Photo: Tiphanie Mall |
Alors que le monde arrive à sa fin, tout tend à fusionner vers un abysse vertigineux, les catégories se brouillent de plus en plus. Au point que des groupes classés jusqu’à présent comme musique hantée se sont parés de sensuelle séduction. Holy Other et How To Dress Well, les spectres de Tri Angle, allument les bougies, ouvrent leurs chemises pour laisser paraître les goutes d’eau de Cologne qui coulent le long des poils de leur poitrine.
Nous sommes ces gens stupides qui faisons la fête sur le toit d’un immeuble dans Independance Day, attendant ce moment où l’univers tout entier plongera dans un énorme trou noir et s’autopénétrera dans un orgasme cosmique. Entrant en fusion, chats, aliens et Daniel Craig ne seront plus qu’une même masse liquide se frottant perpétuellement en tout point. Le processus, menant à cette extase apocalyptique comme un grand ragout, s’est déjà mis en marche et les parois, les voiles et les paravents tombent les uns après les autres et font se confondre les différentes dimensions de ce monde. En musique, des termes comme after-pop et post-mainstream ont tenté de cerner cette disparition des différentes frontières de ce champ, que ce soit entre les différents genres ou entre mainstream et underground. Deux des catégories que j’ai élaborées pour Think Tank, la musique hantée, faite de voix ralentie, de basses profondes et d’ambiance spectrale, et la sensuelle séduction, marquant le retour d’un hédonisme décomplexé où désir et sentimentalisme s’exprime sans second degré, s’entrechoquent et se confondent. En effet, deux artistes du label Tri Angle, central dans le genre musique hantée, ont sorti le gloss pour leur nouvel album respectif.
Le premier album de How To Dress Well, LOVE REMAINS, se basait déjà sur un R’N’B’ larmoyant avec une voix osant des aigus et des trémolos hors de sa portée. Mais ces éléments n’étaient audibles que sous une masse expérimentale faite d’étouffement de la voix, de boucles bricolées au premier plan et de samples peuplant densément les titres. Avec TOTAL LOSS, on se rend compte que l’on s’était trompé. Ce n’était pas du R’N’B’ hanté par des spectres mais bien une musique bricolée hantée par un du R’N’B’ pur sucre, dont le fantôme a fini par prendre totalement possession du corps qu’il parasite. How To Dress Well, c’est vraiment Usher qui serait né dans un corps de grand maigre blanc. Il n’en a pas la voix mais néanmoins il ose non seulement en faire le point central de sa musique mais en plus il tente de l'utiliser pour invoquer l’histoire complète du R’N’B’, que ce soit dans son versant ballades tristes ("Cold Nites") ou dans un registre néo-soul qui n’est pas sans rappeler Jamie Lidell ("Running Back"). Désormais chez Weird World Records, How To Dress Well s’est libéré des marques lo-fi pour laisser exploser son amour et sa sensibilité. On pourrait parler ici de travestissement dans le sens où l’aspect contre-emploi saute aux yeux dans un premier temps, avant que l’on ne voit plus que le rouge à lèvre et les strass genre. How To Dress Well est une forme de travestissement à paillette. S’il faut jouer à quelque chose, autant aller jusqu’à adopter la panoplie complète pour chanter avec classe et laisser éclater des émotions trop pures pour ne pas paraître sincère, comme seuls la soul et le R’N’B’ savent le faire. Dans LOVE REMAINS, How To Dress Well met encore plus sa voix en avant, variant entre soupirs, pleurs, sexiness et montées très haut. En arrière, les samples et pads utilisés ont été énormément épurés, utilisant également des instruments classiques à corde, piano et des guitares, ce qui donne un aspect très chic à un album qui réussit comme rarement à allier simplicité de production et pureté du son. Ni grande pompe, ni crade, juste chic. A part quelque fois où le résultat ressemble à du Andrew Bird, notamment sur l’évitable titre instrumental, les chansons de TOTAL LOSS manient parfaitement l’art de la galanterie et des larmes chaudes avec de vraies tubes. Tu ouvriras ton coeur sur "Ocean Floor For Everything" avant de claquer des doigts tout en séduction sur "& It Was U". Qui pourra encore dire que les blancs ne savent pas chanter du R’N’B’.
