Illustration: vitfait |
Julien: traditionnellement, le mois d'avril est réservé aux sorties de programmes des principaux festivals européens. L'occasion de faire un bilan intermédiaire des scores et courants et de confirmer certaines consécrations latentes: WU LYF, un peu partout cet été, aussi proche de chez nous, à Belfort et très certainement à Montreux, Anna Calvi vraiment partout, Tame Impala qui repart pour un tour, pas vraiment surprenant, Paul Kalkbrenner plus gros que les Chemical Brothers, Queens of the Stone Age plus présent que jamais avec la réédition de leur premier album du même nom, leurs petits frères d'Arctic Monkeys qui se bonifient avec le temps, et puis bon, Arcade Fire qui fait même une date à Argelès–sur–Mer, là où j'allais en vacances quand j'étais petit (pour situer, ils côtoieront Two Doors Cinema Club, Cali ou… Aaron. Libre à chacun de prendre l'air de la Méditerranée cela dit), The Vaccines loupent juste le train des grosses dates hors Royaume–Uni, dieu soit loué, alors que James Blake sera le gros truc de cet été. Pour terminer, notons une certaine satisfaction de voir Portishead, Beirut, PJ Harvey et le projet Congotronics vs Rockers se mêler à la fête de Paléo. Jadis, avant qu'Internet n'agisse comme une super Encyclopédie pour les Nuls, ç'eut été un festival indé. Or donc, nous sommes en 2011, et Portishead fait dorénavant la tête d'affiche d'une manifestation grand public. Sociologiquement, c'est intéressant. Musicalement, on espère que le son soit à la hauteur (quand craintes et déceptions se croisent trop souvent…). Personnellement, je m'attendais à pire cet été, on n'a pas été gâté (quid de tUnE–yArDs, Dodos, Keren Ann, Jamie Woon, Lower Dens, Papercuts, Lykke Li, Peaking Lights, Timber Timbre, Fujiya And Miyagi, Warpaint, Zoot Woman, par exemple? Tout n'est pas encore sorti du côté des petits festivals, prions alors… Qu'en dis–tu Pierre?
Pierre: Oui ce mois d'avril a été marqué par la folie des deux grandes kermesses musicales suisses de l'été. Et pour une fois, c'est plutôt qui le Paléo qui marque des points face à Montreux. Du côté du Paléo, les Strokes quand même, Tame Impala, PJ Harvey, Amy Winehouse, Metronomy, Congotronics vs Rockers et plein de groupes de potes qui font bien plaisir. Big Up à Überreel et aux Wellingtons Irish Black Warriors! Du côté de Montreux, pas grand chose à part James Blake et Arcade Fire. Vu le prix des billets, mieux vaut avoir une grand-mère généreuse pour nous offrir des places. Mais Montreux a encore dans sa manche la programmation des concerts gratuits. Tout n'est pas encore dit. Le mieux est cependant toujours de voyager pour voir d'autres festivals. A Barcelone, bien plus que le monstre indé Primavera, cette année c'est le Sonar qui me fait saliver. Des pointures (Aphex Twin, James Murphy et Dizzee Rascal) et surtout un showcase d'un des meilleurs labels du moment: Tri Angle avec How To Dress Well, oOoOO et Holy Other. De la grande musique hantée en perspective. Sinon pour ceux qui veulent faire le plein de love nordique, je recommande le Flow Festival à Helsinki. Ca se déroule dans une friche industrielle et les premiers groupes annoncés sont Kanye West, Lykke Li, Q-Tip, Iron & Wine, James Blake, Warpaint, Ariel Pink, Twin Shadow. C’est un peu ce que tu souhaitais Julien.
Julien: après ce court aparté, reprenons nos affaires avec joie: le meilleur EP du mois est la bande–son du film Submarine réalisé par Richard Ayoade (1977), auparavant connu au bataillon comme acteur de séries. On n'en sait pas vraiment plus, si ce n'est que le film sort au mois de juin en Grande Bretagne et que, donc, c'est Alex Turner (Arctic Monkeys, Last Shadow Puppets) qui signe ces belles six pistes d'ambiance (sorti chez Domini, distribué par Musikvertrieb). Du classicisme à l'anglaise, très influencé par le grand et pourtant sous–estimé Richard Hawley (ils ont partagé la scène à quelques reprises lors de la tournée 2007–2008). "Hiding Tonight" n'est pas le titre le plus évident pour entrer dans ce SUBMARINE, mais putain qu'est–ce que c'est beau. Turner fait du stoner avec les Monkeys? Tant mieux, il se permet en parallèle de tracer sa propre voix. On pense ici à Elliott Smith détaché des brutaux Heatmiser ou de Troy Von Balthazar hors de Chokebore, toutes proportions gardées. Le EP procède par sous–couches, en petites escalades, passant de pures pop songs intimistes ("Glass in the Park" doit faire très très mal à Doherty) à du très orchestré: "Stuck on the Puzzle" aux fausses allures de Travis pour mieux s'ancrer dans cette tradition des grandes ballades rétros, et le final "Piledriver Waltz", qu'on sent proche dans l'esprit de "Fluorescent Adolescent" (2008). Tout cela est fort respectable.
