Illustration: Lucie Sgalmuzzo |
Du 6 au 10 avril se déroulait le festival SUPER MON AMOUR à la Gaîté lyrique de Paris. Si on n’a pas pu y aller tous les soirs, on vous raconte comment c’était beau jeudi et samedi. Au programme: Dan Deacon, Deerhunter, Baths, quelques belles découvertes et le fantôme de Jamie XX.
Il est 19h, il fait chaud, le square est charmant et les canettes Heineken rafraichissantes. De devoir se diriger vers la salle de concert semble déjà bizarre. Cette impression ne va faire que se renforcer une fois les portes de la Gaîté lyrique passées. Cet ancien théâtre, après avoir été occupé par un parc d’attraction Inspecteur Gadget, qui n’a pas marché (mais pourquoi ?, ça avait l’air super), a été presque entièrement rénové. Tout est hyper propre, les murs imitent l’alu, des structures cubiques servent de sièges, et la boite qui accueille les concerts est hyper insonorisée. La première impression est un peu froide, on se croit plus dans un vernissage que dans une salle de concert. Mais d’un autre côté, on n’est pas mécontent de se retrouver dans un endroit hyper beau, où tout est en place pour qu’on puisse allégrement ronronner. Le bar est dans une salle d’époque magnifique avec portrait de Molière, dorures, colonnes, et donne sur le parc sur lequel scintillent les néons du Little Palace Hôtel. Ouah ! Tout est si beau qu’on se laisse même tenter par un hot dog végétarien, où une carotte cuite a remplacé la saucisse. Voilà le décor posé, entrons maintenant dans la programmation très réussie du festival SUPER MON AMOUR.
Jeudi : Duth Uncles, Baths, Factory Floor et Dan Deacon. La session chips et bières dans le parc ayant été difficile à arrêter trop tôt, on a raté tout le début du concert de Duth Uncles mais, à vrai dire, les dernières chansons ne nous ont pas vraiment convaincu, du pop rock de facture assez habituelle. Après c’est au tour de Baths d’entrer sur scène avec peut-être le meilleur set de tout le festival. Le petit joufflu de Los Angeles se la donne sur sa console avec une énergie folle. Alors que trop souvent, les musiciens électro adoptent une pause froide et désintéressée, là c’est tout le contraire et ça fait franchement du bien. Baths fait se trémousser le public avec une chillwave sous perfusion dancefloor. S’il avait été moins tôt, c’est clair que ça aurait dansé du tonnerre. Mais en même temps, les plages sonores fines s’accordent parfaitement avec ce début de printemps et s’annoncent comme la musique parfaite pour la prochaine beach ou lake party. On pense à Passion Pit, période CHUNK OF CHANGE EP, une électro fraiche et agréable. Suivent Factory Floor. S’ils sont anglais, leur son est vachement allemand, avec des moments répétitifs très kraut mais aussi des beats qui font penser à D.A.F.. Bref, c’est du bon mais le contraste avec Baths est violent, les mecs de Factory Floor sont concentrés, ont le regard fixé sur leurs instruments. Le dernier concert de jeudi est assuré par le très attendu Dan Deacon. Malgré un précédent album réussi, BROMST, le mec de Baltimore a encore fait peu de dates en Europe. Après l’avoir vu à Los Angeles il y a deux ans, on se demandait comme le public parisien, moins propice à la participation enthousiaste que les Californiens, allait réagir à toute la partie « entertainment » du set de Dan Deacon. En effet, il faut savoir que celui-ci a décidé de garder dans ses concerts un esprit fête sauvage et ludique. Ses machines ne sont pas sur la scène mais au niveau du public, il joue sur trois colonnes saturées et le set est composé de plusieurs petits jeux : concours de danse, tout-le-monde-se-met-à-genoux-et-montre-du-doigt-ceux-restés-debout, on se met en cercle et tout le monde doit imiter un danseur, etc. Si c’est vrai que c’est cool d’injecter une dynamique aux concerts, que les gens qui participent sont contents, il faut avouer que ce dispositif a aussi ses limites. Déjà le public parisien réagit moyennement (la règle 1 vs 1 du concours de danse aura tenu moins de trente secondes), mais aussi le tout a un côté entre la secte et le club med (c’est la même chose, me glisse-t-on) qui nous ennuie rapidement surtout, quand le côté spontané se trouve être une mise en scène répétée à chaque fois de manière identique. Mais surtout le plus gros point noir de ce concert, c’est le son. C’est bien joli de jouer sur trois colonnes comme dans un garage, mais le rendu dans une grande salle est juste horrible. La saturation fait perdre à la musique son énergie et tout se fond dans une bouillie sonore. D’ailleurs quand Dan Deacon nous dira après le concert avoir joué 4 nouveaux titres, on doit bien avouer ne pas les avoir tous remarqués. Bon à part ça, le concert était quand même bien, vraiment sauvage à des moments, les premiers rangs suaient et les chansons plus lentes du set, surtout "Snookered", très réussies.
