Illustration: Vincent Tille |
Rainbow Arabia sortent leur premier album après quelques EP prometteurs. Leur mélange, désormais habituel, de sonorités africaines et de pop délurée passe donc l’épreuve toujours difficile de la longueur et de la hi-fisation. C’est moins sale mais on remue plus son booty
Après des années de règne d’une scène underground radicale sévissant autour du Smell avec les premiers Ariel Pink, Health, No Age ou encore Geneva Jacuzzi, Los Angeles voit, surtout depuis l’année dernière, une vague de hi-fisation de sa musique, avec des disques produits de façons beaucoup plus propres mais aussi des sonorités plus proches de quelque chose de dansant voir de mainstream. Mais, on le sait, aux Etats-Unis et encore plus à Los Angeles, les frontières entre hi-fi et lo-fi, entre underground et mainstream, sont loin d’être étanches, du moins beaucoup moins qu’en Europe. Ainsi 2010 a vu paraître des albums beaucoup moins underground dans la production des groupes susnommés : Ariel Pink, No Age et Health un peu plus tôt. Si ce lissage relatif du son de ces groupes a pu, parfois à raison, décevoir les fans des inventions bordéliques de la première heure, il n’empêche qu’une telle capacité à changer de registre, à rendre sa musique plus accessible sur des albums vraiment bons, est proprement ahurissante. C’est cette étape que Rainbow Arabia passe avec BOYS AND DIAMOND. A ses risques et périls.
Jusqu’à présent, Rainbow Arabia m’a toujours bien plus, sans m’emballer totalement, avec des chansons comme Holiday in Congo et surtout le super clip de Omar K (la danse de la petite fille me rend fou). Néanmoins, c’est avec plaisir que je partais à la découverte de BOYS AND DIAMOND. Et disons le directement, le passage à l’étape hi-fi est une vraie réussite. Fini les petits sons un peu timides et simples, qui faisaient peut-être le charme des premières chansons, mais qui ne pouvaient que finir par sonner limités. Rainbow Arabia osent y aller gaiement et convoquer des beats qui claquent, empruntant des sonorités africaines mais aussi hip hop. On ne dira jamais assez quel bien cela représente pour les musiciens américains d’écouter du hip hop, contrairement à la plupart de leurs homologues européens. L’album commence très fort avec Boys And Diamond, parfait mélange entre beat syncopé et bruissement exotique et surtout le single Without You. Franchement, c’est juste magnifique de voir un groupe classé vaguement dans l’underground ou le hip, se lancer tête baissée dans une telle pop euphorique. Surtout parce que le résultat est réussi. Ici on pense à ce qui s’est fait de mieux dans le genre : Tom Tom Club pour l’énergie et Kid Creole and the Coconuts pour la variation potache des sons et des ambiances. Without You n’est peut-être pas du meilleur goût mais on a envie de l’écouter en se levant, en allant bientôt se baigner et surtout danser dessus. Sur tout BOYS AND DIAMOND, Rainbow Arabia ne baisseront pas l’allure et garderont cette recette à base de rythme épique et de sons venant de partout. La voix de la chanteuse parvient à insuffler une énergie pop et bizarre à la fois. Ici on pense à la Fever Ray de Triangle Walks. Cette ressemblance est encore plus forte sur les titres plus lents de BOYS AND DIAMOND : Hai et Mechanical. Avec la première, on entre dans un tourbillon qui commence comme du chamanisme pour se transubstancer mine de rien en un r’n’b dubstep. Pour ceux qui hésitent encore, on recommandera d’essayer This Life is Practise. Oui c’est très pop, oui c’est pas toujours génial, mais qu’est-ce que c’est bon et direct.