Pierre: Autres groupes reconnus et attendus, TV On The Radio et Cold Cave sortaient leur nouvel album ce mois. Et pour les deux, si le résultat est respectable, il n'en est pas moins décevant. Alors qu'ils avaient réussi quelque chose d'assez bien avec leur précédent album (LOVE COME CLOSE) avec une cold wave racée et mélancolique à en pleurer, Cold Cave accélèrent à mon plus grand regret pour faire du sous–Cure. On a plus le temps de s'émouvoir et les synthés à force d'essayer de se rechauffer ont perdu leurs beautés glaçante pour n'être plus que de la neige toute molle. On sait pas si c'est l'emballement actuel que connait la cold wave qui leur a fait ça, mais les gars de Cold Cave ont perdu le sang froid qui faisait la qualité de leur son. TV On The Radio semblent eux aussi un peu dépassés. Tout est pas mal fait mais sans y croire. J'ai jamais été un fan du groupe mais là j'ai vraiment de la peine à m'emballer pour un disque que je trouve aussi daté qu'insipide. Après deux ans sans nouveau album et à force de produire des albums pour Scarlett Johansson, est arrivé ce qui devait arrivé, la magie a fini par retombé. Les compositions sont toujours intelligentes, la voix du chanteur toujours très bien, mais difficile de rentrer dans un album qui sent autant le réchauffé.
Julien: au rayon électronique et consorts, XI VERSIONS OF BLACK NOISE a pas mal tourné de notre côté. C'est en fait une réunion de remixes de titres issus de BLACK NOISE de Pantha du Prince et non une version réétudiée: seule une poignée de tracks ont été repris par différents DJ ou groupes. "Trop de "Stick to My Side, non?" m'avait–on fait remarquer; le duo avec Panda Bear est effectivement archi–présent sur ce 11–titres. S'il est repris par Lawrence (Dial) en version dub, par Four Tet en nettement plus affirmé ou par Walls en version pandabearienne, c'est pour la réalisation d'Efdemin (il vient par ailleurs de sortir CHICAGO chez le même Dial) qu'on penchera, en variante ici tech–house qui marche du tonnerre pour ceux qui trouvaient ce titre sinon passable mais surtout peu entraînante. A propos de Panda Bear, son bateau–mère, Animal Collective, signe–lui une reprise du super "Welt Am Draht", tout en échos traditionnels au groupe américain, très deep pour finir en simulacre de dubstep. Ce même titre s'est vu corrigé par le vieux loup Moritz von Oswald en mode after, placide et magnifique, alors que Die Vogel (un titre sorti chez Pampa, le même label que Robag Wruhme, album du mois de Think Tank en mars dernier) le transforme en bonhomme nettement plus agressif avec une belle et longue introduction. Pour terminer, petit regret concernant la track The Side Below, mettant pas mal d'adversaires au tapis, ici pas franchement embelli, illustrant bien malgré lui toute la difficulté d'un album de remix (et aussi son utilité parfois). Hommage poli donc à BLACK NOISE, avec 3–4 excellents titres (c'est déjà ça).
Julien: plus housy: Audiofly (Get Physical), composé des britanniques Luca Saporito et Anthony Middelton, sortent leur premier long effort, FOLLOW MY LIEBE. Y figure le petit tube "6 Degrees" avec Fiora Cutler au micro. A part ça, rien de très nouveau sous le ciel du genre house chantée, avec quelques incursions du (bon) côté de Matias Aguayo ("Fela") ou dans les frivolités fin de siècle. Les années 90 reviennent en force, Audiofly ne contredira pas ce constat. C'est pas pour autant qu'on s'en réjouit (notons que "Kiss and Tell" est sans doute le meilleur titre de ce long album, mixé et non pas simplement compilé). Toujours dans le registre duo, Art Department vient de publier chez Crosstown Rebels l'album THE DRAWIN BOARD. On n'est pas face à des inconnus: avec la légende canadienne Kenny Glasgow et l'étoile montante Jonny White, c'est un mix surprenant mais surtout performant: "Without You" fut un ras–de–marée l'an passé, notamment désigné Titre de l'année par le très influent Resident Advisor. Cette manie actuelle de faire sonner ses titres comme il y a 20 ans habite autant ce titre house pour pleurer et danser que ce nouveau LP. On y retrouve même Seth Troxler, récemment programmé au festival Electron, sur deux morceaux, le très martial "Living the Life" ainsi que le bien nommé "Vampire Nightclub" vachement plus ambiance fin de soirée attention la surprise. On préfère nettement ça aux turlurettes discos à l'instar de "Tell Me Why (Part I & 2)" qui risque pourtant bien de finir sur toutes les platines des clubs chics cet été. On retiendra aussi le Moroder "Roberts Cry" avec une certaine idée de Boy George en échos pour un hybride d'interlude de toute bonne facture. Pour terminer, le final "ICU" est vraiment horrible. Voilà c'est dit. De la difficulté de tenir son rang en format album, toujours le même constat.
Pierre : Étonnement aussi assez housy, sort chez Mental Groove l’album du projet The National Fanfare Of Kadebostany. Derrière ce nom de compiation Sublime Frequencies, se cache en fait un projet regroupant des musiciens de différents pays de l’est, le Kadebostany étant un pays imaginaire. Ils seront d’ailleurs en concert au Paléo. Le côté multiculturelle et excentrique se sent d’emblée dans un son qui démarre comme de la musique slave, avec ces violons, accordéons et violons pour partir ensuite dans rythme saccadé sur des beats de garden party dans une friche de Minsk. Le résultat n’est pas loin d’être irréprochable mais finalement souffre peut-être de son identité éclatée. Tentant d’inventer une fanfare d’un pays rêvé, ce projet échoue dans la tentative d’y donner une véritable âme, ce truc vibrant qui semble relier organiquement les musiciens à la terre.
Julien: Ils viennent d'ailleurs au Romandie le 14 mai prochain!