Le premier album de How To Dress Well, LOVE REMAINS, se basait déjà sur un R’N’B’ larmoyant avec une voix osant des aigus et des trémolos hors de sa portée. Mais ces éléments n’étaient audibles que sous une masse expérimentale faite d’étouffement de la voix, de boucles bricolées au premier plan et de samples peuplant densément les titres. Avec TOTAL LOSS, on se rend compte que l’on s’était trompé. Ce n’était pas du R’N’B’ hanté par des spectres mais bien une musique bricolée hantée par un du R’N’B’ pur sucre, dont le fantôme a fini par prendre totalement possession du corps qu’il parasite. How To Dress Well, c’est vraiment Usher qui serait né dans un corps de grand maigre blanc. Il n’en a pas la voix mais néanmoins il ose non seulement en faire le point central de sa musique mais en plus il tente de l'utiliser pour invoquer l’histoire complète du R’N’B’, que ce soit dans son versant ballades tristes ("Cold Nites") ou dans un registre néo-soul qui n’est pas sans rappeler Jamie Lidell ("Running Back"). Désormais chez Weird World Records, How To Dress Well s’est libéré des marques lo-fi pour laisser exploser son amour et sa sensibilité. On pourrait parler ici de travestissement dans le sens où l’aspect contre-emploi saute aux yeux dans un premier temps, avant que l’on ne voit plus que le rouge à lèvre et les strass genre. How To Dress Well est une forme de travestissement à paillette. S’il faut jouer à quelque chose, autant aller jusqu’à adopter la panoplie complète pour chanter avec classe et laisser éclater des émotions trop pures pour ne pas paraître sincère, comme seuls la soul et le R’N’B’ savent le faire. Dans LOVE REMAINS, How To Dress Well met encore plus sa voix en avant, variant entre soupirs, pleurs, sexiness et montées très haut. En arrière, les samples et pads utilisés ont été énormément épurés, utilisant également des instruments classiques à corde, piano et des guitares, ce qui donne un aspect très chic à un album qui réussit comme rarement à allier simplicité de production et pureté du son. Ni grande pompe, ni crade, juste chic. A part quelque fois où le résultat ressemble à du Andrew Bird, notamment sur l’évitable titre instrumental, les chansons de TOTAL LOSS manient parfaitement l’art de la galanterie et des larmes chaudes avec de vraies tubes. Tu ouvriras ton coeur sur "Ocean Floor For Everything" avant de claquer des doigts tout en séduction sur "& It Was U". Qui pourra encore dire que les blancs ne savent pas chanter du R’N’B’.
Le changement de registre est beaucoup moins marqué chez Holy Other. Néanmoins les basses sombres et les voix ralenties présentes sur "Yr Love" ont presque totalement disparu sur HELD ou du moins été fortement adoucies. Moins dans l’épanchement, le son assume néanmoins plus un côté tendre et sensuel. Une des formations les plus talentueuses du label Tri Angle en live garde la même recette mais en perdant en haché ce qu’elle gagne en douceur. Ici la musique reste hantée mais par de tendres succubes. A l’image de la couverture de ses albums, les titres de Holy Other font se soulever les draps non pas dans une excitation animale mais dans une langueur mélangeant désir et tristesse. Les voix ne sont samplées que pour faire entendre des cris ou des soupirs. On n’est pas là pour discuter. HELD, sans fausse note et sans baisse de régime, déploie une maitrise d’une musique hantée adoucie mais toujours aussi prenante et intense. A force d’user de nappes orgasmiques, la musique d’Holy Other finit par prendre des airs de soul réinventée sur des titres comme le magnifique "U Know" ou encore "Held", "Past Tension" et "In Differences". HELD vient prouver que si Tri Angle a su garder la forme, c’est en faisant de sa musique hantée autre chose que de l’agressive dubstep ou de l’éphémère Witch House. Les spectres ont pris des airs mélancoliques pour des albums limpides assumant leur face romantique, plongeant de façon plus introspective qu’exutoire dans une mise en musique d’un nouveau mal du siècle. Balam Acab et maintenant Holy Other ont donné des premiers signes de ce virage soulesque du label, trahi également par la production d’un premier EP d’AlunaGeorge, aujourd’hui au top du tube au sein de la nouvelle scène dark wave britannique avec l’assez-bon-un-peu-hanté-mais-quand-même-hyper-FM "Your Drums your Love". On vous laisse avec le clip témoin de ce tournant love au possible de la musique hantée.