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01 octobre 2013

MGMT : la galaxie revisitée

Illustration : Giom et Lucie Sgalmuzzo
Mi-septembre, MGMT sort son troisième album. Un rendu entouré de questions qui vont de la nostalgie du temps des extra-terrestres au mensonge de la vie. Restée très mystérieux sur son évolution, la bande emmenée par le duo à consonances hollandaises Andrew Vanwyngarden et Benjamin Nicholas Huner Goldwasser (si si, on oublie rien) a entamé une tournée US avant même la sortie de son nouveau disque. Comme si l’album devait passer avant tout par la scène. Retour sur un disque Fridmannien avant leur concert à Zürich le 6 octobre.

Du tubesque Kids au délirant Astro-Mancy, le groupe de Brooklyn a voyagé. A travers le monde d’abord, mais aussi à travers les âges. Leur dernier opus est un livre ouvert sur la musique psychédélique, celle qui a toujours influencée le duo depuis leur début. Déjà au commencement, on pouvait reconnaître ses envies là (Future Reflections, Of Moons…) sans pour autant tomber dans des labyrinthes expérimentaux très hermétiques à leur première écoute (Astro-Mancy, I Love You Too Death). Cet album est donc une carte ouverte sur leur imaginaire, une sorte d’introspection qui les libère d’une pression qu’ils ne veulent pas porter sur leurs épaules. Cette pression, c’est celles des tubes, des singles FM qu’ils avaient alors alignés sur le redoutable Oracular Spectacular. A l’époque, on ne savait plus trop où donner de la tête avec un disque si rempli et si réussi. Peut-être même trop diront certains avec le recul, et c’est peut-être pour s’en excuser que le groupe livre par la suite Congratulations, en forme de pardon ironique à leurs dieux, Barrett, T-Rex et cie. Quelques années plus tard sort le single  anti-FM Flash Delirium qui pose alors les bases d’un album à moitié excellent, mais à moitié vide aussi, afin d’initier les fans à piger vers quelles horizons le groupe avait alors décider de s’envoler.


Chanson cool, numéro 2

MGMT est donc le nom de leur troisième bébé. Pourquoi éponyme ? MGMT est un groupe qui pourtant aime les noms loufoques, les clips incompréhensibles (l’ignoble It’s Working qui coule le morceau à lui seul), les pochettes loufoques – désolé pour la répétition, mais c’est l’adjectif qui leur correspond le mieux. Force est de constater que ce choix (et aussi celui de la pochette) aurait pu permettre de se demander si l’album serait dès plus classique. L’ouverture peut confirmer ses propos. Le très beau Alien Days démarre en trombes, avec une voix d’enfant, une partie solo de keyboard grandiose et un son de batterie qui n’annoncent que du bon. L’une des chansons les plus appréciables du disque si l’on oublie sa fin, longue, inutile et sans idée. C’est con pour une plage inaugurale. Ce triste concept, on va d’ailleurs le retrouver tout au long de l’album, entre moments franchement renversants (Cool Song N°2, les premiers refrains de Introspection, le single Your Life is a Lie ou la ballade psyché I Love You Too Death) et balles tirées dans le pied (les deux horreurs que sont Mystery Disease, An Orphan of Fortune). D’ailleurs, si l’on veut être méchant, il suffirait de faire entendre à tout le monde la version originale de Introspection pour se rendre compte qu’ils n’ont pas fait grand chose ; sauf leur producteur Dave Fridmann qui a du morfler. En fait, ce qui est amusant, c'est que la version de Faine Jade a vraiment l'air d'être la démo de celle de MGMT. Après, tout est à leur avantage d’avoir dégotté cette pépite et de lui donner une seconde vie. La Face A se termine sur le très bon Your Life is a Life, morceau court, super efficace et bien tourné, avec une structure ultra-simple qui sonne compliquée. Pas facile.


Je t’aime aussi, la Mort

Paradoxale, plus aérée, plus osée, moins cadrée, difficile à démarrer, la seconde face du disque est plus sombre. Une première écoute ne suffit pas. Au départ, on a l’impression d’entendre à chaque fois le même morceau – à l’exception de Plenty of Girls into the Sea. Le groupe devient clairement un duo (ce que MGMT avait démenti pourtant en 2008) : la batterie disparaît pour laisser place à des "beats" électroniques, les guitares se font rares et discrètes. On est dans un disque pas loin du Feels d’Animal Collective – en moins bon. Astro-Mancy en est l’exemple parfait : un ovni inclassable, ou la voix d’Andrew est au même volume que les boucles electro de son acolyte, où tout se noie dans un tourbillon vaste, coloré, excitant. Pieces of What semble très loin pour les fans de la première heure. Comme si MGMT était posé sur la lune et regardait la Terre avec un sourire ironique. D’ailleurs, cette présence de l’alien, du monde surveillé et des galaxies sont au centre de ce disque et de leurs clips et trailers. Astro-Mancy prépare l’auditeur pour le titre suivant et forme avec lui un couple circulaire. I Love You, Death est un titre éclairé et qui semble faire revivre les fantômes du Pipers de Pink Floyd : les petits trains qui passent, les jouets mécaniques, les souvenirs d’enfance, ce moment où l’on rit de la Mort. Cette cantine est, après plusieurs écoutes du disque, le morceau le plus intéressant. Sa progression fait froid dans le dos : la voix démarre avant la mélodie, comme si la chanson n’existait pas et qu’elle se développait au fil des minutes. Le retour sur terre avec Plenty of Girls in the Sea est donc très douloureux (sympa hein, mais minable). On dirait du mauvais Why (ou du Why tout court en fait). Et là se termine le disque. Ah non, pardon, il reste une plage : mais alors franchement, je préfère ne pas en parler. 

Donc voici MGMT : un disque qui confirme que le groupe n’arrive plus à tenir sur la durée et qui se contente de quelques mélodies bien placées, d'un refrain à répéter à l'oreille d'une fille, d'une intro bien arrangée. Paradoxalement, MGMT semble vouloir refuser d'écrire un disque plein depuis Oracular Spectacular. En 2013, ils livrent clairement un meilleur disque que Congratulations, préférant apporter de la magie sur un ensemble, désireux de faire résonner les morceaux les uns contre les autres. Et le vide que contenait leur précédent opus, est comblé ici par un peu plus de cohésion et de volonté. Une chose est sûre, ils restent un groupe très intéressant, capable du "pas terrible", et du très très bon. Une expérience à vivre en live, le 6 octobre à Zürich. Parce que de toute manière, avec désormais trois albums, il y a suffisamment de bons titres pour tenir sur un concert.