Julien: à contre–courant, Jon Hopkins (cover ci–dessus) met de côté son arsenal électronique pour composer un album à quatre mains, aux côtés du très estimé King Creosote. Deux artistes signés chez Domino, tenants d'une certaine sensibilité, entre électro crépusculaire (INSIDES notamment, sorti en 2009) chez Hopkins et pop–folk intimiste et singulière chez Creosote (malgré le très remarqué "Two Frocks At a Wedding", entre The Notwist et David Byrne). Produit logiquement par Hopkins, DIAMOND MINE est un album grand format, OVNI et pourtant accueillant. Via l'ouverture "First Watch", on nous vendrait facilement cette collaboration comme étant au bénéfice d'une bande–son de film. Si tel n'est pas le cas, il faudrait sérieusement y songer. "John Taylor's Month Away" est une merveille de folk vaporeux à la Neil Young, moderne et bien éduqué; "Bats in the Attic" est plus classique mais tient son rang et "Running on Fumes" fait montre d'une grande attention à l'arrangement, dans une fausse–acoustique. On cherche des noms desquels on pourrait rapprocher ce duo construit sur le long terme, à travers les années et les temps–libres de ces deux britanniques. Franchement, il y pourrait autant y avoir de la chansonnette que du très complexe genre Aphex Twin. "Your Own Spell" en appelle à du Sigur Ròs humble. On pourrait afficher notre regret en considérant, à première vue, d'un trop de King Creosote au profit de l'électro de Hopkins. Seulement, rarement collaboration n'aura aussi bien fonctionné; la patte de ce dernier est sous–jacente, magnifiant le chant et offrant une nouvelle dimension à Creosote. A croire que ces sept titres auraient été composés d'une traite sur la Lune, avec bien belle vue sur la Terre. Voici un autre exploit de Hopkins: harmoniser les compositions, leur donner un statut sériel et non pas comme une simple collection de titres récoltés en long et en large. Faire de ce DIAMON MINE un vrai album quoi. Ce 7–titres se termine comme il a commencé, avec "Your Young Voice", ambiance fin de règne sereine et grande classe, pour un disque habité et hors du temps, entre folk et électronica, auquel il faut effectivement donner de son temps pour y rentrer. Ce n'est sûrement pas un disque de camionneur, mais voici l'un des deux disques du mois. En complément, je recommande aussi le nouvel album de Hauschka, SALON DES AMATEURS.
Julien: on respire un peu avant de passer à une autre signature Domino, Cass McCombs. WIT'S END fait partie des meilleurs sorties actuels sur Pitchfork. S'ils procèdent parfois de mauvaise foi ou d'un ton professoral, le webzine ne se trompe que rarement quant il faut honorer les grandes et belles choses. Dans le genre, ces braves gens ne seraient pas à même de classer le premier album de Austra dans cette catégorie, avec raison. Signés aussi chez Domino (belle production tout de même), les trois arty de Toronto auraient composé, selon leur label, "un chef-d’oeuvre propice tant pour des rites d’incantations que pour les clubs". Malgré tout notre bonne volonté, on y voit plus ici un de ces fameux avatars pillant dans l'héritage de Kate Bush, franchement plus nul que Fever Ray ou Telepathe, qui eux par exemple possédaient de vraies compositions et une certaine personnalité. Ici, on ne nous propose qu'une belle voix version 3ème millénaire, sans véritable fond et à mauvaise tendance divertissante donc, celle de Katie Stelmanis, sur la même base que Florence Welsh, de Florence and the Machine, avec quelques falsettos sur l'amusant "Lose It" qu'on aimerait pourtant sacrément remixer pour lui donner une vraie âme et de quoi pouvoir vraiment s'exciter en club. On ne nous propose aussi qu'un clip godiche avec "Beat and the Pulse", là aussi belle matière brut à passer au remixeur. Pourquoi tant d'incitation à cette pratique? Simplement parce que voilà, Austra possède toutefois quelques belles petites idées, se perdant malheureusement dans leur décorum pseudo New Wave Queer. Dans l'esprit, on préfère nettement le côté riot de Le Tigre ou son semi–avatar MEN. Par politesse, on garde de côté le plus ambitieux "Spellwork". Mais franchement, retiendra–t–on leur nom à l'heure des bilans? Pour rappel, on danse plus souvent en club sur du Smiths, du Kate Bush ou même du Joy Division – des gens qui avaient des choses à dire avant toute chose – que sur du Glasser ou du Goldfrapp, un vrai morceau pouvant habiter autant une discothèque que notre chambre. Délassant en cas de profonde procrastination. Oui, Cass McCombs donc, nous y revenons. Pierre, tu me disais du bien de son précédent album…
Pierre: Cass McCombs, je trouve ça vraiment joli et classe, à écouter main dans la main avec qui tu veux. Et c'est vrai que le single de l'ancien album "You Saved My Life" m'avait vraiment touché, avec sa mélodie parfaite et son joli clip. Mais bon dans le genre vraiment grandiose, je préfère nettement Panda Bear auquel je consacrerai tout bientôt une chronique spéciale pour son nouvel album TOMBOY.
Julien: J'ai récemment écouté WIT'S END sur la route, sous un déluge, en pleine nuit. C'était dangereux, et ce 8–titres n'a rien fait pour illuminer la situation. Et pourtant, avec l'ouverture "County Line", Cass McCombs lorgne du côté d'une soul brillante, ou bien propose une belle ballade avec le titre suivant, "The Lonely Doll". C'est ensuite que l'atmosphère se refroidit, alors que l'on entre dans le plus intime. "Buried Alive" est très 70's, proche des dernières compositions de Sean Lennon. "Saturday Song" partage un certain goût funèbre avec DM Stith. Certains verront les morceaux de Cass McCombs comme du Elliott Smith au cabaret, d'autres comme un avatar de Leorard Cohen ("Hermit's Cave, frappant de ressemblance). On termine l'album par le sombre contemplatif "Pleasant Shadow Song" puis par "A Knock Upon the Door", joué à la mandoline entourée de percussions, dans une petite déglingue rappelant Patrick Watson. Honnêtement, je trouve cet album dans un entre–deux trop présent, excellent au demeurant, mais d'un académisme m'embêtant.
