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14 janvier 2011

Tankino : Somewhere, Sofia Coppola

Photo: Julien Gremaud
En réalisant un film sur la vacuité du milieu hollywoodien, Sofia Coppola tombe en plein dedans et signe un film ennuyeux, parfois beau, vide et rébarbatif. Tout ça ne serait pas bien énervant s’il n’y avait tout ce bruit autour du film et le fait qu’il ait reçu un lion d’or à Venise

Il y a des signes qui ne trompent pas. Et le fait qu’on se soit franchement fait chier en regardant un film de 1h40 en fait partie. Pourtant le lancement m’avait fait une bonne impression : de belles images, de belles chansons et la relation entre un père et une fille. Le problème, c’est qu’au-delà du trailer, il ne reste pas grand chose. Oui il y a de bonnes chansons (Phoenix, Julian Casablancas, Gwen Stefani). Oui il y a quelques scènes esthétiquement réussies, qui se comptent sur les doigts de la main (contreplongée à la piscine, le masque, la télévision italienne). Mais sinon, c’est le vide le plus complet. On a l’impression que 75% des scènes auraient pu être coupées sans rien changer au film. Revenons au pitch : un acteur réside dans un palace, baise à tout va, participe à des fêtes, donne des interviews. Il ressent la vacuité de cette vie de plus en plus profondément. C’est alors que, suite au départ de son ex-femme, il va devoir s’occuper à plein de temps de sa fille, en proie, elle, à l’inquiétude de se voir délaisser par deux parents absents. Le film parle de ça, les moments partagés entre un père et une fille en détresse, avec son lot de bonheur, de déception et de non-dit. Le problème est que Sofia Coppola échoue à filmer tout autant le bonheur que la détresse. On ne sent aucune force dans l’amour entre le père et la fille, aucune tension entre eux. Impossible de ressentir la moindre émotion quand ils se séparent ou se retrouvent.



Certains pourraient penser que Sofia Coppola a mieux réussi à rendre le motif principal : la vacuité de la vie de star hollywoodienne. Si le spectateur s’est ennuyé, ce serait justement parce que la réalisatrice voulait faire ressentir cet ennui. Mais cette homologie est fausse. Un film parlant de l’ennui ne doit pas être ennuyeux, il doit donner à voir à travers des images et des sons en mouvement une représentation de l’ennui, avec toute la tension et la force que ce sentiment peut renfermer. Cette tension, Sofia Coppola n’arrive à la filmer que deux ou trois fois. Notamment dans la magnifique scène du moulage du visage de l’acteur, où un plan avec un zoom très lent rend une sensation d’enfermement et de passivité terrible. Mais une scène, cela reste faible pour sauver un film qui multiplie les moments dénués d’intérêt et de force pour finir de façon nullissime. De plus cette trame de fond du vide de sens de la société « hollywoodienne », n’a rien de bien nouveau et a été déjà décrite de façon bien plus prenante. Je pense notamment aux livres de Bret Easton Ellis ou Joan Didion ou à Lost In Translation. Au final, c’est comme si Sofia Coppola avait confondu représentant et représenté, la forme et le fond. Au lieu de filmer la coolitude et l’ennui de la vie de star, elle filme une vie de star de façon ennuyeuse et cool. C’est ce deuxième élément qui rend d’autant plus agaçant ce film. S’il faut bien reconnaître une certaine qualité photographique à Somewhere, celle-ci est gâchée par la soumission à une sorte de dictature du cool. Du sac Fjallraven Kanken, aux lunettes de soleil en passant par la Ferrari, rien ne nous sera épargné. On a finalement l’impression que certaines scènes du film ne sont là que pour montrer des objets cool, qu’il s’agisse d’un bébé labrador ou un Macbook. S’il n’y a rien à reprocher aux deux acteur principaux, le dictat du cool pour les acteurs secondaires donne dans le bon avec Alden Ehrenreich, présent dans le génial Tetro, et dans l’affligeant presque drôle avec Chris Pontius, ancien de Jackass dont je ne peux me retenir de vous livrer la biographie wiki en guise de dessert: « Chris Pontius aime les déguisements, mais ce qu'il préfère, c'est de se montrer nu, ou presque nu. [… ] On a dit de lui qu'il était "le Superman des temps modernes". Pontius est tellement à l'aise en matière de sexualité qu'il en devient gênant pour son entourage. Quelle que soit la conversation, Chris s'arrangera pour la détourner vers un terrain de perversions énigmatiques où son braquemart règne en maitre. »