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13 mars 2011

MUSIK TANK: RADIOHEAD, éTAIT-CE VRAIMENT NéCESSAIRE?

Photo: Frédéric Gabioud

Bon. Merci, oui merci, ce n'est pas un cadeau que l'on me fait là. Parce qu'en 2011, qui a encore envie de parler de Radiohead? Au présent ou au futur, entendons-nous. Sorti en catimini pour faire "genre" ou parce qu'il faut toujours faire autrement, THE KING OF LIMBS est finalement décortiqué par nos soins. Enfin, pas vraiment l'album.

Toujours faire autrement: oui, Radiohead n'est pas un groupe lambda. Notons pour ceux qui sont parti sur Mars entre 1997 et 2001 qu'en trois albums, le groupe d'Oxford a atteint le sacré Graal, l'orgasme collégial, la Sainte Trinité. Nirvana était mort depuis peu, Oasis éructait ses hymnes alcoolisés, Damon Albarn était en passe de devenir un vrai musicien, mais là, c'était différent. OK COMPUTER, qu'on le veuille ou non, avait mis absolument tout le monde sur le cul. Des morceaux, des putains de morceaux et surtout une grande production. Un modèle, un classique, des jalousies. Encore que, on n'avait rien vu. 2000 – 2001, l'album à deux têtes, KID A et AMNESIAC. Ce truc, sorti en huit mois d'intervale, plaçait Thom Yorke and co. plus près du label Warp que de Parlophone, leur maison–mère, à mi-chemin entre Syd Barrett et Robert Wyatt. Non, franchement, c'était très bien. On ne s'en lasse pas. Un peu plus tard, franchement différent, de nouveau rock  et donc un peu moins intéressant, paraissait HAIL TO THE THIEF. Quelques grands morceaux ("2+2=5", "Where I End and You Begin") indispensables surtout pour lancer les concerts d'alors, dans cette tournée magique, sans doute la meilleure du groupe, en 2003 (l'Auditorium Stravinsky de Montreux s'en souvient encore). Et puis, cette franche rigolade geekish pour laquelle j'avais donné 25 francs helvétiques, IN RAIBOWS, album de climat(s), encore que relativement passionnant.


En fait, vous rigolerez, mais prenez KID A, AMNESIAC et IN RAINBOWS dans ses largeurs pour en faire ce huitième album. Oh, et puis un peu de l'album solo de Thom York, THE ERASER, qu'on regretterait presque alors que notre platine joue "Codex", sixième et antépénultième titre. On parle de ces fameuses sept années de grâce chez un groupe aussi souvent que des trois années de bonheur amoureux. En gros, ça situe le vrai bon Radiohead depuis THE BENDS jusqu'à 2002–2003, à choix. Ensuite, de la redite. Ce qui est énervant finalement, ce n'est pas seulement cette activité coûte que coûte, parce que les gars, ils ont le droit de faire la musique qu'ils veulent et aussi de travailler pour gagner leur vie pour autant qu'un groupe de musique puisse encore rapporter de l'argent, enfin, dans leur cas cela n'a jamais été un problème, pour preuve, qui oserait donner un disque au simple quidam (IN RAINBOWS) alors que tout frais compté, studio, pressage, café, promotion, on ouvrirait un zoo à Lausanne pour moins que cela ? Non, le plus énervant ici, c'est cette constance médiatique de se nourrir de Radiohead alors que le propos n'y est plus (et la croyance en parallèle). Et pourtant, l'ouverture "Bloom" est bonne, free–jazz aérienne sur le fil. Leur génie musical, on le sait, vient en majeure partie des frères Greenwood (bien que Phil Selway et Ed O'Brien ne soient pas des manches non plus). Thom Yorke, c'est un peu le Bono de Radiohead: nécessaire, incriticable et pourtant irritant. Et puis zut, ces gémissements n'ont rien à apporter à ce "Bloom", qu'on mette cette belle rythmique en avant, et cette basse, fabuleuse. Plus de sourdine, Jésus est mort, qu'on laisse le peuple s'exprimer! Next, "Morning Mr Magpie", fantômatique autant sur le fond que la forme. AMNESIAC propose de bien meilleures choses, dix ans auparavant. "Little By Little", mon Dieu, c'est vraiment embêtant d'avouer en public son manque d'inspiration. Parlons plutôt de la pochette, une histoire du moche à elle seule. De pipe, ça fait du bien de voir du vrai moche une fois, alors qu'on n'est que trop habitué à du faux joli constamment. Cette belle font en transparence, des fantômes et une forêt en toile de fond. Rien à redire, du vrai bon boulot, ça donne. A part cela, "Feral" est assez bon, quoiqu'encore une fois proche du vrai bon Radiohead des années 00.


En signe de protestation, je ne finirai pas ma chronique convenablement. A l'image de "Give Up The Ghost", ne plus avancer depuis 2003 et donc se retrouver largué en 2011. Mais pire, perdre ses fans par trop de convenance ou de suffisance. Qui aurait pu prédire pareille déchéance au temps du changement de millénaire? "Mieux vaut être brûlé vif que mourir à petit feux" : finalement, Kurt Cobain n'a pas dit que des choses bêtes. Il est vrai que c'est franchement ennuyant de se retrouver face à cette daube qu'est THE KING OF LIMBS alors qu'on a connu une telle flamboyance chez un groupe qui a tout de même permis à des Animal Collective d'éclore ou à des Massive Attack de vivre de leur soupe. En 2011, Radiohead pense faire différemment à défaut de tenter de bien faire.  37 minutes, par une de plus. Voici le premier album de Radiohead que je n'achèterai pas. A quand la reprise?