Pierre : Crystal Stilts nous avait habitué à la qualité d’un rock psychédélique austère, et IN LOVE WITH OBLIVION ne décevra pas ceux qui ont apprécié les premiers opus du groupe. Ici pas de soumission au tout électronique de l’époque, ça sent les vieilles cigarettes, c’est sombre et c’est réalisé d’une façon irréprochable. Les guitares sont puissantes, les mélodies envoutantes. Si l’album en entier peut finir par lassé par l’homogénéité de son style, les sommets s’approches du grandiose. Comme "Shake The Shakles" ou "Precarious Stair". Tout le contraire de Young Knives. Les anglais commencent à se faire vieux et se perdent dans un rock traditionnel qui restera pour toujours à des lumières de The Fall. C’est pop sans être entrainant, c’est rock sans être tranchant. Bref, ORNAMENTS FROM THE SILVER ARCADE est pas terrible.
Julien: Un autre truc dément en ce moment, c'est la sortie de l'album éponyme de Jungle By Night. Le label de l'affaire est pas franchement connu, et pourtant: s'il est néérlandais, Kindred Spirits possède dans son catalogue une chaleur peu commune pour des blancs becs. Il y a même un super album de remixes de titres du Sun Ra! D'Amsterdam, Jungle By Night est vu comme la grande révélation de l'afrobeat par Chief Udoh Essiet, célèbre percussioniste du backing band 2.0 de Fela Kuti, Egypt ‘80. "Music should be warm, vibrant, soul- and colorful in our opinion. It’s all about the groove and the intention and that’s what we have been looking for making this EP" relève le groupe en sortie de studio. Enregistré en une prise, ce 6–titres possède effectivement cette touche live, assez bien produite également pour demeurer en tant que véritable album. L'influence majeure du Nigérian Fela Kuti est intacte, entre artistes hip–hop comme Talib Kweli, The Roots ou le raz–de–marée nord–américain récent (Fool's Gold et compagnie). Ici, quand on écoute "Great Wide Open", on entre vraiment dans cet afrobeat qu'on adore tellement chez Think Tank, précisée, flippante et passionnante. J'espère vraiment les voir tourner cet été; il faudra toutefois attendre l'hiver ou 2012, ce long EP sortant tardivement sur le market. Les membres de Jungle By Night sont au nombre de 9 mais parviennent à ne pas sombrer dans une certaine lourdeur et évite le grandiloquent. Futé, racé, l'album inaugural éponyme de ce groupe est à recommander!
Pierre : Metronomy, je trouve que c’est un groupe compliqué à juger. Beaucoup de gens n’aiment pas, il y a quelque chose d’agaçant dans leur son, mais il n’empêche que quand je retombe sur certaines chansons de leur précédent album, NIGHTS OUT, comme « Holiday », je suis chaque fois en train de secouer la tête, la basse est bandante. De l’excellente pop sous acide post-punk. Pour leur nouvel album, THE ENGLISH RIVIERA, le désormais quatuor de Metronomy a eu la très bonne idée d’abandonner ce genre mort-né qu’est l’electropop pour se concentrer sur les mélodies. Le résultat n’est pas loin du mieux de ce qu’on pouvait attendre de la formation. Les gimmicks pénibles pour hipster ont disparu pour laisser place à des belles chansons épurées, à l’ambiance spleen du bord de la mère du nord, comme "The Look" ou "The Bay".
Julien: De Hot Chip, Alexis Taylor est un fan avéré d'afrobeat et de funk. En 2009 déjà, il a monté un super–groupe nommé About Group, plus proche de Broken Bells que de Jungle By Night remarquez. Avec Charles Haywards (This Heat), John Coxon (Spring Heel Jack, Spiritualized) et Pat Thomas (musicien pour Derek Bailey et Tony Oxley), Taylor signe un LP de classic rock taillé légitimement moins pour les grands airs que pour une belle installation hi–fi. Sorti également sur Domino, START AND COMPLETE est une de ces curiosités aux multiples têtes comme savent si bien le faire les nord–américains, respectant le dogme du super–groupe. C'est beau, mais c'est chiant aussi. Et Coxon devrait arrêter avec ses effets immuables. On lui préférera nettemment la pépite 60's CAT'S EYES, premier album éponyme du duo improbable formé de Faris Badwan et de Rachel Zeffira. Un leader d'une formation proto–cold wave gothique, The Horrors, en mal de reconnaissance (on lui attribue plus souvent les étiquettes de frimeur, mini–gothique, supra–emo que celles de musicien respectable, à tort), en collaboration avec une soprano canadienne, muti–instrumentaliste classique. Si l'on ne s'est pas plus documenté sur leur rencontre ainsi que la gestation du disque, on a pas mal écouté Cat's Eyes, alors que, pour être honnête, on s'attendait à un objet relevant plus du marketing que du réel intérêt artistique. Hyper bien arrangé ("I'm Not Stupid" à faire déprimer Björk ou encore "The Best Person I Know"), fier comme une signature Motown ("Face in the Crowd"), acéré comme un extrait d'Ennio Morricone (le fantômatique "Bandit"), dantesque où Badwan se lâche ("Sooner Or Later", génial), avant de faire cueillette sur "The Lull", même pas niais. Voilà la grande réussite de CAT'S EYES: à l'instar jadis du duo Nick Cave – Kylie Minogue, cette formation signe un 10–titres archi–référencé, bon enfant, optimiste, mais jamais prétentieux ni maniéré – et pourtant combien tombent dans le panneaux ? – tout en sortant des tubes platinés et affolant, comme "Over You" ou, dans une moindre mesure, "Face in the Crowd". La grande surprise du mois.
