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27 septembre 2011

TET A TET #2, le Kirghiz en nous

Illustration: Anatoly Kolesnikov (still print), 2011

Retour à quatre mains sur la seconde édition de l'exposition TET A TET. Au programme, des noms bien connus de la région, associés ou plutôt confrontés à de lointains collègues d'une république née lors de l'effondrement du bloc soviétique. Plus instructif qu'un cours de géopolitique universitaire?

Fumiste: Le bâtiment de l’Ex-EPA, accueille sur une petite semaine les travaux issus d’un échange. Embarqués par l’association FOCUS, quatre artistes suisses se sont envolés vers le Kirghizistan à l’automne 2009 pour y monter une exposition en collaboration avec d’autres artistes du collectif autochtone INSIDE OUT, sur le thème de la montagne. Retour de flamme à Vevey ensuite, où quatre Kirghizes se sont joins au voyage et à la création collective. Les démarches sont diverses et fertiles : vidéos, peintures murales, installations naturelles ou sculptures monumentales, cartographient l’espace intérieur du bâtiment. Il s’en dégage une impression rêche, violente parfois, et un souci particulier accordé à la confrontation des matières premières et des formes : le bois y rencontre la roche, la courbe et l’angle s’y cognent. Sur les murs nus et écaillés de l’ancien centre commercial défilent de vastes paysages en noir et blanc, et plus qu’un écran, ceux-ci deviennent un passage, une brèche vers l’étendue libre des plaines. Figée, une scène du quotidien capturée dans une cuisine nous fait face au détour d’une paroi, comme pour renvoyer le spectateur à ses propres habitudes et lui rappeler que l’exotisme, c’est aussi la routine des autres.

C’est peut-être à cet autre justement et aux difficultés, aux malaises et aux joies qui peuvent naître de son premier abord, que nous renvoie l’exposition. Les diverses recherches qui la composent se donnent à voir comme des nuances de rapport, tantôt tendues vers l’ailleurs et l’inconnu, tantôt rentrées vers nous. L’œuvre et l’œil engagés dans un même travail, exposés en vis-à-vis dans une même curiosité. Au final, la montagne est un prétexte.


Julien:  un prétexte certes, mais aussi une empreinte pour les artistes helvétiques ayant rejoint la belle équipée. Quand il ne chausse pas les skis, l'Italo–suisse Federico Berardi reproduit d’impressionnants sommets sur des tirages XXL. De Verbier, son lieu de résidence, le photographe n’en garde pas que les afters-ski, au contraire. A l’Ex-Epa, il présentait une oeuvre commune avec David Favrod, grand spécialiste de l’implantation helvétique du Japon dans les idées et les subterfuges argentiques: située au point méridional de l’expo, mais au sous–sol, elle consistait en une installation vidéo à double levier, appelée ”Phantom Phantom”. Avec son bassin inférieur, on penserait à un Ground Zero veveysan, où une projection assez fascinante se mélange aux murs égrugés de l’ancienne supérette. Berardi exposait récemment au festival Plus 1000 de Rossinière – où TET A TET était d’ailleurs invité pour une conférence – aux côtés de la locale Camille Scherrer. Si elle non plus n’était pas du wagon lors de l’expédition 2009, sa présence à Vevey s’impose d’elle–même. Plutôt que de glisser ses alpes vaudoises dans des programmes informatiques, ou de permettre à des oiseaux de devenir photographes, c’est une légère perfusion de campagne sous le nom de ”Mauerblümschen” (en collaborations avec  Adrienne Scherrer) que reçoit l’ancien Uniprix. Si le photographe archi–encensé Yann Gross n'a pas pu participer à cette seconde édition, ses principaux camarades de virée kirghize étaient présents et en grande forme à Vevey. S’avouant exténué à la fin de cette semaine/workshop, Simon Deppierraz s’est approprié un double 50 mètres carrés boisé à lui tout seul, séparer par la paroi centrale: ”Arbalétrier” est un habile mikado reprenant les fameuses astuces d’équilibriste du vaudois, qui ferait presque penser à une structure prête à accueillir une chaloupe. Symétriquement, une houle, ou plutôt en l’occurrence une piste cabossée – ”Multiplis” – par des des pierres, à se demander quand ce bois tendu va bien finir par imploser. Régis Tosetti présentait lui deux peintures murales avec Simon Palmieri au pied de ”Multiplis”, entourées des premières oeuvres kirghizes de l’exposition, avec ”Map” et ”Promis, on rend la pierre dimanche”.

Tet a Tet, Bâtiment de l'EX-EPA, rue d'Italie 56, 1800 Vevey, jusqu'au 29 septembre