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06 mars 2011

MUSIK TANK: DOUBLE DISCO / DISCODEINE + TORO Y MOI

Photo: Chazwick Bundick

Nous en avions brièvement parlé le mois passé dans notre TT Speaches: Discodeine avait laché un bien bel premier album en cette fin d'hiver. Dans le même temps, Toro Y Moi ne s'était pas laissé démonter en livrant sa bombe post-disco UNDERNEATH THE PINE. Discodeine et Toro Y Moi: deux nationalités, deux façons d'envisager la rotation de la boule disco, mais surtout deux tubes.

Décidément, Think Tank s'émeut pour le booty-shaking et après Rainbow Arabia, on sort notre loupe sur deux autres faiseurs de rythmes, signe de l'excellente santé d'un genre large et polymorphe. Attention, à ce rythme-là, nous pourrions en faire un grand dossier. Enfin, suivons l'actualité. Saïnath, collaborateur de la rubrique Tankino: "et personne ne parle de Radiohead?". Oups, non. Pas encore. Il faudra vraiment s'y mettre. Deuxième offensive: "j'encenserai volontiers le dernier Toro Y Moi, pour lequel je donnerai les mêmes qualités que pour The Go Team en matière de positivité, la légèreté en plus. C'est le genre de groove dont je ne me lasse pas depuis des semaine". Oui! Très bien vu! Léger tu veux dire? Cela se discute. Il a fallu du temps pour rentrer dans ce UNDERNEATH THE PINE. Première clé d'accès, forcément, le tube: New Beat, titre pour lequel Jamie Lidell, Chromeo et même Prince nous a-t-on dit s'ouvriraient les veines devant une telle implacabilité. L'été n'est pas loin, ô si, et franchement, on ne va pas se gêner de faire tourner le disque lors de TT Parties ou autres frivolités. Comme si soudain MGMT avait fait une cure d'amaigrissement et que Quincy Jones s'était relancé dans la course. Imparable. Il ne faut pas s'étonner ceci dit: ce ricain signé chez Carpark Records (Beach House, Dan Deacon ou Cloud Nothing étant les choses les plus accessibles du catalogue), œuvre depuis la fin des années 00 sur le devant de la scène indie, catégorie, hum, chillwave. Enfin, tentons d'abolir cette curieuse et gênante étiquette: Chazwick Bundick fait de la pop, un point c'est tout. Proche d'un Ariel Pink, ce natif de Columbia avait sorti l'an passé déjà son premier LP, CAUSERS OF THIS. On avait cru voir un énième représentant honorable et sympathique, sans plus, d'une scène cool. Étonnement il y eu donc, ce 27 octobre dernier au Exile de Zürich. On supportait notre ami Buvette, ouvrant pour Toro Y Moi. On n'en attendait rien du main band. Triple baffe. En tout cas; ce n'est pas souvent qu'on a le sourire durant tout un concert, alors qu'on ne connaît que vaguement les titres. A trois sur scène, le groupe développait une électro pop redoutable, tourbillonnant dans les recoins de la salle, empruntant mille chemins avant de conclure magnifiquement en un refrain imparable ou une ligne de basse démente, au choix. J'en avais fait un de mes top concerts de 2010 seulement précédé par des pointures comme le Sun Ra Arkestra ou encore The Whitest Boy Alive.


Nouvel album donc pour Chazwick Bundick. Oui Saïnath, ça groove: outre la pépite New Beat, Still Sound a pas mal d'arguments à faire valoir sur le dancefloor, en plus diffus, son solo de clavier amenant un bridge aérien, avant, encore une fois, de reprendre ce fameux groove. Et pourtant, cette séduction à la cabriole n'est jamais gratuite. Intro/Chi-Chi reprend les codes de Air ou Boards of Canada, le bien-nommé instrumental Divina pourrait être joué en clôture d'un film de fille Coppola, Before I'm Done est un exemple de sunshine pop sans autre prétention que d'être belle ou d'introduire le funk Got Blinded. On ne va pas tout disséquer, mais terminons par le morceau de notre choix, Go With You résumant le propos de ce deuxième album de Toro Y Moi: une pop futée, pas gratuite mais rivalisant avec n'importe quel pète-sec de charts, les compteurs et les dollars dans les yeux. Il faut faire jouer Toro Y Moi cet été. C'est obligé.


Double disco donc: un petit peu plus accessible à priori sur la forme. Discodeine, de Paris / France, (label Dirty / Pschent), présente enfin son premier album – éponyme – soigneusement introduit par Singular. Ici, Singular se dit plus "Sinegoular" qu'avec la prononciation anglophone: le très prolixe Matias Aguayo, chilien signé chez Kompakt, partage sa science des rythmes avec le duo Pilooski / Pentile. Et selon ces derniers, Discodeine n'est que "club music and intensity, voodoo, chicago house, futuristic disco, jackin' techno, analog basslines, ring modulation, krautdisco, mascarpone and chianti". Mascarpone et chianti: en voilà un bon pense-bête au moment de mémoriser ce bien bel premier LP. De l'Italian Disco en veux-tu en voilà. Jarvis Cocker, présent sur le tube Synchronize en rit encore. Certains s'offusqueront de la présence sur ce titre du plus français des brittons, président des nerds et meilleur romancier des vices de Grande Bretagne depuis Morrissey. Nous, on s'est autant marré que lors de la présence surprise d'Antony Hegarty sur le projet Hercules and Love Affaire (Blind). DISCODEINE a toutefois un tout petit plus profond à proposer. Figures In A Soundcape n'a rien à envier à du Nathan Fake, Antiphonie fout les jeton un moment (on dirait du Soap&Skin), avant de se transcender en torpille minimale à ascendance italienne. Parfait pour lancer un DJ Set d'enfer / en Enfer (Chloé, tiens-toi bien). Le duo a remixé James Murphy / LCD Soundsystem, et on dû flipper autant que nous sur l'incroyable New York I Love You. En digne réponse ou hommage, ils ont eu l'excellente idée d'envoyer un carton d'invitation à Baxter Dury pour la ballade à la Bowie D–A. Baxter Dury est mieux qu'un fils de  (Ian), comme pour donner encore plus d'âme à cet album surprenant. Pas forcément facile de faire rimer électro et album. Ici, Discodeine réussit le coup, et ce brillamment. On s'attendait plus à se retrouver face à de l'électro bubblegum dans la lignée de Kavinsky ou autres. En voilà une autre baffe. Toro Y Moi, Discodeine, deux groupes, deux confirmations d'un talent alors latent sur fond de demi–surprise, et deux tubes qu'on partage avec vous.