Julien: le mois d'avril a décidément été très généreux au niveau qualitatif et on serait bien bête de passer à côté du nouveau Timber Timbre, présent sur le fameux label Arts & Craft, abritant aussi bien Gonzales que Ra Ra Riot. CREEP ON CREEPING ON avait été joué en partie l'automne passé lors du festival suisse, Heartland, en Suisse. Aux côtés de pointures comme The Acorn ou le duo Snowblink, Timber Timbre avait effectué un concert très remarqué, dans sa pop baroque, avec un Taylor Kirk chantant comme un dieu dans une cathédrale, tout en échos, qu'on pourrait placer à côté de Patrick Watson, autre valeureux guerrier déglingué à l'instrumentation audacieuse (entre percussions de récupération, saxophones et violons). On retient aussi "Black Water" au refrain à reprendre par un chœur de hooligans désolés, le putassier "Woman", excellent, l'étonnant "Too Old to Die Young". Ce LP représente la parfaite bande son pour la fin du monde. On tient d'ailleurs son épilogue, "Souvenirs", bien nommé et sacrément ironique. D'ici 2012, on a juste le temps d'apprendre les paroles. Dans un autre registre, si sombre destin il y a, on s'inquiétera pour celui de The Kills, bien trop caricaturaux de ce qu'a pu être leur flamboyant passé (deux premiers albums aussi bruts que définitifs) et complétement à l'est quand on repense à leurs ambitions pop sur MIDNIGHT BOOM, audacieux et réussi. Quand les années passent…
Disque du mois
Pierre: Panda Bear: TOMBOY
Julien: King Creosote & Jon Hopkins: DIAMOND MINE
Pierre: Autres groupes reconnus et attendus, TV On The Radio et Cold Cave sortaient leur nouvel album ce mois. Et pour les deux, si le résultat est respectable, il n'en est pas moins décevant. Alors qu'ils avaient réussi quelque chose d'assez bien avec leur précédent album (LOVE COME CLOSE) avec une cold wave racée et mélancolique à en pleurer, Cold Cave accélèrent à mon plus grand regret pour faire du sous–Cure. On a plus le temps de s'émouvoir et les synthés à force d'essayer de se rechauffer ont perdu leurs beautés glaçante pour n'être plus que de la neige toute molle. On sait pas si c'est l'emballement actuel que connait la cold wave qui leur a fait ça, mais les gars de Cold Cave ont perdu le sang froid qui faisait la qualité de leur son. TV On The Radio semblent eux aussi un peu dépassés. Tout est pas mal fait mais sans y croire. J'ai jamais été un fan du groupe mais là j'ai vraiment de la peine à m'emballer pour un disque que je trouve aussi daté qu'insipide. Après deux ans sans nouveau album et à force de produire des albums pour Scarlett Johansson, est arrivé ce qui devait arrivé, la magie a fini par retombé. Les compositions sont toujours intelligentes, la voix du chanteur toujours très bien, mais difficile de rentrer dans un album qui sent autant le réchauffé.
Julien: au rayon électronique et consorts, XI VERSIONS OF BLACK NOISE a pas mal tourné de notre côté. C'est en fait une réunion de remixes de titres issus de BLACK NOISE de Pantha du Prince et non une version réétudiée: seule une poignée de tracks ont été repris par différents DJ ou groupes. "Trop de "Stick to My Side, non?" m'avait–on fait remarquer; le duo avec Panda Bear est effectivement archi–présent sur ce 11–titres. S'il est repris par Lawrence (Dial) en version dub, par Four Tet en nettement plus affirmé ou par Walls en version pandabearienne, c'est pour la réalisation d'Efdemin (il vient par ailleurs de sortir CHICAGO chez le même Dial) qu'on penchera, en variante ici tech–house qui marche du tonnerre pour ceux qui trouvaient ce titre sinon passable mais surtout peu entraînante. A propos de Panda Bear, son bateau–mère, Animal Collective, signe–lui une reprise du super "Welt Am Draht", tout en échos traditionnels au groupe américain, très deep pour finir en simulacre de dubstep. Ce même titre s'est vu corrigé par le vieux loup Moritz von Oswald en mode after, placide et magnifique, alors que Die Vogel (un titre sorti chez Pampa, le même label que Robag Wruhme, album du mois de Think Tank en mars dernier) le transforme en bonhomme nettement plus agressif avec une belle et longue introduction. Pour terminer, petit regret concernant la track The Side Below, mettant pas mal d'adversaires au tapis, ici pas franchement embelli, illustrant bien malgré lui toute la difficulté d'un album de remix (et aussi son utilité parfois). Hommage poli donc à BLACK NOISE, avec 3–4 excellents titres (c'est déjà ça).
