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09 mars 2012

Sensuelle séduction III : Chairlift, Nite Jewel et Phedre

Photo: Jérémy Ayer et Julien Mercier
Alors que les beaux jours commencent à pointer, voici venir le troisième volet de sensuelle séduction. Avec Nite Jewel, Phèdre et Chairlift, de Los Angeles à New York en passant par Monaco, il y aura de l'amour pour tous les goûts: du raffinement, du bordel et de la volupté.

Il fait de nouveau chaud, tu le sais parce que tu recommences à suer quand tu danses, que déjà tu as envie de te baigner ou de siroter des verres sans cesse. C'est bientôt fini ces grands manteaux qui cachent les formes. Et peuvent continuer tous les styles de sensuelles séductions et la musique qui va avec. La première situation est la suivante, tu te trouves dans un vernissage, accoudé-e contre une vitre, assis-e par terre, ouvrant une canette. La musique de cette situation, c'est SOMETHING de Chairlift. Autour de toi, tout le monde s'est pomponné et mange des chips avec une nonchalance raffinée. Tout cela est très beau, filles et garçons sont bien joli-e-s mais la vérité c'est qu'au fond c'est quand même un peu ennuyeux. Le peu de relachement fait perdre à l'exquis son éclat. La musique de Chairlift dégage un peu de cette ambiance. Au premier abord, SOMETHING est un album qui porte la musique loin, avec la voix d'une chanteuse qui permet énormément de variations autour de sonorités sexy. Surtout, on sent cette volonté de prendre une certaine musique pop au sérieux. Si les chansons osent frôler ainsi avec les clichés, c'est pour mieux puiser dans des influences de connaisseur-euse-s et démontrer une intelligence tout sauf naïve dans la composition. On est donc tout-e prêt-e de s'emballer pour cet album et ses différents titres, si justement le raffinement ne souffrait de ce manque de sincérité et de naiveté. On se retrouve face à des chansons finalement trop pensées pour pouvoir véritablement accrocher et toute la séduction finit par ne sonner que comme de l'ironie. Tenter d'écrire de grandes chansons pop, Chairlift ne  sont pas les seul-e-s à le faire, notamment à Brooklyn, d'où le groupe vient. Et c'est ainsi que SOMETHING bascule parfois entre du moins bon comme Yeasayer, avec des sons bizarres plutôt cool mais trop utilisés et mal intégrés aux chansons comme sur "Wrong Opinion". Mais parfois, on oublie aussi tout ce que la pose a d'affectée pour plonger dans des titres véritablement exquis, proches ici de CONGRATULATIONS de MGMT. Parmi les bonnes chansons, on retiendra, plus que le single "Amanaemonesia" au joli clip mais à l'affectation trop marquée, les très sexy "Take it on to me" et "Guilty as charged", la disco déhanchanteresse de "Ghost Tonight" et l'incroyable délassement de "Cool as fire", tout droit sorti d'un film romantique italien des années huitante, à l'extrême limite du kitsch sensuel mais prouvant, si nécessaire une fois de plus, toutes les qualités vocales de Caroline Polacheck.


