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03 juin 2011

TT Trip : Kilbi/Jeudi

Illustration: Giom

Être seul délégué pour couvrir tout la Kilbi pour Think Tank n’est pas de tout repos. D’autant plus qu’une nouvelle scène fait que suivre l’ensemble des concerts relève du marathon. Mais j’étais bien décidé à vivre le truc à fond, en mode immersion totale, camping et after matinale. C’est parti avec un jeudi soir où il n’a finalement pas plu et avec du très lourd comme tête d’affiche : Queens of the Stone Age et Animal Collective.

A peine le temps de lancer ma quechua, de boire ma première bière et de se réjouir d’être de nouveau dans ce petit paradis qu’est Kilbi, que le premier concert va commencer. Le festival, malgré cet engouement qui faisait craindre une perte d’identité, reste fidèle à lui-même. Toujours aussi modeste. Toujours d’aussi bons fallafel. Une programmation pas loin de la perfection et des jeunes gens beaux. Les arbres bougent derrière la grande scène, tous les groupes semblent heureux d’être là, dans une ambiance parfaite où s’ébrouent en harmonie romands et suisses allemands, avec ou sans peignoir. Bref toujours aussi love. Et cette nouvelle scène représente finalement un plus indéniable, permettant d’alterner les groupes sans devoir forcément passer par la case surbondée de la salle du Bad Bonn. Plutôt que de reprendre la line up de façon linéaire, voici les moments marquants du jour, les concerts mémorables. D’avance merci à tous ceux à qui j’emprunte les avis et les bons mots dans une collectivisation assumée des idées.


Le héro du jour
Ce choix paraît facile, mais voilà, le set d’Animal Collective reste selon moi le meilleur concert de cette édition de la Kilbi. Suite à des changements dans l’horaire, je me dirige tranquillement vers la seconde scène pour se rendre compte que, oui, c’est bien Animal Collective qui est en train de jouer. Après la déception du concert de Fri-Son d’il y a deux ans où le groupe avait joué les chansons de MERRIWEATHER POST PAVILLON sans jamais vraiment décoller à trois derrière leurs console, quel bonheur de les retrouver sous une forme plus brouillonne mais aussi plus inventive. Les rêves les plus fous sont exaucés. Deakin est de retour, tandis que Panda Bear se retrouve derrière la batterie. Après le gros coup de hype et un album plus facile, je ne pensais pas pouvoir revoir Animal Collective dans de telles conditions. Le gros du public venu en majorité pour Queen of the Stone Age est déjà parti et on se sent privilégié de voir un des groupes les plus importants des années 2000 avec une audience modeste, sur une petite scène. Et à nouveau, Animal Collective réussissent là où ils avaient échoué à fribourg : à nous décontenancer. Dans ce set, je n’ai reconnu que trois chansons, les autres étant soit des nouvelles soit des anciennes méconnues. Parmi les chansons reconnues, deux titres de MERRIWEATHER POST PAVILLON : "Brother Sport" et "Summertime Clothes". Géniales et désirs de communion, elles sont désormais passé à un révélateur moins dance pour prendre une couleur plus habitée et plus lo-fi. Le troisième titre est issu du génial SUNG TONGS : "We Tigers", où la capacité du quatuor à bricoler des rythmes épileptique reste toujours aussi forte. Que dire du reste du set, sinon qu’il m’a mis une grosse claque ? Des nouvelles chansons chaudes, travaillées sur place, avec quelques fautes mais tout le monde s’en fout. Loin des beats un peu carrés du dernier live, Animal Collective reprennent la tangente dans une direction de plus en plus tropicale, allant jusqu’au reggae sensuel. Quand le concert se finit, le corps et l’esprit sont tout retournés par ce concert à nouveau en constante expérimentation et aux battements tribaux.


La déception du jour
Même si je n’attendais pas grand chose du Matthew Dear Live Band, la fausse publicité de la Kilbi faisait envie et dans une soirée très rock, je me réjouissais d’entendre un truc plus électro. Mais voilà, la tentative de mettre en place un groupe live par ce producteur est, comme souvent dans ce genre de cas, ratée. Il ne suffit pas de mettre un veston blanc et de vaguement se déhancher pour être funky. Matthew Dear essaie de rééditer ce que Jamie Lidell avait très bien fait pour la tournée de JIM. Mais là où ce dernier dégageait une énergie soul époustouflante en concert, Matthew Dear ne dépasse jamais le stade du dandy à gomina tout mou.