Julien: plus housy: Audiofly (Get Physical), composé des britanniques Luca Saporito et Anthony Middelton, sortent leur premier long effort, FOLLOW MY LIEBE. Y figure le petit tube "6 Degrees" avec Fiora Cutler au micro. A part ça, rien de très nouveau sous le ciel du genre house chantée, avec quelques incursions du (bon) côté de Matias Aguayo ("Fela") ou dans les frivolités fin de siècle. Les années 90 reviennent en force, Audiofly ne contredira pas ce constat. C'est pas pour autant qu'on s'en réjouit (notons que "Kiss and Tell" est sans doute le meilleur titre de ce long album, mixé et non pas simplement compilé). Toujours dans le registre duo, Art Department vient de publier chez Crosstown Rebels l'album THE DRAWIN BOARD. On n'est pas face à des inconnus: avec la légende canadienne Kenny Glasgow et l'étoile montante Jonny White, c'est un mix surprenant mais surtout performant: "Without You" fut un ras–de–marée l'an passé, notamment désigné Titre de l'année par le très influent Resident Advisor. Cette manie actuelle de faire sonner ses titres comme il y a 20 ans habite autant ce titre house pour pleurer et danser que ce nouveau LP. On y retrouve même Seth Troxler, récemment programmé au festival Electron, sur deux morceaux, le très martial "Living the Life" ainsi que le bien nommé "Vampire Nightclub" vachement plus ambiance fin de soirée attention la surprise. On préfère nettement ça aux turlurettes discos à l'instar de "Tell Me Why (Part I & 2)" qui risque pourtant bien de finir sur toutes les platines des clubs chics cet été. On retiendra aussi le Moroder "Roberts Cry" avec une certaine idée de Boy George en échos pour un hybride d'interlude de toute bonne facture. Pour terminer, le final "ICU" est vraiment horrible. Voilà c'est dit. De la difficulté de tenir son rang en format album, toujours le même constat.
Pierre : Étonnement aussi assez housy, sort chez Mental Groove l’album du projet The National Fanfare Of Kadebostany. Derrière ce nom de compiation Sublime Frequencies, se cache en fait un projet regroupant des musiciens de différents pays de l’est, le Kadebostany étant un pays imaginaire. Ils seront d’ailleurs en concert au Paléo. Le côté multiculturelle et excentrique se sent d’emblée dans un son qui démarre comme de la musique slave, avec ces violons, accordéons et violons pour partir ensuite dans rythme saccadé sur des beats de garden party dans une friche de Minsk. Le résultat n’est pas loin d’être irréprochable mais finalement souffre peut-être de son identité éclatée. Tentant d’inventer une fanfare d’un pays rêvé, ce projet échoue dans la tentative d’y donner une véritable âme, ce truc vibrant qui semble relier organiquement les musiciens à la terre.
Julien: Ils viennent d'ailleurs au Romandie le 14 mai prochain!
Julien: à contre–courant, Jon Hopkins (cover ci–dessus) met de côté son arsenal électronique pour composer un album à quatre mains, aux côtés du très estimé King Creosote. Deux artistes signés chez Domino, tenants d'une certaine sensibilité, entre électro crépusculaire (INSIDES notamment, sorti en 2009) chez Hopkins et pop–folk intimiste et singulière chez Creosote (malgré le très remarqué "Two Frocks At a Wedding", entre The Notwist et David Byrne). Produit logiquement par Hopkins, DIAMOND MINE est un album grand format, OVNI et pourtant accueillant. Via l'ouverture "First Watch", on nous vendrait facilement cette collaboration comme étant au bénéfice d'une bande–son de film. Si tel n'est pas le cas, il faudrait sérieusement y songer. "John Taylor's Month Away" est une merveille de folk vaporeux à la Neil Young, moderne et bien éduqué; "Bats in the Attic" est plus classique mais tient son rang et "Running on Fumes" fait montre d'une grande attention à l'arrangement, dans une fausse–acoustique. On cherche des noms desquels on pourrait rapprocher ce duo construit sur le long terme, à travers les années et les temps–libres de ces deux britanniques. Franchement, il y pourrait autant y avoir de la chansonnette que du très complexe genre Aphex Twin. "Your Own Spell" en appelle à du Sigur Ròs humble. On pourrait afficher notre regret en considérant, à première vue, d'un trop de King Creosote au profit de l'électro de Hopkins. Seulement, rarement collaboration n'aura aussi bien fonctionné; la patte de ce dernier est sous–jacente, magnifiant le chant et offrant une nouvelle dimension à Creosote. A croire que ces sept titres auraient été composés d'une traite sur la Lune, avec bien belle vue sur la Terre. Voici un autre exploit de Hopkins: harmoniser les compositions, leur donner un statut sériel et non pas comme une simple collection de titres récoltés en long et en large. Faire de ce DIAMON MINE un vrai album quoi. Ce 7–titres se termine comme il a commencé, avec "Your Young Voice", ambiance fin de règne sereine et grande classe, pour un disque habité et hors du temps, entre folk et électronica, auquel il faut effectivement donner de son temps pour y rentrer. Ce n'est sûrement pas un disque de camionneur, mais voici l'un des deux disques du mois. En complément, je recommande aussi le nouvel album de Hauschka, SALON DES AMATEURS.