Deuxième tableau, tu te trouves au milieu d'une fête dans un appartement. Tout le monde se déchaîne. Avec ou sans drogue, tu as envie d'embrasser tout le monde. La musique de cette situation, c'est S/T de Phèdre. Entouré-e par que des ami-e-s, du moins des gens qui t'apparaissent comme tel-le-s pour ce soir, ta sensusalité se fait joyeuse et généreuse dans ce bordel rigolard. La musique, tu ne l'entends pas très bien, tu ne sais plus vraiment si c'est de la bonne ou pas mais le truc dont tu es certain-e, c'est que t'as envie de danser pour toujours. Phèdre, c'est un peu cela et en mieux vu que la qualité de leur musique n'est en rien due à une perception trop euphorique. C'est sûr qu'on est très loin du raffinement de Chairlift. Ici, il y a parfois des fautes de goût, des chansons très peu réfléchies. Phèdre sont censé-e-s s'inspirer de la tragédie grecque mais, à écouter leurs intro au synthé, on chercherait plutôt du côté de leur origine azuréenne. Phèdre se lachent totalement, ce qui vire parfois à l'étouffant, par exemple sur "Aphrodite" cela fait peut-être un peu trop quand même de mettre des bruits de chiens et d'oiseaux en même temps. Mais la plupart du temps, on ne ressent qu'un plaisir jouissif procuré par des chansons souvent bonnes. Le tube de l'album, "In Decay" exprime toute cette décadence vécue dans l'euphorie. Phèdre osent tout, la preuve, leur intro ressemble à celle de "Cette année-là" de C. François. Dit comme ça, cela paraît impossible mais Phèdre parviennent bel et bien à sortir un tube lumineux, fait d'alternances entre voix féminine et masculine, des sons fendards et un rythme qui ne ralentit jamais. Malgré quelques moments anodins, S/T, sous son air de ne pas y toucher, se révèle être un album de bonne facture, avec une voix basse très synthwave, des titres simples mais bien trouvés, des sons étranges sans être prétentieux comme sur "Love Ablaze". Une bonne partie de plaisir. Comme quoi, Monaco, ville d'amour.


Troisième tableau, tu te trouves au bord d'une étendue d'eau splendide. Des mets exquis sont étalés sur une nappe et la bière semble n'avoir jamais été aussi délicieuse. Vous êtes là, tous-tes les deux à profiter de la volupté d'une nuit d'été. La musique de cette situation, c'est ONE SECOND OF LOVE de Nite Jewel. L'amour brille de mille feux. Il n'y a pas à avoir honte de se pâmer devant la grâce de ces moments de pure beauté où c'est l'univers qui semble s'être plié pour faire étinceller l'air, l'eau et la sueur. Dans son premier album, Nite Jewel avait déjà prouvé sa capacité à écrire des titres chauds et liquides avec "Lover" mais le reste de GOOD MORNING freinait ces ardeurs et se cachait dans des chansons marquées par des tics underground (échos de voix, étouffement du son). Avec ONE SECOND OF LOVE, Nite Jewel sort le grand jeu et à l'instar d'autres groupes de Los Angeles, Ariel Pink par exemple, fait fi de l'identité underground pour sortir un grand disque à la production soignée. Tout le monde est gagnant car enfin on jouit sans entraves de la magnifique voix de Ramona Gonzales. ONE SECOND OF LOVE, c'est ce à quoi devrait ressembler la pop. Des titres magnifiques, des refrains boulversants. Nite Jewel utilise  pour s'accompagner surtout de synthé et de boîtes à rythmes. Cette absence de guitare la différencie de St Vincent et donne à sa musique un caractère moins étudié que chez cette dernière. La composition dans ONE SECOND OF LOVE se libère des carcans liés au songwriting pour laisser s'exprimer une inventivité lo-fi sans manièrisme, lorgniant du côté de l'italo-disco, de la soul, d'une musique réduite à son essence d'amour. Une pop au style voluptueux qui se hisse directement au niveau des classiques du genre. La séduction ou l'écriture pop ne sont pas ici recherchées ou construites intelligemment, elles sont données, limpides et envoutantes. Chaque titre de ONE SECOND OF LOVE mériterait d'être mis en exergue, mais s'il faut en choisir pour se convaincre du coup de foudre, cela sera le très R'N'B romantique "Autograph", l'hallucinant et kate bushien "Unearty Delights" et le magnifique, bouleversant, "This Story", une des plus belles chansons qu'on ait jamais entendue, une chanson à jouer dans les mariages, une chanson pour faire l'amour, une chanson pour pleurer.







One Second of Love by Nite Jewel from Secretly Jag on Vimeo.