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31 août 2011

MUSIK TANK : Stephen Malkmus et l'art de la chanson pop

Illustration : front cover // TT



Le dernier album de Stephen Malkmus a été enregistré il y a une année (avant la tournée mondiale de Pavement) et est finalement sorti fin août chez tous les bons disquaires. Plus léger, plus pop et moins long que le disque précédent, Mirror Traffic – produit par Beck – est un assemblage serein, aéré et reposé du désormais père de famille de 45 ans.

Dans un entretien avec Les Inrocks, Malkmus avoue avoir écrit un album de ce qu’il sait bien faire et de ce que les gens peuvent attendre de lui : « c’est aussi pop que possible » nous raconte le chanteur de Pavement. « Je voulais quelque chose de plus concis, je voulais m’éloigner des trucs lourds et des successions de solos ». En effet, dès l’écoute des premières chansons, les longs solos guitares de Real Emotional Trash (2008) semblent être interdits sur son nouvel album. Malkmus prévient : « ma manière d’écrire n’a globalement pas changé. Je suis devenu parent et mari. Je n'ai plus l'âge pour certaines choses ». Une « range life » somme toute. Et comme par magie, l’ouverture du disque n’est pas sans rappeler l’énorme chanson de Pavement.


Car "Tigers" est une petite sœur de "Range Life" avec son riff étoilé dans lequel on a envie de se baigner et son couplet simpliste basé sur une succession d'accords majeur/mineur que tout compositeur pop a tenté mille fois (et s'est planté mille fois). Sauf que Malkmus n'est pas n'importe qui. Il est peut-être l'un des meilleurs songwriters des années 90 (Pavement) et l'un des rescapés indépendants (le bon indie attention !) qui sévit encore dans les années 2000. Et c'est en écoutant "Asking Price" et "Stick Figures In Love" qu'on accepte le génie du mec, encore une fois. Deux chansons qui valent à elles seules l'album tout entier, ou la carrière tout entière du plus cool des songwriters américains. Dans l'ensemble, les chansons sont plus courtes qu'usuellement, et l'album se rapproche dans ce sens de son premier disque (STEPHEN MALKMUS, 2001) tout en maniant mieux les rênes de son groupe, les Jicks, désormais membres officiels de l'équipe Malkmus. Et puis Beck dans tout ça ? Il est étrange et amusant finalement de voir que c'est deux branleurs géniaux sont parmi les plus inventifs compositeurs de notre temps et que l'un a décidé de produire l'album de l'autre. On aurait pu s'attendre à quelque chose de totalement fou, mais non. Beck respecte Malkmus et le laisse libre dans son pré, le surveillant par coup d'œil pour ne pas qu'il fasse de trop gros trous lorsqu'il plante ses graines. Le jardin fleuri qu'est MIRROR TRAFFIC est la confirmation que les chansons (leur structure, leur couplets et refrains) sont ce qu'il y a de plus importants dans le monde de la pop music indie. Beck a laissé champ libre au groupe pour surtout travailler les finitions et il aurait même passer plus de temps sur le mastering du disque que sur l'enregistrement (qui n'aurait duré que 5 jours). Beck est un finisseur, un perfectionniste à la fraîche, mais un mec sérieux quand il s'agit de contrôler le maître classique du royaume du low-fi.


L'album n'est pas parfait (la fin tire en longueur), mais c'est ce qui le rend exceptionnel. Il n'est jamais indigeste, toujours entre sublime et cool, entre m'en-foutiste et pointilleux. C'est cette distance qui le rend attractif et attachant ou comment passer d'une chanson qui sonne comme un BO d'un film des frères Farrelly ("No One Is (As I Are Be)") à une pépite rappelant les Beatles d'Abbey Road ("All Over Gently"). MIRROR TRAFFIC tombe comme un miracle dans le paysage musical d'aujourd'hui, présentant sur un piédestal le premier matériau de ce qui nous faisait acheter un disque à 15 ans : la mélodie. À 45 berges, Malkmus nous redonne une leçon. Merci. Merci mille fois.