Julien: on respire un peu avant de passer à une autre signature Domino, Cass McCombs. WIT'S END fait partie des meilleurs sorties actuels sur Pitchfork. S'ils procèdent parfois de mauvaise foi ou d'un ton professoral, le webzine ne se trompe que rarement quant il faut honorer les grandes et belles choses. Dans le genre, ces braves gens ne seraient pas à même de classer le premier album de Austra dans cette catégorie, avec raison. Signés aussi chez Domino (belle production tout de même), les trois arty de Toronto auraient composé, selon leur label, "un chef-d’oeuvre propice tant pour des rites d’incantations que pour les clubs". Malgré tout notre bonne volonté, on y voit plus ici un de ces fameux avatars pillant dans l'héritage de Kate Bush, franchement plus nul que Fever Ray ou Telepathe, qui eux par exemple possédaient de vraies compositions et une certaine personnalité. Ici, on ne nous propose qu'une belle voix version 3ème millénaire, sans véritable fond et à mauvaise tendance divertissante donc, celle de Katie Stelmanis, sur la même base que Florence Welsh, de Florence and the Machine, avec quelques falsettos sur l'amusant "Lose It" qu'on aimerait pourtant sacrément remixer pour lui donner une vraie âme et de quoi pouvoir vraiment s'exciter en club. On ne nous propose aussi qu'un clip godiche avec "Beat and the Pulse", là aussi belle matière brut à passer au remixeur. Pourquoi tant d'incitation à cette pratique? Simplement parce que voilà, Austra possède toutefois quelques belles petites idées, se perdant malheureusement dans leur décorum pseudo New Wave Queer. Dans l'esprit, on préfère nettement le côté riot de Le Tigre ou son semi–avatar MEN. Par politesse, on garde de côté le plus ambitieux "Spellwork". Mais franchement, retiendra–t–on leur nom à l'heure des bilans? Pour rappel, on danse plus souvent en club sur du Smiths, du Kate Bush ou même du Joy Division – des gens qui avaient des choses à dire avant toute chose – que sur du Glasser ou du Goldfrapp, un vrai morceau pouvant habiter autant une discothèque que notre chambre. Délassant en cas de profonde procrastination. Oui, Cass McCombs donc, nous y revenons. Pierre, tu me disais du bien de son précédent album…
Pierre: Cass McCombs, je trouve ça vraiment joli et classe, à écouter main dans la main avec qui tu veux. Et c'est vrai que le single de l'ancien album "You Saved My Life" m'avait vraiment touché, avec sa mélodie parfaite et son joli clip. Mais bon dans le genre vraiment grandiose, je préfère nettement Panda Bear auquel je consacrerai tout bientôt une chronique spéciale pour son nouvel album TOMBOY.
Julien: J'ai récemment écouté WIT'S END sur la route, sous un déluge, en pleine nuit. C'était dangereux, et ce 8–titres n'a rien fait pour illuminer la situation. Et pourtant, avec l'ouverture "County Line", Cass McCombs lorgne du côté d'une soul brillante, ou bien propose une belle ballade avec le titre suivant, "The Lonely Doll". C'est ensuite que l'atmosphère se refroidit, alors que l'on entre dans le plus intime. "Buried Alive" est très 70's, proche des dernières compositions de Sean Lennon. "Saturday Song" partage un certain goût funèbre avec DM Stith. Certains verront les morceaux de Cass McCombs comme du Elliott Smith au cabaret, d'autres comme un avatar de Leorard Cohen ("Hermit's Cave, frappant de ressemblance). On termine l'album par le sombre contemplatif "Pleasant Shadow Song" puis par "A Knock Upon the Door", joué à la mandoline entourée de percussions, dans une petite déglingue rappelant Patrick Watson. Honnêtement, je trouve cet album dans un entre–deux trop présent, excellent au demeurant, mais d'un académisme m'embêtant.
Pierre : Crystal Stilts nous avait habitué à la qualité d’un rock psychédélique austère, et IN LOVE WITH OBLIVION ne décevra pas ceux qui ont apprécié les premiers opus du groupe. Ici pas de soumission au tout électronique de l’époque, ça sent les vieilles cigarettes, c’est sombre et c’est réalisé d’une façon irréprochable. Les guitares sont puissantes, les mélodies envoutantes. Si l’album en entier peut finir par lassé par l’homogénéité de son style, les sommets s’approches du grandiose. Comme "Shake The Shakles" ou "Precarious Stair". Tout le contraire de Young Knives. Les anglais commencent à se faire vieux et se perdent dans un rock traditionnel qui restera pour toujours à des lumières de The Fall. C’est pop sans être entrainant, c’est rock sans être tranchant. Bref, ORNAMENTS FROM THE SILVER ARCADE est pas terrible.
Julien: Un autre truc dément en ce moment, c'est la sortie de l'album éponyme de Jungle By Night. Le label de l'affaire est pas franchement connu, et pourtant: s'il est néérlandais, Kindred Spirits possède dans son catalogue une chaleur peu commune pour des blancs becs. Il y a même un super album de remixes de titres du Sun Ra! D'Amsterdam, Jungle By Night est vu comme la grande révélation de l'afrobeat par Chief Udoh Essiet, célèbre percussioniste du backing band 2.0 de Fela Kuti, Egypt ‘80. "Music should be warm, vibrant, soul- and colorful in our opinion. It’s all about the groove and the intention and that’s what we have been looking for making this EP" relève le groupe en sortie de studio. Enregistré en une prise, ce 6–titres possède effectivement cette touche live, assez bien produite également pour demeurer en tant que véritable album. L'influence majeure du Nigérian Fela Kuti est intacte, entre artistes hip–hop comme Talib Kweli, The Roots ou le raz–de–marée nord–américain récent (Fool's Gold et compagnie). Ici, quand on écoute "Great Wide Open", on entre vraiment dans cet afrobeat qu'on adore tellement chez Think Tank, précisée, flippante et passionnante. J'espère vraiment les voir tourner cet été; il faudra toutefois attendre l'hiver ou 2012, ce long EP sortant tardivement sur le market. Les membres de Jungle By Night sont au nombre de 9 mais parviennent à ne pas sombrer dans une certaine lourdeur et évite le grandiloquent. Futé, racé, l'album inaugural éponyme de ce groupe est à recommander!
Pierre : Metronomy, je trouve que c’est un groupe compliqué à juger. Beaucoup de gens n’aiment pas, il y a quelque chose d’agaçant dans leur son, mais il n’empêche que quand je retombe sur certaines chansons de leur précédent album, NIGHTS OUT, comme « Holiday », je suis chaque fois en train de secouer la tête, la basse est bandante. De l’excellente pop sous acide post-punk. Pour leur nouvel album, THE ENGLISH RIVIERA, le désormais quatuor de Metronomy a eu la très bonne idée d’abandonner ce genre mort-né qu’est l’electropop pour se concentrer sur les mélodies. Le résultat n’est pas loin du mieux de ce qu’on pouvait attendre de la formation. Les gimmicks pénibles pour hipster ont disparu pour laisser place à des belles chansons épurées, à l’ambiance spleen du bord de la mère du nord, comme "The Look" ou "The Bay".
