-delà de son scénario (qu’on a parfois un peu de mal à suivre tant Abrams veut tenir son spectateur en mouvement), le film est surtout un hommage au cinéma et aux films que tout ado qui a vécu dans les années 80 a pu voir en salle ou en rediffusion à la télé. Les posters des films de Carpenter dans la chambre des enfants ou l’image brute de la pellicule font penser à ça. Adams utilise la pellicule, mais surtout, il joue de la lumière dans tout le film avec l’effet de lens flare qui revient à tour de bras. Cet effet est provoqué par la lumière dirigée contre la lentille de la caméra. Elle a comme résultat une traînée lumineuse bleue ou des halos de lumières sur l’écran. La plupart des réalisateurs d’aujourd’hui évite cet effet parasite synonyme d’artificialité à l’image, ce qu’Abrams (et Spielberg et Lucas avant lui) utilise dans Super 8 d’une façon qui semble au départ un peu exagérée mais qui prend tout son sens dans le plan final du film.
Spielberg partout
L’effet de lens flare poursuit donc cette idée d’hommage aux films des réalisateurs qu’Abrams a chéri : George Lucas, Richard Donner mais surtout Spielberg, dont la patte est omniprésente (producteur du film rappelons-le) tout au long du film. Les cinq adolescents de l’équipe de film sont un souvenir des premières réalisations qu’a pu faire Spielberg, Jackson ou tout réalisateur devenu célèbre ou non. Le rapport à l’enfance, l’amour du cinéma, les extra-terrestres, les travellings aériens sur grue, tout est un clin d’œil au (meilleur) cinéma de Spielberg. Plus fin et intelligent que La Guerre des Mondes, Abrams réussit à retrouver l’ambiance que Spielberg avait su de façon magnifique instaurer dans ses films les plus universels : E.T. ou Rencontre du Troisième Type. Mais le meilleur réside dans les scènes d’actions où le « monstre » (qu’on ne voit pratiquement jamais jusqu’à la dernière demi-heure, comme dans Jaws) entre en scène. Ces séquences ne sont pas sans rappeler celle de Jurassic Park (l’enclos du T. Rex), et franchement, on retrouve la même force de mise en scène avec l’absence de musique, des sons extrêmement précis et mis en avant (les cris du monstre sont identiques à ceux des dinosaures de Jurassic Park), des situations de base simples (un policier qui prend de l’essence) qui deviennent infernales. Lorsque le gamin prend son vélo pour rentrer chez lui est un moment qui fera « tilt » à tous ceux qui ont eu 12-13 ans quand E.T. est sorti au cinéma (1982). Et l’extra-terrestre a le même but simple que celui dans E.T. : rentrer chez lui. Même la scène où Joe projette une pellicule lorsqu’il était bébé avec sa mère est touchante. L’usage du film super-8 apporte une nostalgie, certes simpliste, mais qui marche si on sait comment disposer la scène : le visage de la petite Alice au premier plan à gauche, Joe au second, le bruit de la bobine qui défile en fond, les larmes qui brillent dues à la lumière de la machine de projection. Spielberg aurait voulu tourner Super 8, mais il pensait que ce serait mieux de le faire réaliser par quelqu’un qui aurait vu ses films étant jeune.
Mélange de genres
Sa mission est réussie. Super 8 est un délicieux moment de bonheur et de nostalgie. De plus, le film parvient – au contraire de tout ce qui se fait aujourd’hui à Hollywood – à présenter un blockbuster déguisé en un film low-tech. C’est cette confrontation de deux genres qui fait la force et l’originalité de Super 8 : le film amateur prenant le dessus sur le film à gros budget. Car une fois l’histoire installée, les quarante-cinq dernières minutes ne sont que poursuites et effets spéciaux gigantesques, ce qui a déjà été vu mille fois mais qui est ici essentiel pour jouer la démesure et l’opposition des genres. D’ailleurs, la première partie aurait même pu être, en 2011, une simple production télévisuelle en tenant compte de l’économie de certains plans fixes qui sont (c’est rare) toujours utilisés à bon escient. Le film de zombies réalisé par les enfants dans le film aura même sa place au générique de fin – ou comment Abrams et son équipe se sont éclatés durant le tournage du blockbuster à tourner un film de zombies avec des allumettes.
Super 8 est le seul long-métrage hollywoodien qui sort cet été sans l’usage de la 3D. J.J. Abrams n’en voulait pas. Il n’en avait pas besoin. Il tourne un film comme en 1980. Est-ce que E.T., Gremlins ou Les Goonies avaient besoin de la 3D ? Pour ceux qui rêvent de revoir Stand By Me ou ce qui sera peut-être le E.T. de leurs enfants, Super 8 est du pain béni. Ce n’est pas révolutionnaire, mais un bol d’air frais cinématographique ravigotant et nécessaire qui peut prendre fièrement ses marques au milieu des Schtroumpfs 3D et de Green Lantern. Un film pour les trentenaires qui veulent redevenir ados durant 120 minutes ; un film qui donnera envie aux ados d’aujourd’hui de tourner le leur.