Samedi(I) : Gallops, Nelson, Lower Dens et Deerhunter. C’est reparti. Pour bien débuter la soirée, la bonne surprise du festival : Gallops. Si au début on a un peu peur d’être devant des sortes d’Arctic Monkeys essayant de jouer du Battles, on est très vite détrompé. Ça envoie, le son est à la fois intelligent et puissant, surtout grâce au batteur. Ce dernier balance à fond, on a l’impression que c’est lui qui a perverti les autres mecs du groupe pour diriger leur son de synthé et guitare sur un chemin plus hard rock. Après un set aussi cool et méchant, on se disait que ce serait dur pour le second groupe. Ce fut pire que ça. Il suffira de deux mots pour décrire la prestation des Français de Nelson: tout mou. Histoire de relever le niveau, Lower Dens, qui font la première partie de Deerhunter sur leur tournée européenne, entrent en scène. Pas grand chose à redire à ces chansons portées par la voix assez Cat Power de la chanteuse et des mélodies superbes. Parfait pour se préparer à l’arrivée de Deerhunter. Comme il semble loin le temps des concerts où le groupe était fâché (remember Pully For Noise 2009) ou timide, et le chanteur Bradford Cox, torturé. Le groupe sonne maintenant beaucoup plus rock. Les chansons de l’album sont toutes reboostées et la voix se fait volontiers cri, d’inspiration quasi grunge. Il faut bien l’avouer, ça chie pas mal et on ne compte plus les chansons monstrueuses du concert : "Helicopter", "Don’t cry", "Desire Lines". Mais il n’empêche que le dernier album du groupe, HALCYON DIGEST, nous a beaucoup moins convaincu que les précédents opus du groupe. Et on continue de penser que les meilleures titres de ce concert restent ceux issus de RAINWATTER CASSETTE EXCHANGE et MICROCASTLE : "Agoraphobia", "Rainwatter Cassette Exchange", "Little Kids" et surtout "Nothing Ever Happened". Bref, un concert super mais un peu trop propre et trop rock, le son de basse faisant presque penser parfois au dernier Strokes. On regrette la période plus expérimentale du groupe, encore présente dans les chansons plus longues.
Samedi(II). La deuxième partie de la soirée de Samedi était le moment clubbing du festival. Ambiance on vide le bâtiment qui se reremplit d’un public plus jeune et plus looké. Autant le dire directement, cette nuit était un échec presque complet. La console son a pété, ce qui fait qu’il n’y a pas eu de son entre 2h et 2h30 et que donc on a pas pu voir D/R/U/G/S et que le reste de public était tout mou au moment où Jamie des XX est passé derrière les platines. Grosse déception et difficile de juger ce set, qu’on attendait de pied ferme, dans de telles conditions. Heureusement qu’au tout début, la soirée a été vraiment sauvée par un DJ dont on ignore le nom mais qui faisait juste beaucoup trop plaisir. A vrai dire, son set est celui qu’on a toujours rêvé de passer. Des chansons méconnues, bizarres, drôles, et surtout hyper biens. De la soul, du disco en passant par de la surf pop et Konono n°1. Vraiment un set génial. Après c’est vrai qu’on n’était pas très nombreux à danser mais on dansait pour toute la salle. Les clubbers tout proprets, pensant trouver des beats faciles et habituelles, étaient totalement décontenancés. Un jeune blondinet, n’en pouvant plus, finit par traiter le DJ de sale gauchiste. Le rêve!