Julien: De Hot Chip, Alexis Taylor est un fan avéré d'afrobeat et de funk. En 2009 déjà, il a monté un super–groupe nommé About Group, plus proche de Broken Bells que de Jungle By Night remarquez. Avec Charles Haywards (This Heat), John Coxon (Spring Heel Jack, Spiritualized) et Pat Thomas (musicien pour Derek Bailey et Tony Oxley), Taylor signe un LP de classic rock taillé légitimement moins pour les grands airs que pour une belle installation hi–fi. Sorti également sur Domino, START AND COMPLETE est une de ces curiosités aux multiples têtes comme savent si bien le faire les nord–américains, respectant le dogme du super–groupe. C'est beau, mais c'est chiant aussi. Et Coxon devrait arrêter avec ses effets immuables. On lui préférera nettemment la pépite 60's CAT'S EYES, premier album éponyme du duo improbable formé de Faris Badwan et de Rachel Zeffira. Un leader d'une formation proto–cold wave gothique, The Horrors, en mal de reconnaissance (on lui attribue plus souvent les étiquettes de frimeur, mini–gothique, supra–emo que celles de musicien respectable, à tort), en collaboration avec une soprano canadienne, muti–instrumentaliste classique. Si l'on ne s'est pas plus documenté sur leur rencontre ainsi que la gestation du disque, on a pas mal écouté Cat's Eyes, alors que, pour être honnête, on s'attendait à un objet relevant plus du marketing que du réel intérêt artistique. Hyper bien arrangé ("I'm Not Stupid" à faire déprimer Björk ou encore "The Best Person I Know"), fier comme une signature Motown ("Face in the Crowd"), acéré comme un extrait d'Ennio Morricone (le fantômatique "Bandit"), dantesque où Badwan se lâche ("Sooner Or Later", génial), avant de faire cueillette sur "The Lull", même pas niais. Voilà la grande réussite de CAT'S EYES: à l'instar jadis du duo Nick Cave – Kylie Minogue, cette formation signe un 10–titres archi–référencé, bon enfant, optimiste, mais jamais prétentieux ni maniéré – et pourtant combien tombent dans le panneaux ? – tout en sortant des tubes platinés et affolant, comme "Over You" ou, dans une moindre mesure, "Face in the Crowd". La grande surprise du mois.
Julien: le mois d'avril a décidément été très généreux au niveau qualitatif et on serait bien bête de passer à côté du nouveau Timber Timbre, présent sur le fameux label Arts & Craft, abritant aussi bien Gonzales que Ra Ra Riot. CREEP ON CREEPING ON avait été joué en partie l'automne passé lors du festival suisse, Heartland, en Suisse. Aux côtés de pointures comme The Acorn ou le duo Snowblink, Timber Timbre avait effectué un concert très remarqué, dans sa pop baroque, avec un Taylor Kirk chantant comme un dieu dans une cathédrale, tout en échos, qu'on pourrait placer à côté de Patrick Watson, autre valeureux guerrier déglingué à l'instrumentation audacieuse (entre percussions de récupération, saxophones et violons). On retient aussi "Black Water" au refrain à reprendre par un chœur de hooligans désolés, le putassier "Woman", excellent, l'étonnant "Too Old to Die Young". Ce LP représente la parfaite bande son pour la fin du monde. On tient d'ailleurs son épilogue, "Souvenirs", bien nommé et sacrément ironique. D'ici 2012, on a juste le temps d'apprendre les paroles. Dans un autre registre, si sombre destin il y a, on s'inquiétera pour celui de The Kills, bien trop caricaturaux de ce qu'a pu être leur flamboyant passé (deux premiers albums aussi bruts que définitifs) et complétement à l'est quand on repense à leurs ambitions pop sur MIDNIGHT BOOM, audacieux et réussi. Quand les années passent…
Disque du mois
Pierre: Panda Bear: TOMBOY
Julien: King Creosote & Jon Hopkins: DIAMOND MINE
Singles du mois
Pierre: Personna La Ave: "Soulmates"
Pictureplane: remix de "Baptism" de Crystal Castles
Julien: tUnE–yArDs: "Wooly Wooly Gong"
Et ce dont on n'a pas pu parler ce mois, notamment:
Alela Diane, Alela Diane & Wild Divine [Rough Trade/Konkurrent]
Bass Drum of Death, GB City [Fat Possum]
Explosions in the Sky: Take Care, Take Care, Take Care [Temporary Residence]
Fucked Up: David's Town [Matador]
Gorrilaz, The Fall [EMI]
Guillemots,Walk The River [Geffen]
J.Rocc: Some Cold Rock Stuf [Stones Throw]
Jamie Woon: Mirrorwriting [Candent Songs/Polydor]
James Pants, James Pants [Stones Throw]
Kode9 & the Spaceape: Black Sun [Hyperdub]
Little Scream, The Golden Records [Secretly Canadian]
Low: C'Mon [Sub Pop]
Prefuse 73: The Only She Chapters [Warp]
The Feelies: Here Before [Bar/None]
Times New Viking: Dancer Equired [Merge]
Vivian Girls: Share the Joy [Polyvinyl]
Young Galaxy, Shapeshifting [Smalltown Supersound/Konkurrent]
Le mois prochain: Fleet Foxes, Beastie Boys, Elysian Fields, Tyler, The Creator, Morrissey, Micachu & The Shapes, The Antlers, Man Man, Chad VanGaalen, Glasvegas etc.
Clip du mois: Black Lips, "Modern Art"