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07 septembre 2011

Primal Scream à Lausanne

Illustration: Markus Marys


Primal Scream profite des 20 ans de la sortie de SCREAMADALICA pour tenter un retour aussi improbable que vénal: réédition dudit album, avec T–Shirt, affiches et tapis de platines en superpack, puis, dans la foulée, pour ne rien oublier, une tournée mondiale. Histoire de se relancer/témoigner.

Autant le dire de suite: Primal Scream n'atteindra jamais un quelconque statut mythique. Coincés à Glasgow, alors bien plus paisible que maintenant, en pleine bourre artistique, anciens petits soldats d'imposants groupes – The Jesus and Mary Chain, The Stone Roses, cools mais pas autant que les Happy Mondays. Dès le début, ça partait assez mal pour  Bobby Gillepsie, Mani et Jim Beattie. Influences archi–classiques (Byrds, Stones), son pas franchement novateur, virtuosité ordinaire et inspirations bas du front. Avant eux, des intouchables. Débuts: 1982, autant dire la mauvaise passe des eighties, Joy Division fini, adolescence des frères Gallagher, Margaret Thatcher, Michel Platini, etc… Et puis, THRILLER de Michael Jackson était une bombe. De quoi se décourager. Il faudra d'ailleurs quelques années à Primal Scream pour se lancer véritablement. Les membres du groupes se font éjecter les uns après les autres. Seulement voilà, le groupe signe chez Creation, label d'un proche, Alan McGee (Oasis, Ride, Teenage Fanclub), deux albums pour se mettre en patte, et puis SCREAMADALICA.


Parmi les producteurs, un certain Andrew Weatherall aux commandes. De Windsor, le DJ est passé de la scène Madchester à celle, plus viable, de la techno. Nous sommes en 1991. Weatherall est un habitué des soirées acid house. Gillepsie les découvre par l'entremise de McGee. Le choc est radical, même si le Glaswegian s'en défendra longtemps. A l'insu de son plein gré, Primal Scream se révèle comme une redoutable machine à danser, et à looper. C'est l'ère du baggy et cela s'y prête bien: si l'ouverture "Moving on Up" sent salement le Rolling Stones, "Slip Inside This House" change radicalement la donne. Samplant du 13th Floor Elevators et du Sly Stone, le moreau est un dub archi–efficace, à l'apparente bonhomie. Surtout Gillepsie se sort avec brio de ces nappes psychés. Avant de bifurquer sur le house "Don't Fight It, Feel It". Là aussi le tempo est traînard mais ça tire allègrement vers la disco italienne. Denise Johnson y chante et c'est un tube qui passera sur toutes les platines des DJs. De cette électronique, le groupe en garde son squelette sur d'autres morceaux: "Higher Than The Sun" ou "I'm Comin' Down" auraient pu être de banales ballades de secondes zones, la production les place comme pures injections planantes."Inner Flight" fait aussi partie de cette famille, lorgnant vers du Brian Eno, "Damaged" la joue lui avec plus de classicisme. Entre ces deux titres, "Come Together" sample un discours de Jesse Jackson sur un dub éloquent, les chœurs complétant le délire fluo. "Loaded" tape lui dans Les Anges Sauvages en y extirpant un dialogue de Peter Fonda, sur fond de loop d'Edie Brickel ("What I Am"). 


La suite? On l'a forcément un peu oubliée. Ou bien simplifiée. Primal Scream jouera longtemps avec ces fameuses trouvailles soniques, méthode que, au hasard, leur compatriote Fatboy Slim utilisera avec pas mal d'aplomb et de culot, restera dans ce grand écart entre rock classique, gospel, acid house, dub et tentatives électroniques. Au fond, rien de très révolutionnaire: cela avait été dans l'ère du temps, certains avaient fait plus fort mais moins longtemps (Underworld), d'autres la jouaient plus classique (Oasis ou Blur, des héritiers quoi qu'on en dise), mais avec plus de succès. 1991, le grunge arrivait dans toutes les supérettes. Les raves investissaient les champs. Problème de tempo, encore une fois? C'est certains, même si, preuve d'une certaine qualité artistique, SCREAMADALICA est encore écoutable en 2011. C'est indéniable: il faut aller voir la formation britannique aux Docks de Lausanne.