La découverte du jour
La bonne surprise du jour vient de Berne et s’appelle Must Have Been Tokyo. Dans un festival qui a vu de nombreuses formations recracher plutôt mal l’influence d’Arcade Fire, c’est peut-être ce groupe qui s’en est le mieux sorti avec des mélodies sympas et des chœurs efficaces et entrainants. Bon d’accord, au premier rang, y a un gros avec un bouque qui se trémousse, mais ce concert sans prétention a fait l’effet d’une brise fraiche dans une soirée où les grosses guitares étaient de sortie.


Le tour du monde
Tout a commencé par le concert de Disappears avec Steve Shelley de Sonic Youth à la batterie. Et tout de suite, on ressent à quel point la programmation de la Kilbi joue un niveau au dessus des autres festivals. Le premier concert de la grande scène possède déjà une qualité indéniable. Ce qui apparaît aussi, c’est à quel point ce festival, malgré sa curiosité pour ce qui se fait dans tous les différents styles, est resté fondamentalement rock. Disappears, c’est donc du très bon post-punk cadencé avec une basse bien présente mais au fond cela ressemble plus à ce que j’aurais voulu écouter il y a deux ans. Toujours aussi rock, les gars de Swans font eux dans le plus lourdingue avec des plages instrumentales assez chiantes. Et puis leur punk posé à la Wire manque de tranchant. je me suis ennuyé devant ce groupe aux allures de zombies menés par une sorte de vieux chef d’orchestre ayant trop pris de drogues dans sa jeunesse, dansant à la Thom Yorke, et par un viking torse nul frappant sur son gong. Avec tous ces groupes de rock noise ou stoner, un seul à mon sens allait démontrer une vraie puissance et mettre tous les autres à l’amende: Queens of the Stone Age. J’avoue mal connaître le groupe ainsi que leur premier album récemment réédité mais là, malgré le fait que j’étais dans un état proche de l’Ohio, j’en ai pris plein la face. Le son était juste incroyable. Je ne crois pas avoir déjà entendu un truc d’une telle intensivité dans un concert rock en extérieur. Les basses et la batterie te prennent l’estomac, te démonte, te remonte et ta nuque en prend pour son grade. Le concert commence par une reprise des titres de ce premier album que le rappel complètera avec des titres plus récents comme "Go with the flow". Un show bestialement stoner qui m’a soufflé malgré mon peu de goût à la base pour ce groupe et ce genre. Après toute cette sueur rock, j’étais en manque d’électro pour bouger autre chose que ma nuque. L’avalanche de concerts ne m’a permis que d’entre-apercevoir le set de Bit-Tuner mais les quelques minutes ont suffi à confirmer l’impression faite lors d’un récent concert dans un grenier bâlois : une dubstep bien méchante aux basses profondes qui fit se déchainer toute la petite salle du Bad Bonn. Après m’être étalé deux minutes dans ma tente, je suis reparti pour reprendre un peu de dubstep avec Duffstep. Il ne reste plus grand monde dans le festival, il commence à pleuvoir. C’est donc l’heure de mettre son capuchon et de tituber vaguement en rythme devant un dj entouré de quatre carrés traversé de rayons lumineux et m’offrant la seule chose dont j’avais envie à ce moment-là, une dubstep au beats puissants mais aérés de moment plus dance nineties. Allez il est temps d’aller mourir comme un vieux chat et de se reposer avant les deux derniers jours.


Le concert que j’ai pas vu mais on m’a dit que c’était super
Voilà peut-être le gros regret du festival que d’avoir raté Nisennenmondai. Trop concentré à manger mon chili con carne, je ne l’ai écouté que de loin. Pourtant tout ceux qui ont vu le concert de ce trio japonais en sont revenus conquis. Avec des instrumentales épiques, entre noise, techno et kraut-rock, les trois filles de Nisennenmondai ont apparemment tenu en haleine les potes suspendus à une batterie imprévisible. Schade !


Le coin de mister cocktail
Le jägernalco: mélanger du sinalco avec du jägermeister. A consommer frais comme chaud pour un effet vin de noël. A reçu l’approbation générale des différents testeurs avisés.